Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 22 septembre 2009 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • lait
  • producteur
  • péage
  • urbain

La réunion

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Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Au cours d'une première séance, tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Soulignant que la situation des producteurs de lait intéressait au plus haut point les sénateurs, et que, lors de la séance de questions d'actualités au Gouvernement du 17 septembre 2009, pas moins de quatre questions sur dix avaient porté sur ce sujet, M. Jean-Paul Emorine, président, a précisé que cette audition, à laquelle est invité le groupe d'études sur l'élevage, présidé par M. Gérard Bailly, était ouverte à tous les sénateurs ainsi qu'à la presse.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

a tout d'abord constaté que l'agriculture française traversait une crise, la plus grave depuis trente ans, soulignant que la quasi-totalité des filières étaient touchées, et que cette crise revêtait une dimension à la fois structurelle et conjoncturelle, nationale et internationale.

Présentant ensuite les axes de sa stratégie en direction du secteur agricole, il a tout d'abord évoqué le soutien aux exploitations, à mettre en place pour leur permettre de surmonter la crise par des mesures pragmatiques, concrètes et rapides, de nature à modifier le contexte économique et redonner confiance aux agriculteurs qui se sentent parfois délaissés par les pouvoirs publics et, plus largement, par la société.

Il en est ainsi du dispositif d'assurance-crédit à l'exportation mis en place pour la filière des fruits et légumes, en particulier pour la production de poires et de pommes, exportée à plus de 50 %, et qui a rencontré de grandes difficultés durant l'été du fait de la baisse de la consommation de ces produits dans les pays d'Europe centrale et orientale, et des barrières à l'importation instaurées en Russie.

En ce qui concerne le lait, il y a urgence à agir pour améliorer concrètement la trésorerie des exploitations. Trente millions d'euros d'aides ont d'ores et déjà été débloqués, et la mutualité sociale agricole a accepté un report d'octobre 2009 à juin 2010 des appels à cotisations, relativement élevés car calculés sur les revenus agricoles plutôt favorables des années 2006, 2007 et 2008. En outre, les banques s'engagent à accorder 250 millions d'euros de crédits afin de soutenir le fonds de roulement des exploitations laitières, en privilégiant les jeunes agriculteurs et ceux qui ont récemment investi, ces crédits étant assortis d'un taux préférentiel plafonné à 3 % et faisant l'objet d'un remboursement différé à partir de janvier 2011. Ces avantages sont financés par l'Etat à hauteur de 30 millions d'euros.

Le ministre a ensuite affirmé vouloir tenir aux agriculteurs un discours de vérité, qui ne cherche pas à accuser les autres d'être responsables de la situation. Ainsi, dans le secteur des fruits et légumes, le coût du travail saisonnier, qui représente 60 % du coût de production, s'élève à 12 euros par heure en France, contre 6 euros en Allemagne, 7 euros en Espagne et 8 euros en Italie. Il ne s'agit pas d'exiger de nos voisins européens qu'ils soient moins compétitifs, mais de favoriser des réformes structurelles, pour que l'agriculture française soit également compétitive. Il faut obtenir, en parallèle, des avancées en matière d'harmonisation européenne. Ainsi, la France utilise moins de produits phytosanitaires que ses voisins, ce qui autorise une meilleur valorisation des produits, mais il faut également obtenir une harmonisation par le haut des réglementations communautaires, afin de rétablir les conditions de concurrence. La future loi de modernisation agricole aura vocation à proposer des mesures structurelles relatives à la compétitivité, à la stabilisation des revenus agricoles et à la préservation du foncier agricole.

Par ailleurs, le ministre a considéré qu'il était impossible d'aller uniquement dans le sens de la baisse des coûts de production agricoles, car cette stratégie se ferait au détriment des autres objectifs de la politique agricole : sécurité alimentaire, sécurité sanitaire, aménagement du territoire et développement durable. La poursuite de ces autres objectifs mérite non seulement la reconnaissance de la nation, mais aussi une prise en compte sur le plan économique et monétaire favorable aux agriculteurs.

