Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 16 février 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • génération
  • notionnels
  • pénibilité
  • âge
  • équité

La réunion

Source

La mission a procédé à l'audition de M. Didier Blanchet, chef du département des études économiques d'ensemble à l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Debut de section - Permalien
Didier Blanchet, chef du département des études économiques d'ensemble à l'Insee

a d'abord évoqué la question de la soutenabilité financière du système de retraite français en distinguant l'approche structurelle, qui est liée aux tendances de long terme, de l'approche conjoncturelle, qui repose sur les évolutions de la conjoncture économique. S'agissant du long terme, les premières projections financières établies par le conseil d'orientation des retraites (Cor) au début des années 2000 faisaient état d'un déficit prévisionnel de l'ensemble des régimes de retraite de cinq points de Pib en 2050. Le dernier exercice de projection, qui date de 2007, révèle un scénario moins dégradé puisque le déficit prévisionnel en 2050 serait ramené à 1,7 point de Pib. Cette diminution du déficit prévisionnel résulterait pour moitié des effets de la réforme des retraites de 2003 et pour moitié des nouvelles perspectives démographiques de l'Insee qui sont plus favorables à terme à l'équilibre des régimes de retraite. En ce qui concerne le volet conjoncturel, il est évident que les effets de la crise économique sur le système de retraite vont dépendre de la durée de celle-ci. D'ores et déjà, un ralentissement durable du taux de croissance est prévisible, ce qui ne manquera pas de dégrader les comptes sociaux. En retenant pour hypothèses une augmentation de la productivité du travail de 1,8 % par an et un taux de croissance de l'économie de 1,5 % par an, le déficit prévisionnel en 2050 se creuserait d'un point de Pib supplémentaire. Au total, il pourrait donc atteindre 2,7 voire trois points de Pib. A cela s'ajoute le déficit actuel des régimes de retraite qu'il faudra un jour ou l'autre éponger.

Cependant, le système de retraite aurait été encore moins soutenable financièrement si les réformes dont il a été l'objet ces dernières années n'avaient pas été menées. Il faut également garder à l'esprit que l'exercice de projection est compliqué pour quatre raisons : il existe des marges d'incertitude en démographie qui pèsent fortement sur les résultats obtenus ; la durée de la crise économique est encore incertaine ; les réactions des assurés aux nouvelles mesures prises sont difficilement prévisibles ; la complexité du système de retraite français rend les simulations financières délicates.

La question de l'équité du système de retraite revêt deux dimensions : une dimension intragénérationnelle et une dimension intergénérationnelle. Difficile à définir de manière univoque, la notion d'équité est régulièrement source de confusion puisqu'elle peut être utilisée aussi bien pour défendre le statu quo que pour promouvoir une réforme profonde du système. Il existe deux approches de l'équité : l'équité comme justice commutative et l'équité comme justice distributive. La première vise à ce que chacun perçoive l'équivalent de ce qu'il a fourni comme effort (principe de contributivité) ; la seconde vise à donner à chacun selon ses besoins. Toute la difficulté réside dans la bonne articulation entre ces deux visions de l'équité.

L'équité intergénérationnelle a plutôt tendance à être associée à l'équité comme justice commutative : chaque génération doit pouvoir bénéficier du même retour sur les cotisations qu'elle a versées. C'est ce que permet, en théorie, un régime en cotisations définies. Il n'est toutefois pas interdit, du point de vue de la justice sociale, que certaines générations pénalisées par l'Histoire - générations victime d'une guerre ou d'une crise économique - récupèrent davantage que leur contribution.

L'équité intragénérationnelle repose, quant à elle, à la fois sur le principe de contributivité et sur celui de distributivité. Là encore, un bon équilibre entre ces deux principes doit être trouvé, ce que rendent difficile le manque de lisibilité et la complexité du système de retraite français. En définitive, il faut bien admettre qu'il paraît exclu de parvenir à une position unanime sur le concept d'équité.

En ce qui concerne l'harmonisation des règles public-privé, on relève trois différences majeures entre les deux secteurs : la règle du salaire de référence (les six derniers mois dans la fonction publique, les vingt-cinq meilleures années dans le privé), la montée en charge très progressive de la décote dans le secteur public, les règles d'attribution différentes du minimum contributif et du minimum garanti. Bien que cette hétérogénéité soit difficilement tenable à terme, il ne faut pas oublier que celle-ci est le fruit de l'histoire sociale et de choix collectifs.

