Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission prend connaissance des conclusions de la Mecss sur le rendez-vous 2010 pour les retraites, présentées par Mme Christiane Demontès et M. Dominique Leclerc, rapporteurs.
La Mecss vient d'adopter le rapport qu'elle a consacré au rendez-vous 2010 pour les retraites, dont elle a souhaité présenter aussitôt les conclusions à la commission.
Après quatre mois d'auditions, la Mecss a établi son rapport sur le rendez-vous 2010 pour les retraites qui a pour ambition d'explorer les pistes susceptibles, à court et plus long terme, de régler la situation financière urgente des retraites, et aussi de restaurer le pacte intergénérationnel aujourd'hui gravement compromis.
Les aléas de l'histoire ont conduit à organiser le système de retraite sur une base socioprofessionnelle, ce qui explique, d'ailleurs, sa complexité. Il comprend trois étages :
- les vingt et un régimes de base obligatoires (régime général, RSI, MSA, régimes spéciaux) ;
- les régimes complémentaires obligatoires du secteur privé, notamment l'Agirc et l'Arrco ;
- les dispositifs d'épargne retraite collective et individuelle, comme le Perp ou Perco.
Pour ajouter à la complexité, les techniques de calcul des droits à la retraite diffèrent selon les régimes : les régimes de base fonctionnent en annuités, les régimes complémentaires par points. En outre, les paramètres de calcul des pensions sont encore plus divers, qu'il s'agisse du décompte de la durée d'assurance, du salaire de référence, de l'âge de départ ou du taux de liquidation.
Toutefois, ce système a fait ses preuves en assurant aux retraités un niveau de vie comparable à celui des actifs. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, quatre évolutions sont observables :
- l'augmentation du montant des pensions au fil des générations, supérieure à celle de l'inflation ;
- la progression régulière du niveau de vie moyen des retraités depuis 1996 ;
- la quasi-équivalence entre le niveau de vie moyen des retraités et celui des actifs, dès lors qu'on tient compte des revenus du patrimoine, plus élevés chez les retraités ;
- la stabilisation à 10 % du taux de pauvreté des personnes de soixante ans et plus - soit un niveau inférieur à celui de l'ensemble de la population (13 %), et un net recul depuis 1970 où il était de 30 %.
Cependant, ces moyennes masquent des disparités importantes : 10 % des retraités, principalement ceux ayant eu une carrière incomplète et les femmes, perçoivent moins de 913 euros par mois.
La prise de conscience des difficultés démographiques et financières du système de retraite ne date pas d'aujourd'hui. Au cours des vingt dernières années, plusieurs rapports importants y ont été consacrés, qui ont inspiré les grandes réformes successives du système de retraite.
Celle de 1993 a engagé trois évolutions majeures :
- la fixation d'une durée d'assurance de cent soixante trimestres pour liquider une pension à taux plein dans le régime général et les régimes alignés ;
- le calcul de la pension sur la base du salaire des vingt-cinq (et non plus des dix) meilleures années, toujours dans le régime général et les régimes alignés ;
- l'indexation annuelle des pensions sur les prix et non plus sur les salaires.
La deuxième réforme d'ampleur, mise en oeuvre en 2003, a fait de la durée d'assurance le paramètre essentiel d'ajustement du système de retraite, tout en posant le principe d'un rapport constant entre la durée d'activité (deux tiers) et la durée de la retraite (un tiers). Elle a, en outre, aligné la fonction publique sur le secteur privé en termes de durée d'assurance, de calcul de la revalorisation annuelle des pensions et d'instauration progressive d'une surcote et d'une décote. En revanche, elle a laissé intacte une particularité du régime des fonctionnaires : celle du calcul de la pension sur la base des six derniers mois de salaire. Elle a, par ailleurs, mis en place un dispositif de retraite anticipée pour longue carrière, équitable mais coûteux.
La dernière réforme en date est celle des régimes spéciaux, réalisée en 2007 et 2008. Son objectif a été d'harmoniser les principaux paramètres de droit et de calcul appliqués par les régimes spéciaux, la SNCF ou la RATP notamment, avec ceux mis en oeuvre dans la fonction publique.