Enfin, le ministre a jugé indispensable de gagner la bataille de la régulation européenne des marchés agricoles. La France a été historiquement le seul pays de l'Union européenne à soutenir la régulation, à rebours de la politique communautaire conduite depuis des nombreuses années. Depuis juillet 2009, à l'instigation de la France, les partisans d'un changement de doctrine prônant un retour à la régulation se sont renforcés : la proposition de résolution franco-allemande sur le lait, rédigée en juillet, a d'abord reçu un accueil réservé de la commission européenne et de la présidence suédoise de l'Union européenne mais, aux douze Etats soutenant initialement la position française, se sont joints, début septembre, l'Espagne et la République Tchèque. Parallèlement, le Parlement européen a considéré que la régulation était une nécessité. La Pologne a rejoint cette initiative et, si l'Italie ralliait cette position, une majorité qualifiée (255 voix) permettrait d'imposer une révision des orientations agricoles européennes dans le sens d'une plus grande régulation du marché du lait, en remplacement du système des quotas. Cette révision ne peut être décidée que par un conseil européen extraordinaire des ministres de l'agriculture dont la France a demandé la réunion. Ces initiatives diplomatiques intenses marquent une rupture avec la stratégie européenne classique de la France, fondée sur la recherche de minorités de blocage (99 voix). Le ministre a estimé, en définitive, que la France ne pourrait reprendre la tête des initiatives européennes en matière agricole, et, ce faisant, être en position de force pour la négociation de la nouvelle politique agricole commune (PAC) pour 2013, qu'en adoptant cette nouvelle stratégie de recherche de majorités qualifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

a souligné que les exploitations agricoles étaient des entreprises, qui devaient être soutenues en cas de crise conjoncturelle, mais a jugé également nécessaire la recherche de solutions structurelles qui ne peuvent être définies qu'au niveau communautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

a précisé que l'agriculture ne pouvait être considérée comme une production comme les autres : d'une part, l'exploitant ne maîtrise pas les quantités produites, qui dépendent notamment des aléas climatiques, et, d'autre part, de faibles variations de l'offre et de la demande peuvent entraîner des variations considérables de prix. Ces spécificités appellent donc un mécanisme de régulation. Rappelant que, en ce qui concerne le secteur du lait, l'avis de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait désorganisé le fonctionnement du marché, il a estimé qu'une partie de la crise de ce secteur provenait des marges du distributeur, les produits agricoles captant une part trop faible du prix de vente final. Il a souhaité que le contrôle des marges de la grande distribution soit plus effectif. Déplorant la baisse sur le long terme du nombre de producteurs de lait, il a souligné que cette diminution mettait en péril le modèle agricole français, fondé sur une répartition diffuse des exploitations sur le territoire. Les éleveurs ont déjà effectué des efforts de modernisation importants, mais ces efforts sont mis à mal par des charges nouvelles et un coût croissant des intrants qui pèsent sur les résultats des exploitations. Par ailleurs, il s'est demandé si la mission des médiateurs, nommés dans le cadre de la crise du lait, devait se poursuivre. Enfin, s'il faut saluer l'initiative consistant à valoriser les produits laitiers en les étiquetant avec le « label France », les producteurs de produits de qualité peinent néanmoins à trouver des débouchés à des prix qui excèdent leur coût de production, estimé à 313 euros la tonne de lait. Ce problème ne se pose pas seulement pour le lait, mais aussi pour la production de viandes et dans d'autres secteurs encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

