a rappelé que son propos s'inscrivait dans le droit fil du travail accompli par la commission des affaires économiques en mars 2005, à travers l'adoption d'une proposition de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur. Il a souligné les avancées considérables et positives résultant de l'adoption de l'avis du Parlement européen en première lecture sur cette proposition. Cette étape décisive dans le processus législatif communautaire justifie amplement, a-t-il ajouté, que la commission reste mobilisée pour les étapes suivantes.
Evoquant le cheminement de la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, M. Jean Bizet a indiqué que celle-ci constituait pour la Commission européenne un élément essentiel du processus de réforme économique lancé par le Conseil européen de Lisbonne, qui tend à faire de l'Union européenne, à l'horizon 2010, « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ».
Il a fait valoir que la « stratégie pour le marché intérieur » était un élément important pour la réforme économique de l'Union européenne, comme les deux autres piliers que sont « les grandes orientations de la politique économique » et « les lignes directrices pour l'emploi », et qu'au sein de cette stratégie figurait l'intégration des marchés de services, étape identifiée dès l'origine dans le Traité de Rome, au même titre que la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux.
Il a souligné que cet objectif de libre circulation des services, qu'il s'agisse de la liberté d'établissement, prévue par les articles 43 à 48 du Traité ou de la liberté des prestations de services, prévue par les articles 49 à 55 de ce même Traité, était justifié par l'importance des potentialités identifiées en matière de création d'emploi dans le secteur des services, en rappelant que les activités de service représentaient près de 70 % des emplois dans l'Europe des 25 et que la tertiarisation croissante des emplois, tant agricoles qu'industriels, constituait une réserve de croissance importante.
Or, a-t-il souligné, les prestations transfrontalières des activités de service ne représentent que 20 % des échanges dans le marché intérieur, à savoir moins qu'au début des années 1990, en raison de la persistance de trop nombreux obstacles, identifiés à travers des régimes d'autorisation lourds, des formalités administratives multiples ou des exigences jugées discriminatoires.
Il a rappelé, qu'en conséquence, l'ambition de la Commission européenne était de favoriser la liberté d'établissement par des mesures de simplification et d'accélérer le processus d'allègement des régimes d'autorisation existant dans les Etats membres.
a ensuite brièvement rappelé la position adoptée par la commission des affaires économiques sur la proposition de directive, qui prenait clairement position en faveur d'un texte sur le marché intérieur des services, adopté démocratiquement, au risque sinon, face au vide juridique résultant de l'incapacité des institutions à mettre en oeuvre les objectifs du Traité, de laisser le champ libre à la Cour de justice des communautés européennes pour définir des principes généraux et horizontaux en matière de liberté d'établissement et de prestation.
En outre, il a précisé que la commission des affaires économiques recommandait la réécriture globale du texte afin de prendre en compte les recommandations suivantes :
- l'attachement à l'harmonisation des législations nationales comme fondement de la méthode communautaire ;
- l'exclusion du champ de la directive d'un certain nombre de domaines, en particulier les professions juridiques réglementées, les services audiovisuels et de presse, les services de gestion collective des droits d'auteurs, les services de santé et d'aide sociale et médico-sociale, les jeux d'argent et tous les services de transport ;
- la nécessité d'un encadrement juridique des services d'intérêt économique général au niveau communautaire.
S'agissant du principe du pays d'origine, principale innovation du texte proposée à l'article 16 de la proposition de directive pour faciliter la liberté de prestations, il a rappelé que le rapport de la commission des affaires économiques mettait en avant la remise en cause, à travers ce principe, des garanties juridiques et sociales attachées à la méthode de l'harmonisation communautaire et identifiait les multiples impacts négatifs en matière juridique et sociale liés à sa mise en oeuvre.
En conséquence, a-t-il ajouté, la commission avait exclu le principe du pays d'origine en tant que principe général et considéré que son application ne pouvait être envisageable que sur la base d'une étude d'impact sectorielle faisant le point sur l'ensemble des risques juridiques, économiques, techniques et sociaux, secteur par secteur.
s'est alors félicité de ce que la proposition de résolution de la commission soit devenue Résolution européenne du Sénat après discussion en séance publique et ait été enrichie par l'adoption de plusieurs amendements de la Délégation pour l'Union européenne.
Il a ensuite présenté les avancées résultant des amendements du Parlement européen adoptés le 16 février 2006, avancées rendues possibles par l'attitude d'ouverture exprimée par la Commission européenne en mars 2005. Il a indiqué que le Parlement européen avait procédé, au terme de longues négociations, à la réécriture globale de la proposition de directive, à travers de multiples amendements, sur la base d'un compromis intervenu entre les deux principaux groupes politiques au sein du Parlement européen, le PPE DE et le PSE, sur la libre prestation de services, et que le vote avait été obtenu à une très large majorité, à savoir 391 voix pour, 213 voix contre et 34 abstentions.
Les principales avancées du texte ainsi modifié, a-t-il précisé, peuvent être ainsi présentées :
- Le champ d'application de la directive a tout d'abord été plus précisément délimité. Aux services d'intérêt général, désormais nommément exclus du champ d'application de la directive, s'ajoutent désormais les services sociaux, les agences de travail intérimaire, les agences de sécurité ainsi que les domaines déjà couverts par des législations spécifiques. Il s'agit notamment des services financiers, des services et réseaux de communications électroniques et les services de transports (dont les transports urbains, taxis, ambulances et services portuaires). Ne sont pas non plus concernés les services juridiques, les soins de santé, les services audiovisuels, les jeux d'argent et les loteries, la fiscalité ainsi que les professions et activités participant à l'exercice de l'autorité publique (par exemple, le notariat).