En définitive, toutes ces réformes ont consisté, pour l'essentiel, à accroître la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension de retraite à taux plein. Pourtant, elles n'ont pas permis d'assurer la soutenabilité financière des régimes de retraite : celle-ci est plus menacée que jamais, pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles.
Le système est, en effet, dans une situation de déséquilibre financier dramatique. Sur les 270 milliards d'euros que la France y consacrera cette année, soit 13 % du Pib, plus de 11 % ne sont désormais plus couverts par les recettes : le besoin de financement de l'ensemble du système de retraite sera de 30 milliards d'euros en 2010, ce qui s'explique principalement par deux facteurs démographiques :
- la dégradation continue du rapport cotisants-retraités, passé de 4 en 1960 à 1,43 aujourd'hui ;
- l'allongement de l'espérance de vie (de six ans depuis les années quatre-vingt).
A quoi s'ajoutent les pertes de recettes résultant de la crise économique du fait de la contraction des recettes assises sur les revenus d'activité.
Les dernières projections financières du Cor font apparaître un besoin de financement de 38 à 40 milliards d'euros par an dès 2015, c'est-à-dire demain. A l'horizon 2050, à législation inchangée, il serait compris entre 72 et 115 milliards en fonction des hypothèses retenues. Une telle évolution n'est simplement pas supportable et menace la survie du système.
Or, les effets à attendre d'une modification des paramètres d'équilibre des régimes de retraite peuvent prendre jusqu'à vingt ans pour être perceptibles, de sorte qu'il est nécessaire d'agir le plus en amont possible. Tel est le premier enjeu du rendez-vous 2010 pour les retraites.
Enfin, nous avons, au-delà de cette approche financière, souhaité insister sur la dimension sociétale du problème des retraites. On observe en effet une grave perte de confiance de la part des jeunes générations.
La norme était celle d'un contrat social passé entre les générations 1 (les parents) et 2 (les enfants). Il engage aujourd'hui la génération 3 (les petits-enfants) car les pensions servies aux retraités actuels sont financées par la dette dont hériteront leurs petits-enfants.
Le risque est réel de voir les jeunes actifs d'aujourd'hui et de demain refuser de cotiser plus et/ou de travailler plus longtemps. Il est impératif de leur redonner confiance. C'est donc par la préparation du système de retraite de 2030 que passe la refondation du pacte intergénérationnel.
La crédibilité du système de retraite est également gravement entamée par la méthode de réforme. Sur le principe, le choix d'un pilotage par rendez-vous quadriennaux retenu en 2003 était judicieux mais par manque de pédagogie et de transparence sur les objectifs qui leur sont assignés, ces rendez-vous sont perçus par l'opinion publique comme anxiogènes, encourageant certains assurés à anticiper leur départ dans la crainte de règles futures plus strictes.
Assurément, repenser la méthode de réforme participe d'une modernisation durable du système de retraite.
Ce constat appelle évidemment des réponses. C'est tout l'objectif du rendez-vous 2010 qui doit être l'occasion d'agir de manière déterminée pour rétablir l'équilibre financier du système. La situation actuelle justifie d'utiliser tous les leviers disponibles car aucun n'est à lui seul capable de rétablir les comptes de l'assurance vieillesse, ce que les travaux du Cor ont démontré.
Trois paramètres sont mobilisables : le taux de remplacement et le niveau des pensions, l'âge effectif de départ en retraite, le niveau des recettes du système.
En ce qui concerne le taux de remplacement et le niveau des pensions, si la grande réussite du système de retraite français a été d'assurer aux retraités un niveau de vie proche de celui des actifs, la Mecss n'a pas jugé envisageable de diminuer le montant des pensions. Cela constituerait une régression évidente, d'autant que le niveau relatif des pensions dans le secteur privé, indexé sur les prix, est déjà en diminution.
En revanche, il est souhaitable de réexaminer les règles fiscales dérogatoires dont bénéficient aujourd'hui les retraités.