a ensuite exprimé son accord avec le constat de crise de l'agriculture dressé par le ministre. Il s'est inquiété du désarroi des éleveurs qui, ne voyant plus de perspectives, n'écoutent plus l'organisation syndicale majoritaire, et se lancent dans les grèves du lait. Les mesures conjoncturelles prises par le ministre ne suffiront pas et de nombreuses exploitations, déjà en difficulté avant la crise, ne survivront pas économiquement, du fait d'un revenu insuffisant provenant de la vente de la production de lait, même dans un cadre nouveau de contractualisation. Cette crise était prévisible et résulte du démantèlement de la régulation européenne assurée par les quotas et de la régulation nationale assurée par le système de prix directeurs du centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL). De nouveaux mécanismes de régulation doivent être inventés pour la filière laitière et il faut disposer de données fines par département afin de mieux mesurer la situation réelle des agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

après avoir précisé qu'il n'avait plus de responsabilités dans la filière laitière, a souligné la gravité inédite de la situation dans toutes les filières agricoles, y compris celle des productions végétales. Il a jugé qu'il ne pouvait y avoir de revenu agricole d'un niveau suffisant dans un marché dérégulé et que l'organisation des marchés ne pouvait passer que par la maîtrise des volumes de production , le développement des agro-carburants ayant une responsabilité dans cette désorganisation. Il a souhaité que la question de la régulation des marchés agricoles soit abordée au G20 et à l'OMC, en espérant qu'un nouveau modèle puisse être à même de favoriser le retour de la confiance des agriculteurs. M. Marcel Deneux a ensuite estimé que les pouvoirs publics devaient être moins complaisants avec la grande distribution, déplorant, par exemple, la pratique courante d'étiquetages différents pour des mêmes produits de boucherie, sans que le prix d'achat de la viande pré-étiquetée auprès du producteur ne soit modifié. Il a souligné, pour le regretter, que le revenu moyen des agriculteurs dans la plupart des pays de l'OCDE était inférieur au revenu moyen constaté. Il a ensuite insisté sur la nécessité d'une politique génétique adaptée pour permettre, avec moins d'exploitants, de produire autant de lait.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

s'est réjoui de l'engagement du ministre en faveur de la régulation des marchés agricoles, tout en s'interrogeant sur le contenu de cette régulation. Les solutions envisagées comporteront-elles un objectif de baisse de la production laitière ? Par ailleurs, les agriculteurs redoutent la conclusion de contrats entre éleveurs et laiteries allant vers l'intégration, et cette régulation passe par un plus grand pouvoir de marché des éleveurs.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

a indiqué que, au-delà du constat désormais partagé conduisant à rompre avec la politique de dérégulation, la nature des nouveaux instruments de régulation reste encore à déterminer dans un dialogue constructif entre les acteurs de la filière, les parlementaires et les partenaires européens.

En réponse à M. Gérard Bailly, il est convenu de ce que l'agriculture n'est pas une production comme les autres, puisqu'une hausse de 1 à 2 % de la production peut suffire à provoquer l'effondrement des cours, comme l'illustre la crise laitière actuelle. Mais ce constat évident n'est pas partagé par tous en Europe et un important travail de pédagogie doit être poursuivi sur ce thème. Les producteurs de la filière laitière doivent s'organiser pour mieux défendre leurs intérêts face aux industriels et de nouveaux outils réglementaires ou législatifs doivent être élaborés pour les y aider. S'agissant de la formation des prix et des marges, les conclusions rendues au mois de juillet 2009 par l'Observatoire des prix et des marges montrent que les marges les plus importantes sont réalisées par les industriels de la filière et non par les grandes surfaces, et le point clé de la réorganisation de la filière porte sur l'évolution des relations entre producteurs et industriels. À cet égard, le soutien au rapprochement entre Entremont et Sodiaal s'inscrit dans cette stratégie de rééquilibrage des rapports entre industriels et producteurs, grâce à l'émergence d'un acteur important issu du monde coopératif. Le ministre a ensuite indiqué vouloir engager une campagne de vaccination obligatoire contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) du cheptel, en s'assurant que cela se fasse à un coût nul ou réduit pour les éleveurs. Enfin, il a précisé que la médiation mise en place dans la crise laitière n'avait plus lieu d'être puisque l'accord sur le prix du lait signé le 3 juin 2009 était valable jusqu'à la fin de l'année.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