Si l'on s'en tient à une réforme paramétrique du système de retraite, trois leviers peuvent être activés : l'augmentation des cotisations, le décalage de l'âge de départ à la retraite et la baisse du taux de remplacement. Certes, on ne peut exclure la possibilité d'augmenter les cotisations pour financer les retraites, mais cette solution est néanmoins discutable. En effet, pourquoi affecter toute augmentation des cotisations aux dépenses de retraite qui représentent déjà 13 % du Pib ? D'autres postes de dépenses comme l'environnement ou la santé pourraient aussi bénéficier de recettes supplémentaires. Il est donc préférable de privilégier les deux autres leviers qui, contrairement à ce que l'on croit trop souvent, ne sont pas séparables. En effet, tout décalage de l'âge de départ à la retraite influe sur le taux de remplacement. L'augmentation de l'espérance de vie rend légitime un ajustement de l'âge de départ à la retraite. Celui-ci peut s'effectuer de quatre manières : en augmentant la durée de cotisation, l'âge minimum de départ à la retraite, l'âge maximum de départ à la retraite et l'âge intermédiaire - c'est-à-dire l'âge auquel l'effet de la décote s'annule. La solution la plus équitable semble être l'allongement de la durée de cotisation puisqu'elle avantage ceux qui ont commencé à travailler, donc à cotiser, tôt. En revanche, elle n'envoie aucun signal fort en direction des employeurs en ce qui concerne l'emploi des seniors. A l'inverse, le report de l'âge minimum de départ à la retraite conduit mécaniquement à une amélioration de l'emploi des seniors. Les simulations du Cor montrent cependant que si les effets financiers d'un relèvement de l'âge légal de départ à la retraite sont assez forts à court terme, ils sont moins rentables à moyen et long terme.

En ce qui concerne le choix éventuel d'une réforme structurelle, passage à un système en comptes notionnels par exemple, celle-ci aurait le mérite de simplifier, d'uniformiser et de rendre plus lisible le système de retraite. Bien que porteur de transparence et de clarté, le régime en comptes notionnels est néanmoins plus complexe qu'il n'y paraît. Son principal avantage réside dans sa capacité à s'équilibrer automatiquement à long terme, ce que les autres systèmes ne peuvent pas faire. Mais, le retour à l'équilibre financier prenant du temps, il se peut que le système connaisse des déséquilibres pendant la phase intermédiaire. Ainsi, en France, un passage brutal aux comptes notionnels ne permettrait un retour à l'équilibre qu'en 2040 ou 2050. Lorsque la Suède a décidé d'adopter ce système, elle avait à sa disposition des réserves financières qui lui ont permis de s'accommoder des déséquilibres intermédiaires. Pour la France, la solution consisterait à mettre en place soit un régime en comptes notionnels avec taux d'appel qui permette d'augmenter le taux de cotisation en cas de déséquilibre financier, soit un régime en comptes notionnels accompagné de provisions (le FRR, fonds de réserve des retraites, par exemple). Le passage à un tel système pose toutefois le problème de sa faisabilité technique, sociale et politique.

a ensuite évoqué le sujet de la pénibilité du travail en expliquant que celui-ci pourrait sans doute être plus facilement abordé à l'occasion d'une réforme structurelle, prévoyant par exemple le passage à un régime en comptes notionnels. Deux pistes, non exemptes de difficultés, sont envisageables pour prendre en compte la pénibilité. La première reposerait sur l'attribution de droits à bonification pour l'exercice d'un emploi pénible ; se pose toutefois le problème de l'évolution de la pénibilité des métiers dans le temps. La seconde consisterait à prendre en compte les écarts d'espérance de vie des différentes catégories socioprofessionnelles au moment de la liquidation de la retraite. Toutefois, ces catégories sont sans doute trop vastes pour bien appréhender la pénibilité de chaque métier.

S'agissant de la méthode de réforme, il est incontestable que la superposition des réformes paramétriques donne le sentiment que le régime français est une usine à gaz. Le système des comptes notionnels est à l'évidence très intéressant, mais n'est pas lui-même dénué de complexité. Le passage à cette technique nécessite d'être programmé sur le moyen terme, comme l'a fait la Suède. A court terme, des ajustements paramétriques semblent inévitables, ce qui ne dispense pas pour autant de réfléchir à horizon plus lointain.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Insistant sur le nécessaire équilibre entre l'aspect contributif et l'aspect redistributif du système de retraite, Mme Christiane Demontès, rapporteure, a demandé comment parvenir à un bon dosage.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a estimé qu'un « grand soir des retraites » en France n'est pas possible. La Suède a, pour sa part, mis près de quinze ans pour préparer la réforme de son système. Il est désormais temps de se demander quelle part de sa richesse nationale la France entend consacrer aux dépenses de retraite. Réformer les régimes de retraite nécessite une action en deux temps : à court terme, ajuster les paramètres du système actuel ; à moyen terme, introduire davantage d'équité, de simplicité et de transparence en rapprochant progressivement les différentes règles existantes entre les corps sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a fait observer que l'harmonisation des règles de calcul des droits à la retraite entre les fonctionnaires et les salariés du privé est devenue une question centrale, le débat se cristallisant sur le salaire de référence. Doit-on en conclure que l'on se dirige vers un alignement public-privé ? Indiquant que la plupart des organisations syndicales, excepté la CFDT, désapprouve le système en comptes notionnels, il a souhaité avoir le point de vue de Didier Blanchet sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Didier Blanchet, chef du département des études économiques d'ensemble à l'Insee