Deuxième paramètre, l'âge effectif de départ en retraite qui, à l'évidence, est essentiel pour le redressement financier du système de retraite. L'âge de cessation d'activité est, en France, particulièrement bas : 58,3 ans pour le régime général. L'âge de liquidation des droits à la retraite s'établit, pour sa part, autour de soixante et un ans et demi, ce qui montre qu'un grand nombre de salariés n'est plus en activité au moment de la liquidation de la retraite. Compte tenu de la progression continue de l'espérance de vie, il est absolument nécessaire de prolonger la durée d'activité. Deux moyens permettent d'y parvenir :
- augmenter la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein ;
- relever les âges légaux d'ouverture des droits et d'obtention d'une pension à taux plein.
En ce qui concerne la durée de cotisation, la loi de 2003 a posé le principe d'un maintien, au fil du temps, du rapport entre durée de cotisation et durée moyenne de retraite qui est, en gros, l'espérance de vie à soixante ans. En conséquence, la durée de cotisation pour une retraite à taux plein sera de quarante et un ans en 2012. Au-delà, l'évolution prévisible de ce rapport entraînera l'évolution des durées d'assurance requises, qui seront alors fixées par décret.
Selon le Cor, cela pourrait impliquer un passage à quarante et un ans et demi de cotisations en 2020, puis à quarante-deux ans un quart en 2030 et à quarante-trois ans et demi en 2050.
La Mecss a estimé que la méthode posée par la loi de 2003 est pertinente et doit être conservée. La future loi pourrait retenir le principe d'un passage de quarante et un à quarante et un ans et demi de cotisations entre 2012 et 2020.
En matière d'âge légal de départ, la France figure parmi les rares pays qui ont conservé l'âge de la retraite à soixante ans malgré l'allongement de l'espérance de vie. Il est donc légitime de poser la question du relèvement de cet âge minimal.
Mais cette piste se heurte aussitôt au taux d'emploi des seniors, qui reste en France l'un des plus bas des pays développés et qui peut laisser craindre que le report de l'âge légal ne fasse qu'accroître le nombre de chômeurs âgés. Toutefois, les auditions ont montré que l'âge de soixante ans fait lui-même obstacle à l'emploi des seniors, dans la mesure où la proximité de l'âge de la retraite n'encourage pas leur embauche ou leur maintien dans l'emploi.
Aussi, l'âge minimal de départ pourrait faire partie des leviers à activer en 2010, à deux conditions : d'une part, engager une politique très active en faveur de l'emploi des seniors, d'autre part, prendre en compte la pénibilité de certains métiers pour ne pas pénaliser les travailleurs dont elle a réduit l'espérance de vie.
Ceci étant, le relèvement de l'âge effectif de départ en retraite ne sera pas suffisant. Les mesures relatives à l'âge et à la durée de cotisations ne permettraient de couvrir, au mieux, que 50 % des besoins de financement de la seule Cnav à l'horizon 2030. En outre, ces mesures d'âge ont des effets progressifs et laissent entière la question des déficits actuels.
Il est donc indispensable de rechercher de nouvelles recettes sauf à accepter l'accumulation des déficits et la constitution d'une dette sociale considérable, dont la charge reposera sur les générations futures.
Quatrième paramètre, les ressources du système. Ici encore, la mobilisation d'une seule catégorie de ressources ne pourra pas suffire : il ne s'agit pas de trouver quelques dizaines ou centaines de millions d'euros, mais bien plusieurs milliards.
Trois voies sont possibles :
- l'augmentation des cotisations, qui sont la ressource principale des régimes de retraite ;
- l'élargissement de l'assiette des prélèvements ;
- la mobilisation de ressources nouvelles.
En ce qui concerne les cotisations, la loi Fillon prévoyait un redéploiement des cotisations chômage au bénéfice des cotisations vieillesse. Ce transfert n'a pas été possible pour l'instant, mais il ne doit pas pour autant être abandonné et devra être réalisé dès que la situation de l'emploi le permettra. En revanche, augmenter les cotisations ne nous a pas semblé pertinent dans la mesure où elles affectent le coût du travail et la compétitivité des entreprises.