En réponse à M. Yannick Botrel, le ministre a rappelé son souci constant d'éviter que la crise ne débouche sur des troubles à l'ordre public et de parvenir au maintien des contacts avec l'ensemble des organisations professionnelles représentatives, afin de trouver une issue à la crise au niveau communautaire. La suppression des quotas a été actée en 1999 à Berlin, et les accords de Luxembourg de 2003 ont reporté la fin de leur démantèlement de 2008 à 2015. Cette orientation stratégique majeure, et déjà ancienne, en faveur de la dérégulation, est d'autant plus difficile à inverser que de nombreux petits pays, tels que les Pays-Bas ou le Danemark, n'y ont pas intérêt. Néanmoins, la constitution d'une majorité qualifiée, en faveur de la réouverture de l'organisation commune de marché (OCM) unique, capable de réguler le marché, pourrait être obtenue dans des délais brefs. Il s'agit de modifier les règles qui interdisent, hormis dans un cadre coopératif, les ententes entre industriels et producteurs. Celles-ci constituent en effet le pilier national d'une régulation permettant des accords sur les prix et les volumes, sous le contrôle de la puissance publique. L'objectif est également de mettre en place au niveau européen des outils d'intervention consolidés et réactifs, tels que l'extension des périodes de stockage privé de six à douze mois par an, ou bien la mise en place d'un marché à terme du beurre et de la poudre. Enfin, les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAF) ont reçu l'instruction de veiller à ce que les mesures décidées pour soutenir la trésorerie des exploitations soient bien appliquées sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

En réponse à M. Marcel Deneux, le ministre est convenu de ce qu'il n'y a pas de revenu agricole dans un marché désorganisé et de ce que le cheptel avait beaucoup évolué sur le plan génétique, du fait de la diffusion de races plus productives.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En réponse à M. François Marc, le ministre a admis qu'il fallait mettre en place les outils permettant de contrôler les volumes produits. Il est nécessaire de faire émerger de nouvelles relations entre producteurs et industriels, en s'appuyant sur une meilleure organisation des premiers, tout en évitant une forme d'intégration qui transforme des exploitants indépendants en salariés industriels et à laquelle les producteurs sont légitimement hostiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

tout en soulignant l'urgence de prendre en compte l'avenir des éleveurs, a appelé à ce que la réforme de la filière laitière ne se réduise pas à un dialogue à trois, entre producteurs, industriels et distributeurs, et à ce qu'elle n'oublie pas les consommateurs dont les intérêts doivent également être défendus. Il s'est interrogé sur les différences de coûts de production constatées entre l'agriculture française et celle d'autres pays européens, notamment l'Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

s'est interrogé sur la définition et le rôle de la DGCCRF. Autrefois acteur désigné dans le dialogue avec les acteurs économiques, elle semble désormais avoir du mal à trouver sa place entre un droit de la concurrence omniprésent et le rôle croissant de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). L'importance des pôles de compétitivité régionaux, notamment en matière d'industries agroalimentaires, qui sont la charpente industrielle des régions, justifie qu'un appui fort soit donné à leur développement. Enfin, les pratiques de la grande distribution en matière de négociation et de détermination des prix doivent être appréhendées dans toute leur complexité et non pas uniquement à travers la problématique des marges arrières.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Rappelant qu'il avait déposé une proposition de loi sur le sujet, M. Claude Biwer a plaidé pour une approche complète de l'organisation de la filière laitière prenant en compte producteurs, industriels et distributeurs et n'oubliant pas la problématique de la commercialisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Panis

a demandé des précisions sur les chances d'obtenir une majorité qualifiée au Conseil européen et sur le calendrier de convocation d'un conseil extraordinaire des ministres de l'agriculture de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Le Grand