a indiqué que la question du poids des dépenses de retraite dans la richesse nationale relève d'un choix politique. A titre personnel, il a estimé qu'une stabilisation de ces dépenses à 13 % du Pib est un objectif raisonnable, si l'on veut garder des marges de manoeuvre pour les autres postes de dépenses. Le dosage entre contributivité et redistributivité du système appelle aussi un arbitrage politique. Il faut trouver un bon équilibre entre le souhait de couvrir au maximum les éléments les plus fragiles de la population et la nécessité de rémunérer les efforts contributifs de chacun. En ce qui concerne le calendrier de la réforme, il est évident qu'un « grand soir » est inenvisageable à court terme. Toute réforme paramétrique n'exonère cependant pas d'une réflexion sur une réforme structurelle à plus longue échéance. Enfin, sur la convergence public-privé, une possibilité consisterait à allonger très progressivement la durée sur laquelle est calculé le salaire de référence - actuellement de six mois - dans la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a estimé que la pénibilité du travail ne peut être abordée que de manière globale. Est-il toutefois possible de privilégier une approche individuelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

Evoquant le cas des travailleurs de l'amiante, Mme Sylvie Desmarescaux a insisté sur la difficulté à trouver un juste milieu entre approche collective et approche individuelle. Ces travailleurs ont été classés par métier ou par entreprise afin qu'ils puissent être indemnisés pour les préjudices subis. Or, l'on s'est aperçu a posteriori que certains d'entre eux, pourtant confrontés à l'amiante sur leur lieu de travail, n'ont fait l'objet d'aucune réparation.

Debut de section - Permalien
Didier Blanchet, chef du département des études économiques d'ensemble à l'Insee

a répondu que tout le problème réside dans le choix d'un bon niveau intermédiaire entre une prise en compte trop globale ou trop fine de la pénibilité.

Puis la mission a entendu M. Jacques Bichot, professeur des universités en économie à l'université Jean Moulin (Lyon 3).

Debut de section - Permalien
Jacques Bichot

a tout d'abord observé que la soutenabilité du système français de retraites est plutôt bien assurée sur le plan démographique. Le vieillissement de la population n'est pas en lui-même un problème, dès lors que l'espérance de vie en bonne santé croît parallèlement à l'espérance de vie elle-même. Le système s'équilibrerait assez aisément si cet allongement de l'espérance de vie en bonne santé s'accompagnait parallèlement d'un allongement proportionnel de la durée d'activité.

Même si la France doit faire face à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre, sa natalité actuelle est l'une des plus dynamiques d'Europe, ce qui constitue un atout pour la soutenabilité de son régime d'assurance vieillesse.

En revanche, le système français souffre d'être un patchwork hétéroclite de régimes. Là où la plupart des pays voisins ont réussi à unir l'ensemble de leurs régimes ou au moins à ne plus distinguer qu'entre le régime des salariés du secteur privé et celui des fonctionnaires, la France ne progresse qu'à pas très lents dans la simplification de son régime de retraite. Par ailleurs, le système français, comme tous les systèmes par répartition, est construit sur une opposition complète entre le droit positif et la réalité économique. Du point de vue économique, la retraite par répartition n'est jamais qu'une capitalisation humaine : conformément à ce qu'on peut appeler le théorème de Sauvy, « les enfants d'aujourd'hui sont les retraites de demain ». Il n'y a aucune raison économique de baser les droits à la retraite sur les cotisations vieillesse, ces dernières étant en quelque sorte le dividende que payent les actifs à leurs aînés. C'est un échange entre générations successives ignoré par notre système, ce qui constitue une difficulté pour sa viabilité.

La France pourrait tirer des leçons utiles de certains systèmes étrangers. Ainsi, comme elle, les Etats-Unis ont un système par annuités ; celui-ci présente la caractéristique d'être extrêmement redistributif, puisqu'il offre un rendement très élevé aux personnes disposant des revenus les plus bas. Un salarié modeste peut espérer un taux de remplacement de 70 % lors de la liquidation de sa pension. Le système comporte deux autres tranches, pour lesquelles les taux de rendement sont de plus en plus faibles. Les Etats-Unis sont l'un des rares pays à avoir instauré un système de retraite à la carte avec neutralité actuarielle dans le cadre d'un régime par annuités. L'élément essentiel de ce système est l'absence de mélange entre le nombre d'annuités acquises et l'âge de départ en retraite.

En France, le grand changement apporté par la réforme de 1982 n'a pas été la possibilité de prendre sa retraite à soixante ans, ce mouvement ayant débuté bien plus tôt, mais l'instauration de la décote, qui a modifié les règles en profondeur. Alors que le système de retraite constituait jusqu'alors une fonction à variables séparées, il s'est transformé en une fonction à variables non séparées. Dans un tel modèle, il est particulièrement difficile de contrôler les effets des variations des paramètres, ce qui explique que les réformes entreprises pèsent davantage sur certaines catégories de personnes que sur d'autres sans que cela ait été souhaité au départ.