Deuxième levier possible : l'élargissement de l'assiette des cotisations. Celle-ci est aujourd'hui très concentrée sur les revenus du travail, et plus particulièrement sur la partie salariale de ces revenus. Il existe, de plus, de nombreux mécanismes d'exonération, d'exemption ou de réduction, dont le bien-fondé mériterait d'être examiné. Sur ce sujet, la Mecss préconise une annualisation du calcul des exonérations de cotisations, dont on peut attendre 2 milliards d'économies par an.
Naturellement, la recherche de recettes complémentaires passe aussi par la poursuite du réexamen de l'ensemble des niches sociales.
Quelques pistes sont avancées :
- un élargissement de l'assiette du forfait social ;
- un relèvement du taux de ce forfait, dont le montant reste faible ;
- un relèvement du taux spécifique applicable aux attributions de stock-options et d'actions gratuites ;
- une remise à plat de la taxation des indemnités de rupture ;
- la taxation des retraites chapeau.
Enfin, le rééquilibrage du système des retraites doit sans doute passer par la mobilisation de ressources nouvelles. Une première possibilité consisterait à réexaminer les avantages fiscaux spécifiques aux retraités qui bénéficient notamment d'un taux réduit de CSG sur les pensions. La CSG des retraités imposables pourrait être alignée sur celle des actifs, ce qui permettrait d'épargner les petites retraites et rapporterait environ 2 milliards d'euros. Une telle convergence s'inscrirait dans la logique de la CSG qui est censée être un prélèvement universel.
Autre hypothèse : instaurer un prélèvement spécifique sur les revenus du capital, qui s'ajouterait aux prélèvements existants. Relever d'un point le taux global de ces prélèvements rapporterait un peu plus de 1,1 milliard d'euros. Il serait également possible de créer une contribution additionnelle à l'impôt sur le revenu pour les contribuables ayant un revenu particulièrement élevé.
D'autres pistes, plus radicales, ont été évoquées : le remplacement des cotisations sociales actuelles par une autre assiette, qui pourrait être la cotisation sur la valeur ajoutée, la TVA ou la CSG :
- la plus réaliste consisterait probablement à envisager un transfert de cotisations d'assurance maladie vers les régimes de retraite, en gageant ce transfert par une légère augmentation de la CSG au profit de la branche maladie ;
- asseoir les cotisations sociales non plus sur la masse salariale mais sur la valeur ajoutée semble d'un effet particulièrement incertain et pourrait avoir pour conséquence de pénaliser l'investissement ;
- quant à la TVA sociale, elle aurait l'avantage d'avoir un rendement élevé et d'être relativement indolore, mais elle suscite depuis l'origine certaines réserves de la commission des affaires sociales, notamment parce qu'elle présente un risque inflationniste, que les expériences étrangères ne sont pas entièrement probantes et que les risques de fraude sont réels.
En ce qui concerne les autres leviers financiers, le fonds de réserve des retraites, qui dispose actuellement de 33 milliards d'euros, doit être sanctuarisé pour réserver son utilisation à partir de 2020. Quant au fonds de solidarité vieillesse, il est souhaitable qu'il assume le plus possible l'ensemble des avantages non contributifs du système de retraite et bénéficie à cette fin de ressources pérennes.
Enfin, l'épargne retraite ne sera jamais qu'un complément à la retraite par répartition. L'objectif dans ce domaine ne doit pas être de créer de nouveaux produits mais d'assouplir le fonctionnement des contrats existants pour les rendre plus attractifs en visant spécifiquement les jeunes qui doivent être incités à épargner tôt, les salariés des petites et très petites entreprises qui n'ont pas accès à une épargne retraite collective et les personnes aux revenus très modestes. A cet égard, la Mecss se rendra prochainement en Allemagne pour tirer les leçons de la réforme conduite par le ministre Riester en la matière.
Ces actions paramétriques ne seront toutefois efficaces que si politique de l'emploi et retraites sont des sujets traités conjointement.