ayant constaté que les réponses du ministre sont de nature à rassurer les éleveurs, a souhaité que, malgré les contraintes qu'imposent les négociations diplomatiques au niveau européen, un travail de communication d'ampleur soit mené pour faire connaître ces réponses. Par ailleurs, il a souligné que le monde paysan est aujourd'hui en proie à une division dramatique et qu'il faut veiller à remédier à cette situation. C'est pourquoi les pouvoirs publics devraient avoir des contacts non seulement avec les organisations de producteurs dites représentatives, mais aussi avec des organisations non officiellement reconnues, en particulier l'association des producteurs de lait indépendants (APLI).

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

a également souligné que l'APLI, à défaut d'être juridiquement représentative, défendait néanmoins le point de vue de nombreux producteurs, en particulier des jeunes. Elle s'est également interrogée sur les possibilités d'utiliser le lait gâché à des fins humanitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

après avoir salué l'unanimité autour d'une politique de régulation, a rappelé que, lorsque la production de lait était associée à des signes de qualité, elle échappait à la crise, comme l'illustre le cas de certaines filières fromagères. Il s'est en outre demandé si la solution structurelle à la crise du lait, et de l'agriculture en général, ne passait pas par une sortie du lait du cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

est revenu sur les divisions fortes qui sont apparues au sein du monde agricole. Il a considéré que, même si le mot « quotas » était tabou, la régulation du marché du lait passerait nécessairement par un contrôle des volumes au niveau européen, de manière à assurer une adéquation entre la production et la consommation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

s'est demandé si la meilleure régulation possible n'était pas, en définitive, celle des quotas et s'il ne fallait pas tout simplement les maintenir. Il s'est également interrogé sur les possibilités d'une régulation mondiale de la production.

En réponse, M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a apporté les précisions suivantes :

- il y a urgence à agir, et le Gouvernement, depuis plusieurs semaines, n'est pas resté inactif et a déjà pris des mesures fortes ;

- la priorité absolue de la réforme de la filière laitière est bien de parvenir à un prix du lait qui couvre le coût de production ;

- l'écart de coût de production entre l'Allemagne et la France tient en partie à l'absence de salaire minimum en Allemagne dans la filière fruits et légumes, et la France doit donc agir sur des outils tels que les exonérations de cotisations sociales ;

- le dossier du prix du lait doit être piloté par le ministère de l'agriculture, en fonction d'un objectif de revenus des éleveurs, et non pas par une autre administration, en fonction notamment d'une problématique de droit de la concurrence ;

- le renforcement des pôles de compétitivité régionaux est un objectif important ;

- il faut être vigilant dans le contrôle des pratiques commerciales des grands distributeurs, et il a été demandé à ceux-ci de consentir des efforts sur les ristournes, rabais et remises exigés auprès des producteurs de fruits et légumes ;

- dans la future loi de modernisation de l'agriculture, il faut réfléchir à l'interdiction des accords non écrits entre producteurs, grossistes et distributeurs, car ils permettent de livrer de la marchandise sans que le producteur ait de certitude sur le prix qui lui sera payé ;

- les chances de réunir une majorité qualifiée pour demander la réunion d'un conseil des ministres de l'agriculture consacré à la régulation reposent sur les vingt-cinq voix de l'Italie ; la décision de convoquer le Conseil appartient à la présidence suédoise, qui s'y est refusée jusqu'à présent, mais qui est soumise à une pression forte ;

- les voies d'une stabilisation de la filière laitière existent, compte tenu d'une demande des consommateurs assez régulière ;

- l'APLI a déjà été reçue par le directeur de cabinet du ministre et aucune discrimination ne frappe cette organisation ;

- les difficultés atteignent les jeunes éleveurs de manière particulièrement sévère et ils doivent pouvoir bénéficier en priorité des prêts bancaires ;