L'Allemagne, grâce à son système par points, connaît moins de difficultés financières que la France malgré une démographie catastrophique. Il est en effet possible d'ajuster l'équilibre économique du système en modifiant la valeur de service du point.

L'Italie ne constitue certainement pas un exemple à suivre, dans la mesure où l'entrée en vigueur très progressive de la réforme de son système a imposé des ajustements paramétriques très douloureux pendant la période transitoire. En outre, la coexistence de l'ancien et du nouveau système rend le calcul des droits particulièrement complexe.

L'exemple suédois est à la mode, alors même que la transformation du système n'a pas été aussi profonde qu'on le dit parfois. Dès avant la création des comptes notionnels, le régime de retraite suédois comportait une partie contributive et s'apparentait à un système de retraite à la carte avec neutralité actuarielle. La réforme a été facilitée par l'existence d'importantes réserves financières représentant sept années de pensions. Ces réserves équivalent encore aujourd'hui à cinq années de pensions. Toutefois, le système de comptes notionnels, qui est en réalité un système par points, présente un risque de confusion dès lors qu'il est parfois considéré comme un livret d'épargne alors qu'il s'en différencie substantiellement dans son mode de fonctionnement.

Abordant les principes directeurs qui devront inspirer la réforme des retraites, M. Jacques Bichot a estimé que l'unification du système est un objectif important. Alors que le premier article du code de la sécurité sociale pose le principe de la solidarité nationale, la multiplicité des régimes le contredit directement. La réforme devrait par ailleurs permettre de passer à un régime par points, plus lisible et ne conduisant pas à prendre des engagements qui ne peuvent être tenus : pour maintenir l'équilibre du système, il suffit de contrôler la valeur de service du point, sans avoir à revenir sur les conditions dans lesquelles les cotisants ont acquis des droits.

Naturellement, une réforme d'ensemble ne devra pas être rétroactive et la conversion des droits en points ne saurait conduire à la perte des droits acquis avant la réforme. En cas de changement de système, il conviendra de procéder à une liquidation des droits selon les règles anciennes puis à la conversion de la rente en points.

La réforme devrait en outre permettre d'introduire la retraite à la carte avec neutralité actuarielle. Dès lors que les assurés sociaux s'organisent en fonction de leurs intérêts et de ceux de leurs proches, il faut faire en sorte qu'ils aient avantage à prolonger leur activité. La réforme de 1982 a été néfaste parce qu'elle a supprimé la possibilité d'atteindre un taux de remplacement de 100 % en travaillant plus longtemps. Le taux de remplacement a été figé à 50 % au maximum, ce qui revenait à dire aux salariés qu'ils n'avaient aucun intérêt à travailler au-delà de soixante ans. Il est essentiel pour l'avenir que les assurés sociaux trouvent avantage à rester en activité plus longtemps. Une telle évolution aura rapidement des conséquences sur le comportement des employeurs en ce qui concerne l'emploi des seniors.

Une réforme d'ensemble du système nécessite d'être préparée dans de bonnes conditions. A titre d'exemple, il s'est écoulé sept ans entre le vote de la loi posant le principe de la réforme du régime de retraite suédois en 1994 et sa mise en oeuvre en 2001, d'importantes lois techniques de mise en oeuvre ayant été prises entre ces deux dates. La réforme du système français nécessitera sans doute autant de temps, compte tenu de la complexité de son architecture. Le dernier rapport du conseil d'orientation des retraites (Cor) montre qu'une transition assez rapide en cas de changement de système est préférable à une évolution étalée sur très longue période.

En ce qui concerne la prise en compte de la pénibilité des emplois, il convient de distinguer les situations anciennes, pour lesquelles la solidarité nationale est seule à pouvoir intervenir, et les situations actuelles, pour lesquelles la pénibilité doit être prise en compte dans le coût du travail et non assurée par la collectivité. Cette prise en charge pourrait prendre notamment la forme de fonds de pension abondés par les employeurs qui permettraient aux salariés ayant exercé des emplois pénibles de partir plus tôt en retraite en bénéficiant d'une rente issue du fonds de pension avant que le régime général prenne le relais.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a insisté sur la nécessaire simplification de l'architecture du système de retraite. Vingt-deux régimes de base adhèrent au GIP inforetraite, mais il y en a bien davantage en réalité, tandis que le nombre de régimes complémentaires serait voisin de mille. Cette situation inextricable pose de multiples difficultés pour les polypensionnés qui doivent s'adresser à plusieurs caisses ne communiquant pas entre elles. Naturellement, une unification des régimes poserait la question de la gouvernance du système, la Cnav étant un régime semi-public alors que les régimes complémentaires sont gérés par les partenaires sociaux. Par ailleurs, qu'entend-on exactement par retraite avec neutralité actuarielle ? Enfin, serait-il opportun de mettre en place au sein du régime obligatoire une part de capitalisation, conformément à ce qui a été fait en Suède ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