Ainsi, le rendez-vous 2010 devra aussi prendre en compte la pénibilité du travail, dont les effets sur l'espérance de vie sont clairement établis. Certes, la problématique de la pénibilité relève moins des retraites que des conditions de travail. Mais, à court terme au moins, il est souhaitable qu'elle soit prise en compte dans le volet « retraites », afin d'apporter une réponse aux personnes qui y sont déjà exposées. Sur ce sujet, la proposition de Serge Volkoff, combinant une approche à la fois individuelle et collective, semble pertinente. Un système à trois niveaux pourrait être proposé :
- le premier identifierait les travailleurs qui ne subissent pas la pénibilité ;
- le troisième déterminerait les métiers intrinsèquement pénibles ;
- le niveau intermédiaire conduirait une commission départementale à étudier les dossiers individuels pour identifier ceux qui justifient des mesures particulières de prise en charge.
Au-delà de la pénibilité, une réflexion globale mérite d'être menée sur le rapport au travail dans notre société. Le travail est aujourd'hui trop souvent ressenti comme une source de souffrance, d'où l'aspiration à partir le plus tôt possible à la retraite. Les conclusions de la mission d'information sur le mal-être au travail auront donc une grande importance.
En ce qui concerne l'emploi des seniors, il est évident qu'une politique très active doit être poursuivie si l'on veut éviter que le report de l'âge légal de départ en retraite se traduise par une augmentation du chômage. Pour cela, il faudra mettre fin aux préretraites déguisées, examiner de très près le dispositif de rupture conventionnelle, qui connaît un grand succès et qui risque de devenir une nouvelle voie de sortie du marché du travail pour les seniors. Il faudra surtout promouvoir une meilleure gestion des ressources humaines en fin de vie active. Cela implique de développer les bilans de compétences au cours de la carrière, de promouvoir la validation des acquis de l'expérience, de favoriser la formation des seniors, d'aménager les tâches, les postes et les horaires en fin de vie active.
De nombreuses mesures en ce sens ont déjà été prises et un grand nombre d'accords de branches conclus sur ce sujet. Il faudra néanmoins poursuivre et intensifier cet effort.
Telles sont les pistes que la Mecss propose pour faciliter le rétablissement des comptes du système de retraite.
Au-delà des mesures à effet immédiat, elle a aussi souhaité tracer des perspectives à plus long terme afin de restaurer un pacte intergénérationnel gravement menacé.
Nous ne pouvons, en effet, limiter l'ambition du rendez-vous 2010 à une modification des paramètres du système. S'interdire toute perspective d'évolutions plus substantielles et pérennes constituerait une double erreur :
- d'une part, attendre le retour à l'équilibre des comptes pour réfléchir à une réforme plus profonde consiste, en fait, à repousser l'échéance pendant des décennies, sinon pour toujours ;
- d'autre part et surtout, le déficit n'est pas le seul mal dont souffrent nos régimes de retraite, trop complexes, opaques et souvent inéquitables.
Il faut ouvrir le débat sur une réforme qui permettrait de moderniser le système, de le rendre plus transparent, plus lisible et plus juste.
En dépit des réformes passées, un certain nombre de règles spécifiques perdurent et la multiplicité des régimes demeure une source de complexité, en particulier pour les assurés ayant relevé de plusieurs régimes au cours de leur carrière professionnelle. Il en résulte aussi l'inconvénient majeur de créer des situations inéquitables entre assurés.
Cinq points sont particulièrement révélateurs de cet état de fait :
- la persistance de règles de calcul des pensions différentes suivant les régimes ;
- l'inégale répartition de l'effort contributif entre les assurés : taux de cotisation variables selon les régimes, assiettes de ces cotisations différentes ;
- la très grande hétérogénéité des droits familiaux et conjugaux (majorations de durée d'assurance, majorations de pension pour trois enfants et plus, pensions de réversion, etc.) ;
- la différence de traitement entre mono et polypensionnés ;
- les mécanismes de compensation entre régimes. Ces transferts financiers, régulièrement critiqués par les régimes eux-mêmes, ne répondent plus à leur objectif initial de stricte compensation des écarts démographiques.
