Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 juin 2006 : 1ère réunion
Loi de finances — Débat d'orientation budgétaire - communication

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Avant d'aborder le premier objectif, M. Philippe Marini, rapporteur général, a tenu à prendre ses distances avec le « scénario catastrophe » que constituaient, selon lui, les analyses issues du rapport Pébereau prévoyant une dette pouvant atteindre 400 % du produit intérieur brut (PIB) en 2050, ce qui lui semblait totalement invraisemblable. Il a indiqué qu'un « scénario de crise » lui paraissait plus réaliste, avec un déficit public de 3 points de PIB chaque année, qui porterait la dette publique au niveau de 74 % du PIB en 2050. Il a expliqué que, si la dette publique augmentait mécaniquement chaque année du montant du déficit public, en sens inverse, le ratio dette publique/PIB tendait spontanément à diminuer du fait de la croissance du PIB.

a précisé qu'il fallait ne pas céder à la facilité d'un endettement « au fil de l'eau », c'est-à-dire éviter de maintenir les choses en l'état, et qu'il était donc nécessaire de restaurer, s'agissant des dépenses, les marges de manoeuvre de l'Etat, qui sont actuellement, avec 1 milliard d'euros, trop fortement réduites par le paiement des intérêts de la dette et les charges de personnel.

Il a toutefois relevé que le bilan de la présente législature était loin d'être négligeable. Ainsi, il a indiqué que, malgré une action structurelle insuffisante sur les effectifs, les dépenses de l'Etat avaient été stabilisées en volume. Il a précisé que ce bilan trouvait ses limites au niveau des comptes sociaux encore insuffisamment maîtrisés en dépit d'un « premier coup d'arrêt » porté à leur dégradation. Enfin, il a souligné que sur les dix milliards d'euros d'économies à faire à échéance de 2011, un quart provenait de mesures relatives aux dépenses sociales à porter au crédit de l'actuelle législature.

En ce qui concerne les programmes de stabilité transmis par la France à la Commission européenne, M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que, chaque année, le nouveau programme de stabilité décalait d'une année la trajectoire d'ajustement des programmes précédents, et entamait ainsi leur crédibilité. Il a précisé que les programmes de stabilité intégraient des hypothèses non tenables et qu'en l'absence de mesures destinées à réduire la croissance des dépenses des administrations publiques, cette croissance était toujours très supérieure à celle programmée, ce qui expliquait le décalage récurrent.

Le rapporteur général a ensuite abordé les enjeux de la prochaine législature, en soulignant que différents scénarios d'évolution du solde et de la dette publics étaient envisageables :

- le scénario de prolongation des tendances passées, dans lequel, sans nouvelles mesures de politique économique, la croissance de la dépense publique évolue comme le PIB ;

- le scénario du gouvernement, qui prévoit un retour à l'équilibre en 2010. Le rapporteur général a indiqué qu'il considérait ce scénario comme excessif. D'un point de vue macroéconomique, il s'est posé la question de savoir s'il était indispensable d'annuler totalement le déficit budgétaire en 2011. En effet, il a estimé que le niveau optimum de dettes se situait entre 30 et 40 % du PIB, et qu'il n'était pas nécessaire de parvenir, à long terme, à un ratio inférieur ;

- le rapporteur général a enfin abordé les perspectives élaborées par la commission des finances, en précisant qu'il était nécessaire de se fixer des objectifs ambitieux et réalistes. Il a indiqué que l'objectif de long terme était, selon lui, de ramener la dette publique à 40 % du PIB en 2030, et que pour atteindre ce chiffre, un objectif de moyen terme était de ramener le déficit public de 2,9 % du PIB en 2005 (60 milliards d'euros) à 1 % du PIB en 2011 (20 milliards d'euros), pour le maintenir ensuite à ce niveau. Il a précisé que ce dernier objectif s'entendait en termes de déficit structurel, c'est-à-dire corrigé des effets de la conjoncture économique.

Il a encore précisé que l'objectif proposé faisait reposer les efforts essentiellement sur l'Etat et la Sécurité sociale, la structure des collectivités territoriales ne permettant pas d'envisager de tels efforts.

Le rapporteur général a ensuite indiqué que, pour arriver à l'objectif d' 1 % de PIB de déficit en 2011, le volume d'amélioration du solde budgétaire devait aboutir à 40 milliards d'euros d'économies tant en dépenses qu'en recettes. Il a précisé que, compte tenu des 10 milliards d'euros acquis au cours de l'actuelle législature et découlant essentiellement de la réforme structurelle de l'assurance maladie, restaient à trouver 30 milliards d'euros d'économies nouvelles.

a ensuite indiqué que l'enjeu majeur, pour l'Etat, était de maîtriser sa masse salariale. Il a souligné que les effectifs et partant, le coût du personnel en place, augmentaient chaque année et que l'évolution de la rémunération moyenne de ce personnel avait ainsi toujours été supérieure à 3 % de 1995 à 2006. Il a précisé que ces dépenses, en 2006, représentaient 118 milliards d'euros, soit 44,4 % de la dépense totale de l'Etat. Il a ajouté que, dans le cas d'un remplacement d'un fonctionnaire partant sur deux, la baisse de l'emploi public atteindrait 8 %, soit une diminution annuelle de 5 milliards d'euros.

Le rapporteur général a estimé qu'une nouvelle stratégie de pilotage de la masse salariale était nécessaire et que, si la politique de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux entraînait une baisse de 190.000 fonctionnaires d'ici à 2011, dont la moitié à l'Education nationale, l'essentiel était de mieux articuler la modernisation des administrations et la réduction des effectifs. Il a estimé que des accords sectoriels dans la fonction publique devraient intervenir. Il a enfin souligné l'intérêt de mener une politique qualitative, et pas seulement quantitative.

a ajouté qu'en matière d'administrations de sécurité sociale, des économies étaient également possibles et qu'un effort de 9 milliards d'euros pouvait être fait d'ici à 2011, particulièrement en responsabilisant financièrement les assurés sociaux.

Il a enfin estimé qu'il était nécessaire de mettre fin à la pratique des allègements fiscaux non compensés par des diminutions à due concurrence des dépenses, ce qui devrait permettre de dégager près de 10 milliards d'euros en cinq ans.

Il a ajouté que, parallèlement aux économies réalisées, des augmentations de dépenses étaient inéluctables, notamment en raison de la hausse des taux d'intérêt. Il a souligné que l'hypothèse d'une augmentation de 70 points de base entraînerait une aggravation de 5 milliards de la charge de la dette d'ici à 2011, indiquant à cet égard le caractère insuffisamment étayé sur ce point des prévisions du gouvernement.

a enfin souligné que si certaines réformes se révélaient difficiles à appliquer, il fallait songer à mettre en oeuvre une nouvelle stratégie fiscale de nature à assurer une augmentation du rendement des impôts et des contributions sociales permettant de trouver dix à douze milliards d'euros de recettes supplémentaires. A cet égard, la piste la plus intéressante pour dynamiser le système fiscal et rendre les entreprises plus compétitives était la TVA « sociale ».

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