Les propositions du groupe de travail qui ne portent pas spécifiquement sur la question de la responsabilité pénale s'organisent autour de quatre axes :
- engager la révision de l'organisation territoriale de la psychiatrie et la réforme de la loi de 1990 sur l'hospitalisation sous contrainte ;
- renforcer la formation des psychiatres et des infirmiers ;
- améliorer les conditions de l'expertise ;
- enfin, disposer d'une palette large d'outils pour prendre en charge les malades mentaux ayant commis des infractions.
Même si ce sujet dépassait le cadre de ses travaux, le groupe de travail considère que la réforme de la psychiatrie générale, notamment en ce qui concerne son organisation territoriale, est devenue indispensable. Le rapport d'Alain Milon, établi dans le cadre de l'Opeps en avril 2009, l'a amplement montré.
La bonne organisation de la psychiatrie générale est un élément essentiel pour faire évoluer la situation des auteurs d'infractions atteints de troubles mentaux : d'une part, les difficultés d'organisation territoriale de la psychiatrie générale se retrouvent dans la psychiatrie pénitentiaire, souvent dans des proportions plus graves compte tenu de la faible attractivité de ce type de poste ; d'autre part, la continuité des prises en charge en psychiatrie générale est une nécessité absolue pour éviter de retrouver en prison certains malades. Dans ces conditions, le groupe de travail soutient les propositions de l'Opeps visant à organiser des états généraux de la santé mentale, réunissant les professionnels concernés, pour préparer un projet de loi sur la santé mentale susceptible de permettre l'adaptation de l'organisation territoriale de la psychiatrie aux besoins de la population.
Par ailleurs, plusieurs personnes entendues ont souligné l'insuffisance actuelle de la formation des psychiatres à la pratique médico-légale, ce qui entraîne des conséquences à la fois sur l'expertise et sur les prises en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions. En ce qui concerne les infirmiers, il n'existe plus de diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique et aucune spécialisation en la matière n'a été mise en place. C'est pourquoi le groupe de travail propose :
- de renforcer la formation des psychiatres à la pratique médico-légale et à l'exercice de la médecine pénitentiaire, par exemple en créant un diplôme d'études spécialisées complémentaire en psychiatrie médico-légale comme il en existe un en addictologie ;
- de développer les formations communes aux professionnels de la justice et de la santé appelés à intervenir auprès des auteurs d'infractions atteints de troubles mentaux ;
- de créer une spécialisation de niveau master en psychiatrie pour les infirmiers.
En ce qui concerne l'expertise psychiatrique, le groupe de travail propose :
- d'actualiser et d'harmoniser au niveau national les questions types posées aux experts ;
- d'organiser régulièrement des échanges entre experts, sur le modèle de l'audition publique de 2007 menée par la Fédération française de psychiatrie en partenariat avec la Haute Autorité de santé (HAS) ;
- de revaloriser la rémunération des expertises pénales ;
- d'examiner la possibilité de rétablir, car elle a été abandonnée, l'expertise conjointe par deux experts dans certains cas.
Par ailleurs, au fil de nos travaux, nous avons acquis la conviction qu'on ne règlera pas le problème des auteurs d'infractions atteints de troubles mentaux par une solution unique. Il nous paraît donc nécessaire de disposer d'une palette large d'instruments de prise en charge. C'est pourquoi nous proposons :
- de créer quelques SMPR dans les maisons centrales, qui accueillent les détenus condamnés aux peines les plus longues, afin que ceux-ci soient pris en charge dans de bonnes conditions ;
- d'accroître rapidement le nombre d'UMD, qui reste très insuffisant. Dans le cadre du plan de relance, cinq nouvelles unités doivent être construites au cours des prochaines années, et nous souhaitons que la réalisation de ces structures soit la plus rapide possible car elles permettront d'accueillir des malades déclarés irresponsables, mais aussi des détenus si leur état justifie une hospitalisation dans une de ces structures.
Nous proposons également de valoriser l'expérience du centre pénitentiaire de Château-Thierry en envisageant la création d'un second établissement de ce type et en favorisant la mise en place, au sein de quelques établissements pénitentiaires, d'unités pour la prise en charge de long séjour de personnes stabilisées mais fragiles.
En ce qui concerne la sortie de prison, le groupe de travail souhaite la mise en place d'outils de suivi, sous l'égide des agences régionales de santé, pour que tout détenu ayant séjourné en SMPR puisse être suivi dans le cadre du secteur de psychiatrie générale à sa sortie de prison. Nous recommandons également le développement de dispositifs d'hébergement, tels que les appartements thérapeutiques, afin de ménager des transitions entre la sortie de prison et une prise en charge purement ambulatoire.
Enfin, en ce qui concerne l'avenir des UHSA, nous souhaitons qu'une évaluation régulière de ces structures puisse être réalisée, notamment en ce qui concerne les pathologies rencontrées ou la durée de séjour dans ces unités. Il nous semble important de suivre avec attention le fonctionnement de ces unités totalement nouvelles, qui ne doivent pas conduire à incarcérer davantage qu'aujourd'hui les malades mentaux.
Pour ce qui est du meilleur moyen de prendre en charge les personnes déclarées irresponsables, nous avons entre nous une divergence d'appréciation, ce qui nous a conduits à formuler deux propositions alternatives :
- pour conjurer le risque que la création des UHSA ne marque l'étape ultime vers la responsabilisation et l'incarcération systématique des malades mentaux ayant commis des infractions, les rapporteurs de la commission des lois envisagent la possibilité de créer au sein des UHSA des quartiers réservés aux personnes déclarées irresponsables. Ceci pourrait conduire à limiter les déclarations de responsabilité pénale des personnes souffrant de troubles mentaux très graves. Je laisserai mes collègues revenir sur cette proposition ;
- de notre côté, en tant que rapporteurs de la commission des affaires sociales, nous craignons qu'une telle évolution ne conduise à une confusion croissante entre justice et santé. Or, ceci soulève des questions juridiques très lourdes sur le rôle de l'administration pénitentiaire à l'égard des personnes irresponsables et sur les conditions dans lesquelles le placement en UHSA de personnes qui ne font l'objet d'aucune condamnation serait décidé. Notre préférence va à un développement important des UMD, accompagné d'un renforcement de la sécurité de certaines d'entre elles ou de certains de leurs quartiers pour que les juridictions sachent que le fait de déclarer un auteur d'infraction irresponsable n'aboutit pas nécessairement à prendre un risque pour la société. Nous estimons que les UMD sont les structures appropriées pour prendre en charge les personnes irresponsables représentant un danger pour elles-mêmes et pour autrui.