Ce constat plaide, en définitive, pour un rapprochement progressif des règles entre les régimes.
Nous considérons que des évolutions plus profondes du système doivent être désormais engagées.
En ce qui concerne les règles de calcul des pensions et les efforts contributifs des régimes, des rapprochements sont souhaitables sur le salaire de référence pris en compte pour le calcul de la pension, les âges d'ouverture des droits et les taux de cotisations.
Naturellement, ces évolutions devront être progressives et tenir compte du fait que les régimes spéciaux ont été réformés il y a seulement deux ans.
Rapprocher les régimes ne signifie pas créer un régime unique, mais opérer des regroupements pouvant avoir un sens. La création d'une caisse unique pour l'ensemble des fonctionnaires mériterait par exemple d'être étudiée. Ces rapprochements pourraient être facilités si les gestionnaires des régimes étaient conduits à échanger régulièrement entre eux sur leurs modes de fonctionnement. A cet égard, le concept de « maison commune des retraites » proposé par la CGT est intéressant. Il serait également important que les architectures des différents régimes soient harmonisées pour accroître la cohérence des gouvernances.
Enfin et surtout, ce rendez-vous doit permettre d'engager la refondation du système, de préparer une réforme structurelle qui ne peut être conduite que sur une période longue d'environ vingt ans. La situation actuelle, caractérisée par la montée sourde de tensions intergénérationnelles, ne peut perdurer. C'est pourquoi la Mecss propose d'envisager le passage progressif à un système par points dans les régimes de base.
Plusieurs avantages peuvent être attendus de cette proposition :
- toutes les cotisations versées au cours d'une carrière donnent des droits à pension et la pension versée est directement dépendante des cotisations accumulées ;
- les éléments de solidarité du système sont isolés et identifiables ;
- un régime par points évite de prendre des engagements qui ne peuvent être tenus : la valeur de service du point, contrôlée par les gestionnaires du régime, devient l'élément central de régulation sans empêcher cependant un relèvement des cotisations. Celles-ci donnent alors de nouveaux droits à pension ;
- ce système est surtout particulièrement lisible pour les assurés, et donc susceptible de rassurer des jeunes générations qui ne croient plus dans notre modèle de retraite.
Progressivement, cette évolution permettrait d'instaurer une retraite « à la carte », les salariés effectuant des choix éclairés entre une durée d'activité plus longue et une meilleure pension ou une durée d'activité plus courte et une pension plus faible.
En tout état de cause, cette proposition doit être le fruit d'un processus de débat bien plus large que la concertation organisée dans le cadre des rendez-vous périodiques sur les retraites. En Suède, le processus de refondation du système s'est étalé sur une quinzaine d'années. Le rendez-vous 2010 pourrait donc être l'occasion de poser le principe de cette réforme et d'engager un grand débat démocratique, peut-être même d'un « Grenelle des retraites » pour obtenir une véritable refondation du pacte intergénérationnel qui a autrefois présidé à la création de l'assurance vieillesse.
J'ai voté contre l'adoption du rapport au cours de la réunion de la Mecss. Celui-ci reflète, certes, les nombreuses auditions conduites pour le préparer, mais il contient des propositions inacceptables pour le groupe CRC-SPG qui a élaboré une contribution destinée à être annexée au rapport. Les difficultés actuelles n'ont pas pour fondement essentiel la démographie, comme le Gouvernement ne cesse de le répéter, mais elles résultent d'un financement insuffisant lié à la diminution des recettes. Les multiples exonérations et exemptions de cotisations sociales assèchent, année après année, les comptes de la sécurité sociale et sont de véritables cadeaux au patronat. Cette politique conduit à substituer de plus en plus aux salaires des éléments aléatoires et individualisés, tels que l'intéressement et la participation. Les exonérations de charges sur les plus bas salaires sont de véritables « trappes à bas salaires » qui conduisent à un écrasement des salaires et des retraites. Il convient de revenir sur l'ensemble des dispositifs d'exonérations et d'exemptions, qui ont entraîné un abaissement de 21 % du coût du travail depuis 1992. Plus généralement, la question que le Gouvernement refuse d'aborder est celle du partage des richesses et les mesures envisagées pour relever l'âge de cessation d'activité ne sont pas en mesure de rétablir l'équilibre des comptes. Une augmentation générale de la fiscalité, qui toucherait l'ensemble de la population et notamment les salariés et les retraités, n'est pas acceptable. Petit à petit, on assiste à un transfert du financement de la sécurité sociale des entreprises vers les salariés. Les orientations actuelles du Gouvernement conduisent à douter fortement de sa volonté de préserver le système de retraite, d'autant plus qu'il n'écarte pas une réforme systémique. Or, le passage à un système par points ou à un système en comptes notionnels conduirait à réduire les solidarités et à obliger les salariés à assumer seuls une part toujours plus importante de leur retraite, ce qui justifierait ensuite un passage progressif à la capitalisation. Une telle évolution n'est pas envisageable. En tout état de cause, le groupe CRC-SPG s'opposera à toute remise en cause de la retraite à soixante ans.