- l'utilisation à des fins humanitaires du lait soustrait à la commercialisation par le mouvement de protestation des éleveurs se heurte à des difficultés : coût et complexité de la logistique ; risques de substitution du débouché de l'aide humanitaire à des débouchés solvables ;

- vis-à-vis de l'OMC et de la libéralisation du commerce agricole, la France considère qu'elle est allée jusqu'à l'extrême limite des concessions possibles ;

- la future régulation des volumes ne reposera pas sur un mécanisme de quotas, car, d'un point de vue diplomatique, il ne faut pas laisser entendre qu'on souhaite revenir en arrière ; l'important est de créer des outils de régulation qui stabilisent le marché, quel que soit le nom qu'on leur donne.

Le ministre s'est enfin déclaré ouvert à toutes les propositions que les parlementaires voudraient bien lui faire en la matière.

- Présidence de M. Gérard Cornu, vice-président, puis de M. Jean-Paul Emorine, président -

La commission a ensuite commencé l'examen des amendements sur les titres II (Transports) et V (Risques, santé, déchets) du texte n° 553 (2008-2009) qu'elle propose pour le projet de loi n° 155 (2008-2009) portant engagement national pour l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

A titre liminaire, M. Louis Nègre, rapporteur, a rappelé le contexte des travaux de la commission et présenté ses principales pistes de réflexion, en particulier au regard de la mission sur l'évaluation des péages urbains mis en place en Europe que la commission lui avait confiée avant l'été et qui l'a conduit à Londres, Rome et Milan fin juillet, et à Stockholm début septembre.

Le rapporteur a exposé les six conclusions auxquelles il est parvenu : il n'existe pas un seul modèle de péage urbain mais plusieurs, tous adaptés aux spécificités locales et répondant à des choix politiques et techniques différents ; le péage urbain est davantage un outil de lutte contre la congestion ou d'amélioration de l'environnement qu'un moyen de financer les infrastructures de transport ; les effets bénéfiques du péage urbain sur la pollution de l'air sont réels ; le péage urbain génère des gains socio-économiques globaux positifs, qu'il s'agisse d'éléments budgétaires et environnementaux directs ou d'« externalités » (temps de travail gagné grâce à une circulation plus fluide, baisse des accidents de la route, diminution des maladies respiratoires...) ; la réussite financière d'un péage urbain implique une étude préalable reposant sur le travail de plusieurs équipes de chercheurs, sur l'analyse de diverses données en termes de circulation et de pollution avant et après la création du péage, et sur un calendrier de mise en oeuvre raisonnable ; si, comme en témoigne l'exemple londonien, l'acceptabilité sociale du péage augmente au fil des années, à mesure que ses bienfaits se révèlent et que les peurs se dissipent, une large communication préalable, en toute transparence, constitue néanmoins un facteur indispensable pour la réussite des projets.

Ensuite, après avoir rappelé que, dans son discours de restitution des conclusions du Grenelle de l'environnement en octobre 2007, le Président de la République s'était engagé à donner plus de liberté aux collectivités locales pour décider de leur propre politique environnementale, en particulier en matière de création des péages urbains, M. Louis Nègre, rapporteur, a présenté un amendement permettant aux collectivités territoriales volontaires d'expérimenter le péage urbain aux huit conditions suivantes : l'expérimentation ne peut être effective qu'au 1er janvier 2013, le temps de faire les études nécessaires et d'éclairer l'opinion publique ; seules les agglomérations de plus de 300 000 habitants sont concernées ; le péage est institué pour une période de trois ans au maximum et l'expérience est réversible par principe ; l'étude d'impact préalable comprend une partie à charge et une autre à décharge, afin d'avoir une vision objective du dossier ; la décision est soumise à l'accord du ministère chargé de l'écologie ; les collectivités territoriales doivent créer au préalable des infrastructures et des services de transport collectif susceptibles d'absorber le report de trafic lié à l'instauration du péage ; un décret en Conseil d'Etat fixe les plafonds en matière de prix du péage ; enfin, le produit des péages est affecté aux actions mentionnées dans le plan de déplacements urbains (PDU).