a observé que la proposition consistant à faire dépendre le montant de la retraite de l'âge du départ se heurte au fait qu'un grand nombre de salariés ne choisissent pas le moment de leur cessation d'activité et que le taux d'emploi des seniors est particulièrement faible en France. Par ailleurs, en quoi consiste le « complément de ressources » qui pourrait être attribué aux personnes les plus démunies dans le cadre d'un changement de système de retraite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

a demandé des précisions sur la garantie de pension susceptible d'être accordée aux plus modestes en cas de passage à un système par points. A propos de la prise en compte de la pénibilité dans les revenus du travail, elle a constaté que tel n'a pas été le cas pour un grand nombre de salariés jusqu'à présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

s'est également enquis du type de garantie qui pourrait être accordée aux plus modestes en cas de changement de système de retraite. Dès lors qu'il existe aujourd'hui une tendance au tassement du niveau des salaires et des retraites, qui se traduit par un durcissement des négociations salariales, la pénibilité ne va-t-elle pas devenir une variable d'ajustement, le départ en retraite à soixante ans risquant d'être réservé à ceux qui ont exercé des emplois pénibles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

s'est interrogé sur les conditions d'évolution de la valeur du point dans un système utilisant cette base de calcul.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

a souhaité avoir des précisions sur la distinction entre les situations anciennes de pénibilité et les situations actuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a demandé si la mise en place d'une grille d'évaluation de la pénibilité est envisageable, si l'on sait les raisons du faible taux d'emploi des seniors en France et, enfin, si le système de retraite serait aujourd'hui équilibré dans l'hypothèse où aurait été maintenue en 1982 la possibilité d'obtenir un taux de remplacement de 100 % en travaillant plus longtemps.

Debut de section - Permalien
Jacques Bichot

a tout d'abord relevé que la simplification du système et l'amélioration de sa gouvernance pourraient avoir des effets extrêmement positifs sur le niveau des frais de gestion. La fusion de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), de l'association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres (Agirc) et de l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco) pourrait, à titre d'exemple, permettre d'économiser 1,5 milliard d'euros chaque année, dans la mesure où les frais de gestion sont proportionnels au nombre d'affiliés et où le même travail est fait dans le régime de base et les régimes complémentaires pour chaque assuré. L'Arrco a unifié ses différents régimes en 1999 sans difficulté majeure. La méthode utilisée à l'époque pourrait être reprise pour aller plus loin dans la simplification du système. Naturellement, une telle évolution devrait se faire en mettant en commun l'ensemble des ressources sans rechercher l'équilibre de chacun des régimes faisant l'objet de l'unification. Le dialogue actuel entre l'Arrco et l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec) n'est pas une illustration satisfaisante du principe de la solidarité nationale.

Par ailleurs, il est souhaitable à l'avenir de distinguer le rôle du législateur de celui des gestionnaires du système de retraite. Il ne devrait pas revenir au législateur d'intervenir sur les paramètres du système comme il le fait aujourd'hui. Cette tâche devrait en effet relever des gestionnaires, le législateur devant se concentrer sur l'établissement des règles et conditions de fonctionnement du régime.

La neutralité actuarielle est un principe d'équivalence entre les contributions et les prestations. Les pays qui ont étudié le plus attentivement les différences d'espérance de vie entre les individus - en fonction du sexe, des catégories socioprofessionnelles...- sont aussi ceux qui ont choisi de mettre en oeuvre la neutralité actuarielle, faisant comme si tous les individus avaient la même espérance de vie.

La capitalisation obligatoire ne constitue pas l'un des éléments déterminants du système institué en Suède. La France a mis en place les plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco) et doit continuer à les développer. Toute création d'un nouvel outil implique des frais de gestion importants. Ainsi, il existe de très nombreux plans d'épargne retraite populaires (Perp) sur lesquels ne sont déposées que des sommes très modestes.

La création d'un régime additionnel de la fonction publique a été une grave erreur dans la perspective d'un rapprochement public-privé, dans la mesure où elle rend plus difficile la prise en compte des primes dans le calcul de la retraite des fonctionnaires. Que deviendront ce régime et les fonds qui l'ont abondé dans l'hypothèse d'un véritable rapprochement des régimes ? Cette réforme avait été conçue pour favoriser l'unification, mais aboutit à l'effet inverse par la création d'un nouveau régime.

Il est incontestable que tous les salariés ne choisissent pas le moment de leur cessation d'activité. La France a un taux d'emploi des seniors très faible, même s'il progresse légèrement. L'expérience de certains pays, notamment de la Finlande qui a connu une augmentation spectaculaire de son taux d'emploi des seniors, montre que cette situation n'est pas inéluctable. La réforme de l'emploi et celle des retraites doivent être conduites conjointement.

En ce qui concerne le complément de ressources ou garantie de pension qui pourrait être mis en place en cas de passage à un régime par points, il consisterait à attribuer aux personnes n'ayant pas gagné des droits contributifs à pension suffisants pour vivre décemment durant leur retraite un complément de ressources sous la forme d'une allocation. Afin de maintenir l'incitation à acquérir des droits, l'allocation diminuerait en proportion du montant de la pension contributive, sans que, à partir d'un certain seuil, une augmentation de la pension contributive puisse entraîner une hausse de la pension totale inférieure à 50 % de l'augmentation de la pension contributive.

La pénibilité ne peut être prise en compte de la même manière pour le passé et pour l'avenir. Certaines personnes ont connu des situations de pénibilité qui ne peuvent plus être supportées par les entreprises concernées, parce que ces situations sont trop anciennes ou que l'entreprise n'existe plus. Seule la solidarité nationale peut en conséquence intervenir. En revanche, pour l'avenir, les postes de travail ou métiers pénibles doivent être mieux rémunérés que les autres.

Dans un système par points, il est possible d'envisager des formules complexes d'ajustement automatique de la valeur de service du point. Il reste qu'en cas de difficulté économique grave, les gestionnaires du système doivent pouvoir reprendre la main, comme cela a été le cas en Suède lorsqu'est intervenue la crise économique. Pour que le système par points fonctionne dans les meilleures conditions, il serait logique que les ajustements de la valeur de service du point jouent plus fortement sur les jeunes retraités, encore susceptibles de reprendre une activité, que sur les autres.

L'amélioration du taux d'emploi des seniors implique un changement de mentalité, en rupture avec celle qui a convaincu les salariés qu'un départ précoce rendait service aux jeunes générations, et les employeurs que le bon moyen de réduire les effectifs était de se séparer prioritairement des personnes les plus âgées. Il conviendrait par ailleurs de remettre en cause l'idée que les salaires suivent nécessairement une courbe toujours croissante au cours de la carrière.

Enfin, il est difficile de savoir comment aurait évolué l'équilibre du système de retraite sans introduction du plafonnement du taux de remplacement en 1982. Il faudrait en effet intégrer dans les modèles de projections économiques des éléments relatifs aux réactions comportementales aux décisions prises.

Debut de section - Permalien
Raoul Briet

Enfin, la mission a entendu M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites (FRR).

a d'abord évoqué la question de la soutenabilité financière des régimes de retraite en rappelant les deux séries de mesures prises au cours des dernières années pour neutraliser l'impact des évolutions mettant à mal la réalisation de cet objectif : l'accroissement de la durée d'assurance, mis en place par la réforme de 2003, afin de faire face à l'allongement de l'espérance de vie ; l'institution du fonds de réserve pour les retraites (FRR) destiné à absorber le choc démographique du baby-boom jusque dans les années 2030-2035. Or, malgré ces décisions, le système des retraites reste déséquilibré. En effet, le régime général a été doublement affecté sur la même période, par l'adoption de la mesure permettant le départ en retraite anticipé pour carrière longue, qui a pesé lourdement sur ses comptes, et par l'affaiblissement des recettes lié à la crise de 2008 dont on peut craindre que les effets perdurent quelque temps.

Une autre raison du déséquilibre résulte du fait que les paris effectués sur l'avenir, en 1998 et en 2003, ne se sont pas réalisés. Dans les deux cas, en effet, des erreurs ont été commises dans les hypothèses retenues puisque le cercle vertueux d'une croissance forte entraînant une baisse du chômage et la hausse des recettes du fonds de solidarité vieillesse (FSV) ou de l'Unedic, qui était techniquement cohérent, s'est révélé inexact dans la réalité. Ce double échec a pour conséquence une baisse très nette du crédit attaché par les assurés au système de retraite. Le déficit de crédibilité du système actuel, notamment pour les jeunes générations, est d'ailleurs l'un de ses principaux problèmes. Il est donc indispensable que tout nouveau scénario soit bâti sur des hypothèses réalistes et prudentes.

La question de l'équité du système de retraite est importante mais elle ne doit pas reposer sur l'idée que les différences entre les divers régimes n'ont aucune légitimité, par exemple entre les régimes de salariés et de non salariés ou entre les secteurs public et privé. Ainsi, dans le cas du secteur public, il s'agit d'un système de retraite d'employeur, alors que dans le secteur privé, le régime est construit sur une base interprofessionnelle. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille s'en tenir au statu quo. On ne peut cependant pas tout régler à travers un système de retraite, que ce soient les inégalités hommes-femmes, les écarts de salaires ou la compensation de la pénibilité. Un régime de retraite a en effet pour vocation première d'accorder aux personnes qu'il couvre un revenu décent, pérenne et en rapport avec les revenus d'activité.

Sur le sujet du rapprochement entre les régimes des secteurs public et privé, la situation a évolué depuis 2003, plusieurs mesures ayant été prises en ce sens. Trois points d'écart principaux subsistent néanmoins : le niveau de l'effort contributif, aussi bien des employeurs que des salariés ; l'âge minimal de départ en retraite, notamment dans les régimes spéciaux où il est parfois sensiblement inférieur à ce qui existe dans le secteur privé ; le calcul de la pension liquidée sur la base des six derniers mois, dans le public, ou des vingt-cinq meilleures années dans le privé. Sur ce dernier point, il faut se garder de jugements trop rapides car la comparaison ne peut être complète que si la base de calcul prise en compte est bien la même dans les deux cas. En effet, dans le secteur public, seul le traitement indiciaire est retenu, ce qui exclut un certain nombre de primes du calcul de la pension : si la totalité de la rémunération était prise en compte, les différences observées seraient sans doute moins manifestes et moins choquantes. Le gain budgétaire pour l'Etat d'un changement du mode de calcul mériterait aussi d'être étudié de façon plus précise et il pourrait s'avérer moins important que certains ne l'envisagent.

L'opposition entre réforme systémique et réforme paramétrique présente un certain nombre de limites. S'il est vrai que le terme « paramétrique » a acquis une connotation péjorative, il ne signifie pas pour autant qu'une telle réforme se cantonne à une partie du problème et à quelques années. A l'inverse, un changement de système n'a pas forcément pour effet de rééquilibrer les comptes. Il est donc plus intéressant de se pencher sur le contenu des réformes, la plupart des pays procédant par des adaptations de leur système ; seules l'Italie et la Suède ont choisi un bouleversement de leur régime de retraite mais sur une longue période.

Les régimes par points ou en comptes notionnels ont certainement plusieurs avantages : l'équité entre les générations est mieux assurée ; la redistribution envers certaines catégories, telles que les bas salaires, les femmes, les métiers pénibles, peut être mise en oeuvre de façon plus ciblée et plus pertinente ; l'instauration d'un régime unique est plus simple. Cependant, ils ont la caractéristique d'être des régimes à cotisations définies et non à prestations définies. Or, en France, l'objectif recherché à titre principal est celui du niveau et de la stabilité du taux de remplacement, le taux de cotisation étant moins figé. En Suède, la mise en place de la réforme du système de retraite a, en outre, été permise par un fort consensus politique mais aussi par une situation financière favorable du régime qui disposait de réserves. Ce régime était également moins façonné par le poids de l'histoire que le système français, dont l'architecture compliquée a parfois des origines très anciennes.

Les besoins de financement du système de retraite français sont réels et bien supérieurs à ce qu'une mesure modifiant l'âge de départ en retraite peut rapporter. Les projections du Cor, qui seront rendues publiques en avril, devraient montrer qu'une action dans cette seule direction est insuffisante pour rééquilibrer le système. Or, si l'on ne veut pas toucher au niveau des pensions, la seule variable restante est celle des recettes du régime, au nombre desquelles figure le FRR. Celui-ci dispose actuellement d'environ 33 milliards d'euros mais la loi interdit qu'ils soient décaissés avant 2020. Le dernier conseil de surveillance du FRR a d'ailleurs rappelé les règles applicables à cet organisme : il s'agit d'un outil temporaire devant contribuer au financement des retraites massives des personnes nées après la guerre ; il a été construit sur la base de choix stratégiques de long terme, avec environ vingt années d'accumulation puis, à partir de 2020, vingt années de décaissements ; en aucun cas, il ne peut se substituer à un rééquilibrage du système par des leviers permanents. En effet, lorsque les concours du FRR s'éteindront, vers 2040, la pérennité du régime devra avoir été assurée. Toutefois, dans l'analyse en cours, avec un horizon technique à 2050, le FRR est indéniablement un élément à prendre en compte, mais comme complément et non comme élément de substitution. En tout état de cause, à court terme, il est important de ne pas modifier les règles initialement posées et, en particulier, de ne pas utiliser les ressources du FRR plus vite que prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a jugé important que soit ainsi rappelée la finalité du FRR. Il est convenu qu'une réforme systémique ne pourra apporter, à elle seule, la solution aux problèmes de financement actuels. La question préalable est sans doute aujourd'hui de définir la part de la richesse nationale que l'on souhaite affecter aux pensions, en la mettant en regard de ce que la collectivité pourra consacrer au vieillissement d'une façon plus globale (santé, dépendance, etc.). Il conviendra aussi d'avancer dans la voie de l'harmonisation des règles entre les différents régimes. Dans ce contexte, est-il réaliste de croire que l'on pourra faire face aux déséquilibres financiers actuels par de simples évolutions paramétriques ? Les systèmes par points n'ont-ils pas, de ce point de vue, l'avantage de permettre un pilotage à la fois plus transparent et plus proche de la réalité ?

Debut de section - Permalien
Raoul Briet

a estimé difficile de mener de front une réforme de l'architecture et une réforme des paramètres du système de retraite ; seule une mise en oeuvre séquentielle et non simultanée de ces réformes paraît pouvoir être envisagée. La vraie question est en fait de savoir si, en adoptant un régime de comptes notionnels ou par points, on souhaite réellement mettre en place un système unique, commun à tous les Français. Par ailleurs, à quel niveau de taux de remplacement veut-on positionner ce régime ? Les conséquences seraient en effet très différentes entre un objectif de taux de remplacement de 70 % et un objectif de 30 % ; dans ce dernier cas, envisagerait-on un complément et lequel ?

