Je partage votre pessimisme, je suis même angoissé quand je me demande s'il est encore temps. Il est de notre responsabilité d'agir. Le télépéage, la carte bleue procèdent d'usages consentis. On peut ainsi distinguer d'une part ce qui est fait avec notre consentement ou non, et d'autre part ce qui est visible ou non. La question du consentement m'amène à évoquer la jeunesse. J'ai rencontré des CM1 et des CM2 d'une commune du Nord. 80 % d'entre eux sont sur Facebook , qui est pourtant interdit aux moins de 13 ans... On parle de couvre-feu, mais les enfants courent parfois bien des risques face à leur écran, dans leur chambre. Voilà une cible en termes d'éducation. Nous avons décidé de consacrer 500 000 euros, sur un budget de 14 millions pour des actions tournées vers les chefs d'établissement et les professeurs de géographie, d'éducation civique, les professeurs principaux, afin de les inciter à transmettre des notions-clefs sur l'usage d'internet et des réseaux sociaux aux enfants.
Le raisonnement selon lequel je n'ai rien à craindre si je n'ai rien à me reprocher est dangereux. C'est la notion d'intimité qui est en cause. A mes étudiants qui me disent que cela ne les gêne pas d'être vus avec leur copine légitime, j'explique qu'ils ont droit à la même intimité quelle que soit la personne avec laquelle ils sont. Je revendique le droit de ne pas être vu ni entendu. Ne mélangeons pas intimité et innocence. Les professeurs sont souvent mal à l'aise voire désarmés pour expliquer cela parce que leurs élèves maîtrisent souvent mieux les techniques qu'eux. Il faut les soutenir pour qu'ils fassent passer le message de la protection de l'intimité et du libre-arbitre.
Nous avons trois réponses à apporter. La première est d'ordre technique. Les ingénieurs nous expliquent en effet que si on s'en donnait les moyens, on pourrait juguler les effets néfastes de la technique. C'est une affaire de financement, mais ceux qui le peuvent ne le veulent pas. La solution juridique passe par l'élargissement de la conception européenne à d'autres pays. La solution pédagogique, enfin, concerne les jeunes, qui vivront toute leur vie avec internet, et surtout les 12-13 ans, ceux qui sont le plus en danger. Or il est plus facile d'évoquer un fichier de police avec le ministère de l'intérieur que de parler de cela avec le ministère de l'éducation. C'est parce que notre préoccupation n'est pas partagée que nous avons opéré le choix budgétaire que j'ai dit.
La CNIL aide des citoyens mais au coup par coup et nous n'aurions pas la malhonnêteté de garantir un résultat pour tous. Il faut réintroduire cela dans la logique du consentement. L'internaute n'est pas un ami mais un consommateur. S'il veut rompre son abonnement, il doit pouvoir repartir avec ses données, comme cela se fait pour le téléphone portable. S'agissant du fonds de solidarité, la réponse ne vient pas de la CNIL, elle tient à la loi. Je suis souvent interpellé sur l'utilisation de fichiers par des maires, qui peut leur faire encourir des sanctions pénales. Ainsi, on n'a pas le droit d'utiliser les listings des maternités pour envoyer des félicitations : c'est un détournement de fichier. Les maires prennent aujourd'hui des risques pour aider leurs administrés. Alors, je me tourne vers le législateur pour qu'il modifie la loi s'il la trouve mal faite. Il en va de même pour les spam. Sans solution pour moi, ils engorgent les réseaux. L'immense majorité vient de l'étranger.
Dans le domaine médical, nous suivons attentivement l'évolution du DMP (dossier médical personnel). Ces données sont sensibles et nous avons un service qui se consacre à leur suivi. Nous sommes favorables au vote à l'Assemblée nationale de la proposition de loi Détraigne-Escoffier qui crée une obligation de notification à la CNIL des failles de sécurité. Lorsque des données ont été perdues, il est normal d'informer la CNIL et les intéressés. Imaginez que le bulletin de santé de millions de personnes se retrouve sur internet !
Un mot de l'action sur la demande : c'est le raisonnement que l'on tient vis-à-vis de l'éducation nationale. Nous avons également tiré notre guide à l'insertion des collectivités locales à 40 000 exemplaires.