a d'abord évoqué la question de la soutenabilité financière du système de retraite français en distinguant l'approche structurelle, qui est liée aux tendances de long terme, de l'approche conjoncturelle, qui repose sur les évolutions de la conjoncture économique. S'agissant du long terme, les premières projections financières établies par le conseil d'orientation des retraites (Cor) au début des années 2000 faisaient état d'un déficit prévisionnel de l'ensemble des régimes de retraite de cinq points de Pib en 2050. Le dernier exercice de projection, qui date de 2007, révèle un scénario moins dégradé puisque le déficit prévisionnel en 2050 serait ramené à 1,7 point de Pib. Cette diminution du déficit prévisionnel résulterait pour moitié des effets de la réforme des retraites de 2003 et pour moitié des nouvelles perspectives démographiques de l'Insee qui sont plus favorables à terme à l'équilibre des régimes de retraite. En ce qui concerne le volet conjoncturel, il est évident que les effets de la crise économique sur le système de retraite vont dépendre de la durée de celle-ci. D'ores et déjà, un ralentissement durable du taux de croissance est prévisible, ce qui ne manquera pas de dégrader les comptes sociaux. En retenant pour hypothèses une augmentation de la productivité du travail de 1,8 % par an et un taux de croissance de l'économie de 1,5 % par an, le déficit prévisionnel en 2050 se creuserait d'un point de Pib supplémentaire. Au total, il pourrait donc atteindre 2,7 voire trois points de Pib. A cela s'ajoute le déficit actuel des régimes de retraite qu'il faudra un jour ou l'autre éponger.
Cependant, le système de retraite aurait été encore moins soutenable financièrement si les réformes dont il a été l'objet ces dernières années n'avaient pas été menées. Il faut également garder à l'esprit que l'exercice de projection est compliqué pour quatre raisons : il existe des marges d'incertitude en démographie qui pèsent fortement sur les résultats obtenus ; la durée de la crise économique est encore incertaine ; les réactions des assurés aux nouvelles mesures prises sont difficilement prévisibles ; la complexité du système de retraite français rend les simulations financières délicates.
La question de l'équité du système de retraite revêt deux dimensions : une dimension intragénérationnelle et une dimension intergénérationnelle. Difficile à définir de manière univoque, la notion d'équité est régulièrement source de confusion puisqu'elle peut être utilisée aussi bien pour défendre le statu quo que pour promouvoir une réforme profonde du système. Il existe deux approches de l'équité : l'équité comme justice commutative et l'équité comme justice distributive. La première vise à ce que chacun perçoive l'équivalent de ce qu'il a fourni comme effort (principe de contributivité) ; la seconde vise à donner à chacun selon ses besoins. Toute la difficulté réside dans la bonne articulation entre ces deux visions de l'équité.
L'équité intergénérationnelle a plutôt tendance à être associée à l'équité comme justice commutative : chaque génération doit pouvoir bénéficier du même retour sur les cotisations qu'elle a versées. C'est ce que permet, en théorie, un régime en cotisations définies. Il n'est toutefois pas interdit, du point de vue de la justice sociale, que certaines générations pénalisées par l'Histoire - générations victime d'une guerre ou d'une crise économique - récupèrent davantage que leur contribution.
L'équité intragénérationnelle repose, quant à elle, à la fois sur le principe de contributivité et sur celui de distributivité. Là encore, un bon équilibre entre ces deux principes doit être trouvé, ce que rendent difficile le manque de lisibilité et la complexité du système de retraite français. En définitive, il faut bien admettre qu'il paraît exclu de parvenir à une position unanime sur le concept d'équité.
En ce qui concerne l'harmonisation des règles public-privé, on relève trois différences majeures entre les deux secteurs : la règle du salaire de référence (les six derniers mois dans la fonction publique, les vingt-cinq meilleures années dans le privé), la montée en charge très progressive de la décote dans le secteur public, les règles d'attribution différentes du minimum contributif et du minimum garanti. Bien que cette hétérogénéité soit difficilement tenable à terme, il ne faut pas oublier que celle-ci est le fruit de l'histoire sociale et de choix collectifs.
Si l'on s'en tient à une réforme paramétrique du système de retraite, trois leviers peuvent être activés : l'augmentation des cotisations, le décalage de l'âge de départ à la retraite et la baisse du taux de remplacement. Certes, on ne peut exclure la possibilité d'augmenter les cotisations pour financer les retraites, mais cette solution est néanmoins discutable. En effet, pourquoi affecter toute augmentation des cotisations aux dépenses de retraite qui représentent déjà 13 % du Pib ? D'autres postes de dépenses comme l'environnement ou la santé pourraient aussi bénéficier de recettes supplémentaires. Il est donc préférable de privilégier les deux autres leviers qui, contrairement à ce que l'on croit trop souvent, ne sont pas séparables. En effet, tout décalage de l'âge de départ à la retraite influe sur le taux de remplacement. L'augmentation de l'espérance de vie rend légitime un ajustement de l'âge de départ à la retraite. Celui-ci peut s'effectuer de quatre manières : en augmentant la durée de cotisation, l'âge minimum de départ à la retraite, l'âge maximum de départ à la retraite et l'âge intermédiaire - c'est-à-dire l'âge auquel l'effet de la décote s'annule. La solution la plus équitable semble être l'allongement de la durée de cotisation puisqu'elle avantage ceux qui ont commencé à travailler, donc à cotiser, tôt. En revanche, elle n'envoie aucun signal fort en direction des employeurs en ce qui concerne l'emploi des seniors. A l'inverse, le report de l'âge minimum de départ à la retraite conduit mécaniquement à une amélioration de l'emploi des seniors. Les simulations du Cor montrent cependant que si les effets financiers d'un relèvement de l'âge légal de départ à la retraite sont assez forts à court terme, ils sont moins rentables à moyen et long terme.
En ce qui concerne le choix éventuel d'une réforme structurelle, passage à un système en comptes notionnels par exemple, celle-ci aurait le mérite de simplifier, d'uniformiser et de rendre plus lisible le système de retraite. Bien que porteur de transparence et de clarté, le régime en comptes notionnels est néanmoins plus complexe qu'il n'y paraît. Son principal avantage réside dans sa capacité à s'équilibrer automatiquement à long terme, ce que les autres systèmes ne peuvent pas faire. Mais, le retour à l'équilibre financier prenant du temps, il se peut que le système connaisse des déséquilibres pendant la phase intermédiaire. Ainsi, en France, un passage brutal aux comptes notionnels ne permettrait un retour à l'équilibre qu'en 2040 ou 2050. Lorsque la Suède a décidé d'adopter ce système, elle avait à sa disposition des réserves financières qui lui ont permis de s'accommoder des déséquilibres intermédiaires. Pour la France, la solution consisterait à mettre en place soit un régime en comptes notionnels avec taux d'appel qui permette d'augmenter le taux de cotisation en cas de déséquilibre financier, soit un régime en comptes notionnels accompagné de provisions (le FRR, fonds de réserve des retraites, par exemple). Le passage à un tel système pose toutefois le problème de sa faisabilité technique, sociale et politique.
a ensuite évoqué le sujet de la pénibilité du travail en expliquant que celui-ci pourrait sans doute être plus facilement abordé à l'occasion d'une réforme structurelle, prévoyant par exemple le passage à un régime en comptes notionnels. Deux pistes, non exemptes de difficultés, sont envisageables pour prendre en compte la pénibilité. La première reposerait sur l'attribution de droits à bonification pour l'exercice d'un emploi pénible ; se pose toutefois le problème de l'évolution de la pénibilité des métiers dans le temps. La seconde consisterait à prendre en compte les écarts d'espérance de vie des différentes catégories socioprofessionnelles au moment de la liquidation de la retraite. Toutefois, ces catégories sont sans doute trop vastes pour bien appréhender la pénibilité de chaque métier.
S'agissant de la méthode de réforme, il est incontestable que la superposition des réformes paramétriques donne le sentiment que le régime français est une usine à gaz. Le système des comptes notionnels est à l'évidence très intéressant, mais n'est pas lui-même dénué de complexité. Le passage à cette technique nécessite d'être programmé sur le moyen terme, comme l'a fait la Suède. A court terme, des ajustements paramétriques semblent inévitables, ce qui ne dispense pas pour autant de réfléchir à horizon plus lointain.