D'une manière générale, il parait extrêmement difficile, dans un pays comme la France, de faire table rase du passé ; un processus de rapprochement entre les régimes semble plus réaliste qu'une réforme systémique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

a reconnu le poids de l'histoire dans le modèle français, ce qui, pour autant, n'interdit pas les évolutions. Dans la situation actuelle, une des questions centrales est celle de la durée de cotisation ; comment peut-on la prendre en compte avec une entrée relativement tardive sur le marché du travail, qui semble aujourd'hui stabilisée vers vingt-trois/vingt-cinq ans, et un taux d'emploi des seniors plutôt faible ? Comment, par ailleurs, peut-on concilier une approche contributive avec un souci redistributif ?

Debut de section - Permalien
Raoul Briet

a rappelé que le système français est plutôt généreux pour l'acquisition de trimestres de cotisation. Il procure un niveau relatif de retraite qui soutient la comparaison avec celui des actifs. Il comporte des forces de rappel et d'adaptation qui ont permis d'éviter la paupérisation des retraités. En matière d'emploi des seniors, plusieurs mesures ont été prises récemment, les outils existent donc, mais les évolutions ne pourront être sensibles que sur la durée. La situation française a une particularité liée à l'âge repère symbolique de soixante ans, alors que dans la plupart des pays voisins, cet âge est de soixante-cinq ans. Il en résulte une difficulté pour accroître le taux d'emploi dans la tranche des soixante/soixante-cinq ans car il existe une forte interaction entre la politique de l'emploi suivie par les entreprises et les âges minima fixés par la loi.

L'économie et la société sont soumises à plus de mouvement et de fluidité qu'il y a quelques années, ce qui se traduit par des parcours professionnels beaucoup plus variés et divers. Il est dès lors plus difficile d'attacher des droits spécifiques à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a fait observer que le modèle de carrière linéaire des anciennes générations fait désormais place à un très fort émiettement du travail, à des conditions de rémunération plus difficiles et surtout à une explosion de la précarité. Le problème des travailleurs et des retraités pauvres est-il une réalité plus marquée qu'au cours des périodes antérieures ?

Debut de section - Permalien
Raoul Briet

a reconnu que le très net allongement de la durée de la retraite pose des problèmes nouveaux. Les statistiques fournissent des moyennes mais il est évident que les situations ne sont pas les mêmes pour des retraités de soixante ou de quatre-vingt-dix ans. Certaines personnes ont effectivement plus de difficultés aujourd'hui, en particulier les personnes seules très âgées qui sont d'ailleurs le plus souvent des femmes. Pour les travailleurs pauvres, il est probable que le système trouvera les solutions et proposera des correctifs lorsque cela sera nécessaire. En réalité, le vrai souci est celui des jeunes générations car elles ont le sentiment d'être mal traitées par le système, de devoir payer pour des retraites dont le même niveau ne leur sera pas garanti demain. Il est impératif de redonner du crédit au système en s'adressant notamment aux jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

s'est inquiété de la perspective du remplacement de la lutte des classes par la lutte des générations. Les projections économiques à l'horizon 2040 ou 2050 ne peuvent être crédibles, c'est pourquoi il paraît préférable de privilégier l'adaptation du système par la voie du dialogue social. L'allongement de l'espérance de vie ne devrait pas être dramatisé car il s'agit d'un phénomène heureux ; il intervient parallèlement à l'évolution du modèle familial, dont la clé de voûte est aujourd'hui la génération en fin d'activité professionnelle. La société se transforme en permanence et l'arrêt de l'activité professionnelle ne signifie nullement la fin de l'activité économique ou sociale. Il y a donc un choix de société à faire qui ne pourra se construire que par le dialogue social. Le problème des retraites trouvera alors sa solution, au-delà des seules réponses techniques et financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

a souhaité connaître les effets pervers ou bénéfiques d'une modification de l'âge légal minimal de soixante ans, compte tenu de l'attachement de la population à ce repère.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

après avoir relevé le caractère optimiste des propos de Raoul Briet, a demandé si une hausse des cotisations ne serait pas tout de même nécessaire au regard de l'analyse développée sur les trois séries de paramètres disponibles pour rééquilibrer le système.

Debut de section - Permalien
Raoul Briet

a estimé important de ne pas tenir des propos alarmistes. En revanche, il est sans doute urgent de redonner de la crédibilité au système et de tenir un discours très affirmé en direction des jeunes générations car il en va aujourd'hui du maintien du pacte social. Les paramètres disponibles sont, outre l'âge de départ en retraite et la durée de cotisation, le niveau des pensions et les recettes. Une moindre revalorisation des pensions est envisageable surtout si l'on décide d'augmenter les cotisations ; elle interviendrait alors dans le souci d'équilibrage intergénérationnel et de répartition des efforts. En matière de recettes, plusieurs instruments existent : le taux des cotisations mais aussi la remise en cause de certaines exonérations de charges ou niches sociales. Il sera difficile de ne pas mobiliser certains de ces instruments ; le FRR devra toutefois rester un élément accessoire dans cet ensemble.