Par le passé, la sécurité sociale, et notamment l'assurance maladie, ont effectivement subi des pertes de recettes non compensées à cause des exonérations de cotisations sociales décidées par les gouvernements successifs dans le cadre de leur politique de l'emploi. Toutefois, la situation a changé : aujourd'hui, ces exonérations sont, pour l'essentiel, compensées par le budget de l'Etat à l'euro près.
Cette compensation est loin d'être totale puisque les exonérations non compensées représentent 2 à 3 milliards d'euros.
Des simulations chiffrées ont-elles été effectuées sur les nouvelles recettes envisagées pour faire face aux déficits ? Par ailleurs, la question de la pénibilité est très liée au mal-être au travail, pour lequel il n'existe pas d'indicateur très précis.
La fin du rapport montre que la véritable réponse aux difficultés du système de retraites est encore à construire et qu'elle passe par une réforme plus ambitieuse que les modifications périmétriques envisagées. Le report de l'âge légal de départ en retraite n'est aujourd'hui pas acceptable culturellement par les citoyens. Un tel recul impliquerait une politique plus dynamique d'emploi des seniors et pénaliserait les plus modestes qui commencent à travailler le plus tôt et exercent les métiers les plus pénibles.
La prise en compte de la pénibilité est l'une des questions essentielles à résoudre aujourd'hui. Si l'on engageait une réforme beaucoup plus profonde, impliquant par exemple le passage à un système en comptes notionnels, la question de l'âge minimal de départ ne se poserait plus avec la même acuité.
Comment pourrait-on simplifier l'architecture des régimes de retraite et parvenir à davantage d'équité ?
Il est impératif de mener une politique d'emploi des seniors beaucoup plus active. Plus généralement, il convient de mettre en oeuvre une véritable politique de plein emploi. Bon nombre de jeunes ne parviennent plus à trouver un emploi avant vingt-trois ou vingt-cinq ans et doivent accepter des emplois précaires, des emplois aidés, qui ne contribuent pas au financement de la protection sociale. La priorité est donc de mettre en oeuvre une politique d'emploi qui permettra d'apporter des recettes nouvelles au système, sans remettre en cause l'âge légal de départ en retraite, ce qui n'empêche pas ceux qui le souhaitent de poursuivre leur activité au-delà de soixante ans.
J'entends bien les propos de Guy Fischer sur le caractère injuste des solutions envisagées pour rééquilibrer les régimes de retraites, mais est-il juste qu'un chauffeur de bus du public parte en retraite plus tôt qu'un chauffeur de bus du privé, ou qu'un cadre du secteur privé paie davantage de cotisations qu'un fonctionnaire de catégorie A ?