A l'issue de cette présentation, un large débat s'est ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Après s'être étonné de la vigueur de certaines objections à la notion de péage alors même que la plupart des communes ont institué depuis longtemps une de ses modalités, à savoir le stationnement payant, qui est en quelque sorte un péage de stock et non de flux, M. Roland Ries s'est déclaré favorable, dans son principe, à la proposition du rapporteur, mais en a regretté la frilosité et contesté certaines des conditions, jugées excessives.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Hummel

a également regretté le nombre et la nature des conditions posées, estimant ces contraintes contraires au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

a souligné l'incidence que peut avoir un péage urbain sur les communes situées à la périphérie de la ville-centre et a demandé au rapporteur dans quelle mesure elles seraient associées au système qu'il propose.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Regrettant qu'un amendement aussi important n'ait pas été présenté plus tôt afin de laisser aux sénateurs le temps de l'examiner, Mme Mireille Schurch a fait observer que plus les individus habitent loin de la ville-centre, et plus ils sont pénalisés par les péages urbains. En outre, l'instauration du péage devrait être subordonnée à l'amélioration du réseau de transports en commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

s'est dit favorable aux incitations à la mobilité durable, tout en se demandant pourquoi le dispositif proposé n'était pas ouvert à des structures intercommunales de taille plus restreinte, celles-ci étant prêtes à prendre des initiatives dans ce domaine. Il a souhaité savoir si l'amendement a été soumis à la commission des finances, car celle-ci a déjà déclaré irrecevables au regard des règles posées par l'article 40 de la Constitution des amendements créant des compétences à titre expérimental pour les collectivités. Il s'est étonné que certains amendements du groupe socialiste, contrairement à celui du rapporteur, ne puissent faire l'objet d'une discussion en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

a demandé que le président de la commission des finances formule des règles plus claires à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

S'agissant des délais, M. Gérard Cornu, président, a fait observer que les sénateurs pouvaient continuer à examiner l'amendement jusqu'à l'heure de la séance publique et déposer, le cas échéant, des sous-amendements. Concernant les règles d'irrecevabilité financière, les amendements au texte établi par la commission, déposés à la séance, sont renvoyés pour examen à la commission des finances. Ceux qui ont été déposés par des sénateurs ont déjà été examinés par la commission des finances ; c'est la raison pour laquelle certain d'entre eux, jugés irrecevables, ne peuvent être discutés par la commission saisie au fond. Les amendements présentés par les rapporteurs, à ce stade de la procédure, n'ont pas encore été déposés à la séance, puisqu'ils n'ont pas été adoptés par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Commentant l'amendement sur le fond, M. Daniel Raoul a fait observer que le principe du péage urbain avait déjà été voté dans le cadre du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dit Grenelle I.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

En réponse aux intervenants, M. Louis Nègre, rapporteur, a apporté les éléments suivants :

- l'amendement prévoit une consultation de l'ensemble des parties concernées, qui permettra de prendre en compte les besoins des communes autres que la ville-centre ; l'étude d'impact prendra en compte tous les éléments favorables ou défavorables au projet et déterminera si des quartiers risquent d'être défavorisés par le dispositif ;

- il s'agira dans un premier temps d'une expérimentation sur trois ans, à l'initiative des collectivités ; l'affectation du produit du péage au financement des actions mentionnées dans le plan de déplacements urbains devrait faciliter l'acceptation du dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Abordant un point de procédure relatif aux votes sur des amendements au sein de la commission, M. Daniel Raoul a constaté que, lors d'un scrutin précédent, le vote avait été considéré comme acquis à l'unanimité alors que certains membres de la commission s'étaient abstenus. Il a souhaité savoir s'il s'agissait bien de la pratique en vigueur au sein de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