- S'agissant des services d'intérêt économique général, dont la qualification est de la compétence des Etats membres, il a relevé qu'ils étaient couverts par la directive, mais que la règle de la libre prestation de services ne s'appliquait pas. Il a évoqué, à titre d'exemple, les services postaux ainsi que ceux de la distribution d'électricité, de gaz, d'eau et de traitement des déchets.
Au final, a-t-il fait valoir, aucune liste « positive » des services concernés n'est établie, même si certains sont mentionnés parmi les services aux entreprises ou bien ceux fournis à la fois aux entreprises et aux consommateurs.
- S'agissant de la liberté d'établissement, il a relevé que l'article 9 de la proposition de directive amendée reconnaissait le droit des Etats membres à soumettre à un régime d'autorisation non discriminatoire l'accès à une activité de services et à son exercice si une raison impérieuse d'intérêt général le justifie.
Il a alors présenté l'article 4 tel que modifié définissant la « raison impérieuse d'intérêt général » de façon très large en visant notamment l'ordre et la sécurité publique, la santé publique, la préservation de l'équilibre financier du système de sécurité sociale, la protection des consommateurs, des travailleurs, l'équité des transactions commerciales, la protection de l'environnement, la propriété intellectuelle ou encore les objectifs de politique sociale ou culturelle.
- S'agissant de la liberté de prestation de services, M. Jean Bizet a fait valoir, pour s'en féliciter, que l'approche proposée par la commission à l'article 16 était totalement inversée avec l'abandon du principe du pays d'origine et son remplacement par la règle de la libre circulation des services.
En conséquence, il a exposé que les Etats membres étaient tenus de garantir au prestataire un « libre accès à l'activité de services ainsi que son libre exercice sur son territoire », s'interdisant de lui imposer des exigences discriminatoires, disproportionnées ou qui ne seraient pas justifiées pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé et de l'environnement. Il a ajouté que les Etats membres appliquaient leur réglementation concernant les conditions d'emploi, notamment celles issues des conventions collectives.
En revanche, a-t-il précisé, sont énumérés une série d'obstacles qu'il est proposé d'interdire, et les dispositions relatives à la simplification administrative, notamment celles relatives au « guichet unique », concernent désormais également la circulation des services.
a ensuite relevé que l'article 3 de la proposition de directive réaffirmait, en cas de conflit de textes, la primauté des règles communautaires spécifiques sur les dispositions de la directive, s'agissant notamment de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. Il a indiqué que le Parlement européen avait adopté un amendement supprimant les articles 24 et 25, qui prévoyaient l'élimination de certaines formalités d'autorisation et de déclaration relatives au détachement des salariés, ce qui interdisait -de facto- toute possibilité de contrôle par l'Etat d'accueil.
s'est félicité globalement du contenu des amendements adoptés par le Parlement européen et a souhaité que le processus législatif communautaire se poursuive, indiquant que dans le cadre de la procédure de codécision prévue par l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil statuant à la majorité qualifiée devait se prononcer sur une nouvelle proposition de directive élaborée début avril, par la Commission européenne, prenant en compte tout ou partie des amendements adoptés par le Parlement européen.
Compte tenu de la forte majorité qui s'est dégagée, il a considéré que la Commission européenne pouvait difficilement s'opposer à la réorientation voulue par le Parlement européen et a relevé que M. Charlie McCreevy, commissaire en charge du marché intérieur et des services, avait déclaré que « le large consensus recueilli sur les aspects clefs du projet constituait une base solide pour aller de l'avant ».
a déclaré qu'il fallait veiller à ce que la Commission intègre les avancées résultant du vote du Parlement, à savoir la définition du champ d'application de la directive en tenant compte de la spécificité de certains secteurs qui doivent en être exclus, l'affirmation de la primauté des régimes et directives sectoriels, l'exclusion du droit du travail qui doit rester de la compétence du pays d'accueil et le maintien de l'application effective de la directive sur le détachement des travailleurs, ainsi que la réaffirmation de la règle de la libre circulation des services, en préservant la poursuite de l'harmonisation communautaire.
Il a également considéré que la poursuite du processus législatif sur les services devait permettre de renforcer la position de l'Union Européenne, qui a soumis, fin février, ses demandes en matière d'accès au marché dans le domaine des services dans le cadre des négociations du cycle de Doha.
L'Union européenne, a-t-il indiqué, a demandé des ouvertures de marché dans certains services professionnels, les secteurs de l'informatique, les télécommunications, l'environnement, le transport aérien ou l'énergie, mais en revanche, aucune demande ne concerne des secteurs pouvant avoir un impact sur les services publics.
Il a tenu également à réaffirmer le rôle primordial que doit jouer la représentation nationale pour encourager l'« acceptation sociétale » de ce dispositif, désormais recadré et plus équilibré.
Il a jugé, en particulier, qu'un travail d'explication en profondeur devait être conduit afin de faire clairement ressortir que cette proposition de directive n'interférait pas avec la mise en oeuvre de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 relative au détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.
Il importe également, a-t-il ajouté, de bien mettre en avant que cette proposition de directive ne concerne pas les discussions en cours sur la levée éventuelle des restrictions à la libre circulation des travailleurs originaires des nouveaux Etats membres autorisées par l'article 24 du traité d'adhésion du 16 avril 2003. Il a relevé, à cet égard, que la France devait statuer prochainement sur le maintien de ces restrictions pour la deuxième période allant du 1er mai 2006 au 1er mai 2009.
En conclusion, M. Jean Bizet a émis le souhait que la commission des affaires économiques et éventuellement le Sénat se prononcent sur la proposition de directive que la Commission européenne soumettra au Conseil au printemps 2006.