Les rapports sur les retraites ont été nombreux depuis vingt ans et beaucoup n'ont pas été suivis d'effet. Ainsi, en 2000, le conseil économique et social a formulé des propositions, qui ont été vivement critiquées par le patronat et n'ont pas été mises en application, alors qu'elles auraient pu contribuer à résoudre les difficultés actuelles. Ce rapport proposait notamment d'alimenter le fonds de réserve des retraites par la cession d'actifs des entreprises nationalisées non soumises à la concurrence. Aujourd'hui, le Cor a établi des projections qui montrent qu'en 2015, le besoin de financement du système de retraite atteindra 40 milliards d'euros. Il convient d'effectuer les simulations nécessaires pour déterminer quelles recettes permettraient de combler ce déficit. Le Cor doit être en mesure de chiffrer l'impact de mesures fiscales éventuelles sur l'équilibre des régimes.
Il est nécessaire de clarifier le concept de pénibilité car la seule qui mérite une prise en compte au titre des retraites est celle qui entraîne une perte d'espérance de vie. Il faut que les partenaires sociaux définissent, branche par branche, les activités et postes pénibles, les branches devant apporter elles-mêmes des réponses à ces situations. Lorsqu'aucune réponse ne peut être apportée en modifiant les conditions de travail, un fonds de compensation alimenté par les entreprises concernées devrait prendre en charge les éventuels départs anticipés résultant de la pénibilité. Le financement de ces situations ne relève pas de la solidarité nationale, mais bien des entreprises qui ne peuvent ou ne veulent remédier aux situations de pénibilité.
J'ai apprécié que le rapport fasse des propositions à long terme et je partage le sentiment qu'il est important d'engager immédiatement des convergences entre paramètres et régimes. Le Cor doit aller plus loin dans le chiffrage d'hypothèses pour rééquilibrer les comptes de l'assurance vieillesse en intégrant les différentes mesures d'accroissement des recettes envisageables.
Le problème des retraites ne se résume pas à une équation comptable. Il soulève la question du rapport au travail, de la politique de l'emploi, de l'organisation des carrières professionnelles. Tous ces sujets ne seront pas traités dans le cadre de la réforme à venir, qui ne portera que sur les questions financières.
Nous avons précisément souhaité ne pas cantonner notre réflexion aux difficultés financières mais aussi aborder les questions d'emploi des seniors et des jeunes et tracer des perspectives à plus long terme. Dans un premier temps, il est nécessaire de faire face à l'urgence que constitue le niveau insoutenable des déficits. Pour conduire cette action, les projections du Cor sont utiles mais elles reposent sur des prévisions qui peuvent être considérées comme optimistes.
En ce qui concerne la pénibilité, la seule qui peut être prise en compte dans le cadre des retraites est bien celle qui porte atteinte à l'espérance de vie. La création d'un fonds de compensation est certainement une piste intéressante à creuser.
Le septième rapport du Cor sur les modalités d'une éventuelle réforme systémique a été élaboré à la demande du Parlement. Il est tout à fait envisageable de solliciter d'autres travaux du Cor, celui-ci pouvant recourir, pour obtenir des éléments chiffrés, à un grand nombre d'organismes spécialisés. En outre, le Cor, en application des missions qui lui sont confiées, est habilité à formuler lui-même des propositions. Le rendez-vous de 2010 doit être l'occasion d'élargir le débat pour pérenniser le système de retraite en engageant des évolutions plus profondes permettant de progresser vers plus de transparence et d'équité.
Le thème des retraites a été inscrit au programme de travail de la Mecss avant même que soit annoncé le rendez-vous 2010, qui n'était pas prévu par la loi de 2003. Nous n'avions donc pas pour objectif de présenter des propositions complètes en vue de ce rendez-vous, mais bien d'expertiser tous les moyens de faire face à l'urgence financière et de tracer des perspectives pour restaurer le pacte intergénérationnel. Assurément, il conviendrait de disposer de simulations chiffrées précises pour envisager les effets exacts de chaque modification envisageable, notamment en ce qui concerne la recherche de recettes nouvelles. Le rapport insiste surtout sur le fait que le système actuel trouve aujourd'hui ses limites et qu'une véritable réforme est nécessaire. Le but n'est pas de copier un modèle étranger, mais de rechercher une nouvelle architecture adaptée à la culture française en lançant dès à présent un grand débat national sur ce sujet.
La commission prend acte des conclusions du rapport d'information adopté par la Mecss.