a tout d'abord constaté que l'agriculture française traversait une crise, la plus grave depuis trente ans, soulignant que la quasi-totalité des filières étaient touchées, et que cette crise revêtait une dimension à la fois structurelle et conjoncturelle, nationale et internationale.
Présentant ensuite les axes de sa stratégie en direction du secteur agricole, il a tout d'abord évoqué le soutien aux exploitations, à mettre en place pour leur permettre de surmonter la crise par des mesures pragmatiques, concrètes et rapides, de nature à modifier le contexte économique et redonner confiance aux agriculteurs qui se sentent parfois délaissés par les pouvoirs publics et, plus largement, par la société.
Il en est ainsi du dispositif d'assurance-crédit à l'exportation mis en place pour la filière des fruits et légumes, en particulier pour la production de poires et de pommes, exportée à plus de 50 %, et qui a rencontré de grandes difficultés durant l'été du fait de la baisse de la consommation de ces produits dans les pays d'Europe centrale et orientale, et des barrières à l'importation instaurées en Russie.
En ce qui concerne le lait, il y a urgence à agir pour améliorer concrètement la trésorerie des exploitations. Trente millions d'euros d'aides ont d'ores et déjà été débloqués, et la mutualité sociale agricole a accepté un report d'octobre 2009 à juin 2010 des appels à cotisations, relativement élevés car calculés sur les revenus agricoles plutôt favorables des années 2006, 2007 et 2008. En outre, les banques s'engagent à accorder 250 millions d'euros de crédits afin de soutenir le fonds de roulement des exploitations laitières, en privilégiant les jeunes agriculteurs et ceux qui ont récemment investi, ces crédits étant assortis d'un taux préférentiel plafonné à 3 % et faisant l'objet d'un remboursement différé à partir de janvier 2011. Ces avantages sont financés par l'Etat à hauteur de 30 millions d'euros.
Le ministre a ensuite affirmé vouloir tenir aux agriculteurs un discours de vérité, qui ne cherche pas à accuser les autres d'être responsables de la situation. Ainsi, dans le secteur des fruits et légumes, le coût du travail saisonnier, qui représente 60 % du coût de production, s'élève à 12 euros par heure en France, contre 6 euros en Allemagne, 7 euros en Espagne et 8 euros en Italie. Il ne s'agit pas d'exiger de nos voisins européens qu'ils soient moins compétitifs, mais de favoriser des réformes structurelles, pour que l'agriculture française soit également compétitive. Il faut obtenir, en parallèle, des avancées en matière d'harmonisation européenne. Ainsi, la France utilise moins de produits phytosanitaires que ses voisins, ce qui autorise une meilleur valorisation des produits, mais il faut également obtenir une harmonisation par le haut des réglementations communautaires, afin de rétablir les conditions de concurrence. La future loi de modernisation agricole aura vocation à proposer des mesures structurelles relatives à la compétitivité, à la stabilisation des revenus agricoles et à la préservation du foncier agricole.
Par ailleurs, le ministre a considéré qu'il était impossible d'aller uniquement dans le sens de la baisse des coûts de production agricoles, car cette stratégie se ferait au détriment des autres objectifs de la politique agricole : sécurité alimentaire, sécurité sanitaire, aménagement du territoire et développement durable. La poursuite de ces autres objectifs mérite non seulement la reconnaissance de la nation, mais aussi une prise en compte sur le plan économique et monétaire favorable aux agriculteurs.
Enfin, le ministre a jugé indispensable de gagner la bataille de la régulation européenne des marchés agricoles. La France a été historiquement le seul pays de l'Union européenne à soutenir la régulation, à rebours de la politique communautaire conduite depuis des nombreuses années. Depuis juillet 2009, à l'instigation de la France, les partisans d'un changement de doctrine prônant un retour à la régulation se sont renforcés : la proposition de résolution franco-allemande sur le lait, rédigée en juillet, a d'abord reçu un accueil réservé de la commission européenne et de la présidence suédoise de l'Union européenne mais, aux douze Etats soutenant initialement la position française, se sont joints, début septembre, l'Espagne et la République Tchèque. Parallèlement, le Parlement européen a considéré que la régulation était une nécessité. La Pologne a rejoint cette initiative et, si l'Italie ralliait cette position, une majorité qualifiée (255 voix) permettrait d'imposer une révision des orientations agricoles européennes dans le sens d'une plus grande régulation du marché du lait, en remplacement du système des quotas. Cette révision ne peut être décidée que par un conseil européen extraordinaire des ministres de l'agriculture dont la France a demandé la réunion. Ces initiatives diplomatiques intenses marquent une rupture avec la stratégie européenne classique de la France, fondée sur la recherche de minorités de blocage (99 voix). Le ministre a estimé, en définitive, que la France ne pourrait reprendre la tête des initiatives européennes en matière agricole, et, ce faisant, être en position de force pour la négociation de la nouvelle politique agricole commune (PAC) pour 2013, qu'en adoptant cette nouvelle stratégie de recherche de majorités qualifiées.