Intervention de Christiane Demontès

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 mai 2010 : 2ème réunion
Conclusions de la mecss sur le rendez-vous 2010 pour les retraites — Communication

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès, rapporteure :

Après quatre mois d'auditions, la Mecss a établi son rapport sur le rendez-vous 2010 pour les retraites qui a pour ambition d'explorer les pistes susceptibles, à court et plus long terme, de régler la situation financière urgente des retraites, et aussi de restaurer le pacte intergénérationnel aujourd'hui gravement compromis.

Les aléas de l'histoire ont conduit à organiser le système de retraite sur une base socioprofessionnelle, ce qui explique, d'ailleurs, sa complexité. Il comprend trois étages :

- les vingt et un régimes de base obligatoires (régime général, RSI, MSA, régimes spéciaux) ;

- les régimes complémentaires obligatoires du secteur privé, notamment l'Agirc et l'Arrco ;

- les dispositifs d'épargne retraite collective et individuelle, comme le Perp ou Perco.

Pour ajouter à la complexité, les techniques de calcul des droits à la retraite diffèrent selon les régimes : les régimes de base fonctionnent en annuités, les régimes complémentaires par points. En outre, les paramètres de calcul des pensions sont encore plus divers, qu'il s'agisse du décompte de la durée d'assurance, du salaire de référence, de l'âge de départ ou du taux de liquidation.

Toutefois, ce système a fait ses preuves en assurant aux retraités un niveau de vie comparable à celui des actifs. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, quatre évolutions sont observables :

- l'augmentation du montant des pensions au fil des générations, supérieure à celle de l'inflation ;

- la progression régulière du niveau de vie moyen des retraités depuis 1996 ;

- la quasi-équivalence entre le niveau de vie moyen des retraités et celui des actifs, dès lors qu'on tient compte des revenus du patrimoine, plus élevés chez les retraités ;

- la stabilisation à 10 % du taux de pauvreté des personnes de soixante ans et plus - soit un niveau inférieur à celui de l'ensemble de la population (13 %), et un net recul depuis 1970 où il était de 30 %.

Cependant, ces moyennes masquent des disparités importantes : 10 % des retraités, principalement ceux ayant eu une carrière incomplète et les femmes, perçoivent moins de 913 euros par mois.

La prise de conscience des difficultés démographiques et financières du système de retraite ne date pas d'aujourd'hui. Au cours des vingt dernières années, plusieurs rapports importants y ont été consacrés, qui ont inspiré les grandes réformes successives du système de retraite.

Celle de 1993 a engagé trois évolutions majeures :

- la fixation d'une durée d'assurance de cent soixante trimestres pour liquider une pension à taux plein dans le régime général et les régimes alignés ;

- le calcul de la pension sur la base du salaire des vingt-cinq (et non plus des dix) meilleures années, toujours dans le régime général et les régimes alignés ;

- l'indexation annuelle des pensions sur les prix et non plus sur les salaires.

La deuxième réforme d'ampleur, mise en oeuvre en 2003, a fait de la durée d'assurance le paramètre essentiel d'ajustement du système de retraite, tout en posant le principe d'un rapport constant entre la durée d'activité (deux tiers) et la durée de la retraite (un tiers). Elle a, en outre, aligné la fonction publique sur le secteur privé en termes de durée d'assurance, de calcul de la revalorisation annuelle des pensions et d'instauration progressive d'une surcote et d'une décote. En revanche, elle a laissé intacte une particularité du régime des fonctionnaires : celle du calcul de la pension sur la base des six derniers mois de salaire. Elle a, par ailleurs, mis en place un dispositif de retraite anticipée pour longue carrière, équitable mais coûteux.

La dernière réforme en date est celle des régimes spéciaux, réalisée en 2007 et 2008. Son objectif a été d'harmoniser les principaux paramètres de droit et de calcul appliqués par les régimes spéciaux, la SNCF ou la RATP notamment, avec ceux mis en oeuvre dans la fonction publique.

En définitive, toutes ces réformes ont consisté, pour l'essentiel, à accroître la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension de retraite à taux plein. Pourtant, elles n'ont pas permis d'assurer la soutenabilité financière des régimes de retraite : celle-ci est plus menacée que jamais, pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles.

Le système est, en effet, dans une situation de déséquilibre financier dramatique. Sur les 270 milliards d'euros que la France y consacrera cette année, soit 13 % du Pib, plus de 11 % ne sont désormais plus couverts par les recettes : le besoin de financement de l'ensemble du système de retraite sera de 30 milliards d'euros en 2010, ce qui s'explique principalement par deux facteurs démographiques :

- la dégradation continue du rapport cotisants-retraités, passé de 4 en 1960 à 1,43 aujourd'hui ;

- l'allongement de l'espérance de vie (de six ans depuis les années quatre-vingt).

A quoi s'ajoutent les pertes de recettes résultant de la crise économique du fait de la contraction des recettes assises sur les revenus d'activité.

Les dernières projections financières du Cor font apparaître un besoin de financement de 38 à 40 milliards d'euros par an dès 2015, c'est-à-dire demain. A l'horizon 2050, à législation inchangée, il serait compris entre 72 et 115 milliards en fonction des hypothèses retenues. Une telle évolution n'est simplement pas supportable et menace la survie du système.

Or, les effets à attendre d'une modification des paramètres d'équilibre des régimes de retraite peuvent prendre jusqu'à vingt ans pour être perceptibles, de sorte qu'il est nécessaire d'agir le plus en amont possible. Tel est le premier enjeu du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Enfin, nous avons, au-delà de cette approche financière, souhaité insister sur la dimension sociétale du problème des retraites. On observe en effet une grave perte de confiance de la part des jeunes générations.

La norme était celle d'un contrat social passé entre les générations 1 (les parents) et 2 (les enfants). Il engage aujourd'hui la génération 3 (les petits-enfants) car les pensions servies aux retraités actuels sont financées par la dette dont hériteront leurs petits-enfants.

Le risque est réel de voir les jeunes actifs d'aujourd'hui et de demain refuser de cotiser plus et/ou de travailler plus longtemps. Il est impératif de leur redonner confiance. C'est donc par la préparation du système de retraite de 2030 que passe la refondation du pacte intergénérationnel.

La crédibilité du système de retraite est également gravement entamée par la méthode de réforme. Sur le principe, le choix d'un pilotage par rendez-vous quadriennaux retenu en 2003 était judicieux mais par manque de pédagogie et de transparence sur les objectifs qui leur sont assignés, ces rendez-vous sont perçus par l'opinion publique comme anxiogènes, encourageant certains assurés à anticiper leur départ dans la crainte de règles futures plus strictes.

Assurément, repenser la méthode de réforme participe d'une modernisation durable du système de retraite.

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