s'est associée à sa demande, ajoutant que si la définition actuelle de l'unanimité devait être maintenue, certains sénateurs seraient conduits à voter systématiquement contre l'adoption de certains amendements dont le dépôt tardif ne permet pas une analyse précise, alors même que leur vote aurait pu été positif après un examen plus approfondi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

a alors indiqué que, dans tout scrutin, l'unanimité s'apprécie normalement à la lumière des seuls suffrages exprimés, les abstentions n'étant par définition pas prises en compte. Il a suggéré que, lorsque c'est nécessaire, l'abstention d'une partie des membres de la commission soit mentionnée dans le compte rendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

s'est prononcé pour l'attribution aux autorités organisatrices de transport de la possibilité de mettre en place un péage urbain, mais a fait part de sa réticence sur les conditions posées par l'amendement du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

a regretté qu'un amendement portant sur un point qui ne fait pas l'objet d'un consensus soit ainsi déposé au dernier moment. Le dispositif proposé pose des contraintes trop importantes alors que l'intérêt d'une expérimentation repose sur la liberté laissée aux acteurs locaux.

La commission a alors décidé, sur la proposition de M. Jean-Paul Emorine, président, de surseoir au vote sur cet amendement jusqu'à la réunion de la commission prévue le lendemain, mercredi 23 septembre 2009.

La commission a ensuite examiné un second amendement présenté par M. Louis Nègre, rapporteur, qui exonère Réseau ferré de France de la taxe sur les plus-values immobilières liées à une infrastructure de transport collectif créée par l'article 22 ter du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Hummel

Se disant favorable à cet amendement, Mme Christiane Hummel a souhaité savoir s'il aura un impact positif sur l'amélioration du réseau ferroviaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

a répondu que le contrat de performance État-RFF conclu en 2008 prévoit que le programme de renouvellement sera en partie financé à travers les ventes de biens immobiliers de l'établissement.

La commission a adopté l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Elle a ensuite examiné un troisième amendement présenté par M. Louis Nègre, rapporteur, relatif à la majoration du versement transport. Il a précisé qu'il reprenait strictement un engagement du comité opérationnel du Grenelle de l'environnement (COMOP n° 7), se limitant à différer son entrée en vigueur à 2012. Dans les communes de 50 000 à 100 000 habitants, le plafond du versement de transport est aujourd'hui de 0,55 % de la masse salariale et passerait, dans la modification proposée, à 0,90 % lorsqu'il y a un projet de transports en commun en site propre. Indiquant que le Gouvernement est défavorable à cet amendement, il a estimé cette augmentation pourtant raisonnable afin de favoriser le développement des réseaux de transport en cohérence avec les engagements pris au sein du COMOP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

souhaitant savoir quelle autorité fixera le pourcentage, M. Roland Ries a précisé que la loi fixait une valeur maximale, les autorités organisatrices demeurant évidemment libres de retenir un taux en dessous de ce seuil.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

a fait observer que les taux variaient considérablement d'une commune à une autre. Le taux étant assis sur la masse salariale, la modification proposée touche sensiblement les entreprises, alors même que le taux existant constitue déjà, dans certains cas, une charge supérieure à la taxe professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

lui demandant des précisions sur le mode de calcul de du taux maximal proposé, M. Louis Nègre, rapporteur, a expliqué qu'il reprenait le niveau indiqué dans la proposition n° 9 du COMOP n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

s'est dit favorable à cette disposition car elle s'inspire d'une règle existant pour les communes ou les établissements publics de coopération de plus de 100 000 habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

a fait part de la difficulté des élus de la majorité à se prononcer en faveur de cet amendement en cas de désaccord entre le Gouvernement et le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Indiquant qu'il espérait jouer un rôle d'éclaireur sur ce sujet, M. Louis Nègre a alors retiré son amendement.

La commission a ensuite examiné les autres amendements déposés sur les articles du titre II du projet de loi, et émis les avis suivants :

Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -