Intervention de Raoul Briet

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 16 février 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Audition de M. Raoul Briet président du conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites frr

Raoul Briet :

Enfin, la mission a entendu M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites (FRR).

a d'abord évoqué la question de la soutenabilité financière des régimes de retraite en rappelant les deux séries de mesures prises au cours des dernières années pour neutraliser l'impact des évolutions mettant à mal la réalisation de cet objectif : l'accroissement de la durée d'assurance, mis en place par la réforme de 2003, afin de faire face à l'allongement de l'espérance de vie ; l'institution du fonds de réserve pour les retraites (FRR) destiné à absorber le choc démographique du baby-boom jusque dans les années 2030-2035. Or, malgré ces décisions, le système des retraites reste déséquilibré. En effet, le régime général a été doublement affecté sur la même période, par l'adoption de la mesure permettant le départ en retraite anticipé pour carrière longue, qui a pesé lourdement sur ses comptes, et par l'affaiblissement des recettes lié à la crise de 2008 dont on peut craindre que les effets perdurent quelque temps.

Une autre raison du déséquilibre résulte du fait que les paris effectués sur l'avenir, en 1998 et en 2003, ne se sont pas réalisés. Dans les deux cas, en effet, des erreurs ont été commises dans les hypothèses retenues puisque le cercle vertueux d'une croissance forte entraînant une baisse du chômage et la hausse des recettes du fonds de solidarité vieillesse (FSV) ou de l'Unedic, qui était techniquement cohérent, s'est révélé inexact dans la réalité. Ce double échec a pour conséquence une baisse très nette du crédit attaché par les assurés au système de retraite. Le déficit de crédibilité du système actuel, notamment pour les jeunes générations, est d'ailleurs l'un de ses principaux problèmes. Il est donc indispensable que tout nouveau scénario soit bâti sur des hypothèses réalistes et prudentes.

La question de l'équité du système de retraite est importante mais elle ne doit pas reposer sur l'idée que les différences entre les divers régimes n'ont aucune légitimité, par exemple entre les régimes de salariés et de non salariés ou entre les secteurs public et privé. Ainsi, dans le cas du secteur public, il s'agit d'un système de retraite d'employeur, alors que dans le secteur privé, le régime est construit sur une base interprofessionnelle. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille s'en tenir au statu quo. On ne peut cependant pas tout régler à travers un système de retraite, que ce soient les inégalités hommes-femmes, les écarts de salaires ou la compensation de la pénibilité. Un régime de retraite a en effet pour vocation première d'accorder aux personnes qu'il couvre un revenu décent, pérenne et en rapport avec les revenus d'activité.

Sur le sujet du rapprochement entre les régimes des secteurs public et privé, la situation a évolué depuis 2003, plusieurs mesures ayant été prises en ce sens. Trois points d'écart principaux subsistent néanmoins : le niveau de l'effort contributif, aussi bien des employeurs que des salariés ; l'âge minimal de départ en retraite, notamment dans les régimes spéciaux où il est parfois sensiblement inférieur à ce qui existe dans le secteur privé ; le calcul de la pension liquidée sur la base des six derniers mois, dans le public, ou des vingt-cinq meilleures années dans le privé. Sur ce dernier point, il faut se garder de jugements trop rapides car la comparaison ne peut être complète que si la base de calcul prise en compte est bien la même dans les deux cas. En effet, dans le secteur public, seul le traitement indiciaire est retenu, ce qui exclut un certain nombre de primes du calcul de la pension : si la totalité de la rémunération était prise en compte, les différences observées seraient sans doute moins manifestes et moins choquantes. Le gain budgétaire pour l'Etat d'un changement du mode de calcul mériterait aussi d'être étudié de façon plus précise et il pourrait s'avérer moins important que certains ne l'envisagent.

L'opposition entre réforme systémique et réforme paramétrique présente un certain nombre de limites. S'il est vrai que le terme « paramétrique » a acquis une connotation péjorative, il ne signifie pas pour autant qu'une telle réforme se cantonne à une partie du problème et à quelques années. A l'inverse, un changement de système n'a pas forcément pour effet de rééquilibrer les comptes. Il est donc plus intéressant de se pencher sur le contenu des réformes, la plupart des pays procédant par des adaptations de leur système ; seules l'Italie et la Suède ont choisi un bouleversement de leur régime de retraite mais sur une longue période.

Les régimes par points ou en comptes notionnels ont certainement plusieurs avantages : l'équité entre les générations est mieux assurée ; la redistribution envers certaines catégories, telles que les bas salaires, les femmes, les métiers pénibles, peut être mise en oeuvre de façon plus ciblée et plus pertinente ; l'instauration d'un régime unique est plus simple. Cependant, ils ont la caractéristique d'être des régimes à cotisations définies et non à prestations définies. Or, en France, l'objectif recherché à titre principal est celui du niveau et de la stabilité du taux de remplacement, le taux de cotisation étant moins figé. En Suède, la mise en place de la réforme du système de retraite a, en outre, été permise par un fort consensus politique mais aussi par une situation financière favorable du régime qui disposait de réserves. Ce régime était également moins façonné par le poids de l'histoire que le système français, dont l'architecture compliquée a parfois des origines très anciennes.

Les besoins de financement du système de retraite français sont réels et bien supérieurs à ce qu'une mesure modifiant l'âge de départ en retraite peut rapporter. Les projections du Cor, qui seront rendues publiques en avril, devraient montrer qu'une action dans cette seule direction est insuffisante pour rééquilibrer le système. Or, si l'on ne veut pas toucher au niveau des pensions, la seule variable restante est celle des recettes du régime, au nombre desquelles figure le FRR. Celui-ci dispose actuellement d'environ 33 milliards d'euros mais la loi interdit qu'ils soient décaissés avant 2020. Le dernier conseil de surveillance du FRR a d'ailleurs rappelé les règles applicables à cet organisme : il s'agit d'un outil temporaire devant contribuer au financement des retraites massives des personnes nées après la guerre ; il a été construit sur la base de choix stratégiques de long terme, avec environ vingt années d'accumulation puis, à partir de 2020, vingt années de décaissements ; en aucun cas, il ne peut se substituer à un rééquilibrage du système par des leviers permanents. En effet, lorsque les concours du FRR s'éteindront, vers 2040, la pérennité du régime devra avoir été assurée. Toutefois, dans l'analyse en cours, avec un horizon technique à 2050, le FRR est indéniablement un élément à prendre en compte, mais comme complément et non comme élément de substitution. En tout état de cause, à court terme, il est important de ne pas modifier les règles initialement posées et, en particulier, de ne pas utiliser les ressources du FRR plus vite que prévu.

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