Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat auprès du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, chargé des transports, sur le projet de loi n° 501 (2007-2008) relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.
Après avoir salué la présence de M. Hubert Haenel, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a souligné que le projet de loi s'inscrivait dans le cadre des directives européennes relatives au transport ferroviaire qu'il transpose dans le droit français. Ainsi, après l'ouverture à la concurrence des services de fret le 31 mars 2006, en conséquence de la directive 2004/51/CE, la libéralisation du transport ferroviaire se poursuit et le 13 décembre 2009, les services de transports internationaux de voyageurs devraient être ouverts à la concurrence.
a estimé que la libéralisation du secteur ferroviaire était un facteur de progrès : jusqu'aux difficultés économiques actuelles, l'ouverture du transport de fret à la concurrence a entraîné une augmentation du trafic ; une croissance similaire du transport ferroviaire de voyageurs peut être attendue.
Après avoir souhaité que cette ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence se fasse dans des conditions équilibrées et transparentes, il a noté que le projet de loi avait pour objet de mettre en place un dispositif de régulation efficace, garantissant à tous les opérateurs un accès non discriminatoire au réseau ferroviaire : la Commission de régulation des activités ferroviaires (CRAF).
a ensuite explicité les fonctions et les pouvoirs de la commission, prévus par le projet de loi. La commission devrait ainsi disposer d'un pouvoir de régulation, d'investigation et de sanction. Sa fonction principale devrait être de vérifier que toutes les entreprises ferroviaires accèdent au réseau en toute égalité. Elle traiterait les plaintes des différents acteurs du secteur et pourrait prendre l'initiative d'enquête et d'investigation. Lui serait attribué un pouvoir de sanction en cas de manquement, avec un droit de saisine largement ouvert aux acteurs du secteur. Enfin, elle serait consultée sur tous les textes réglementaires ferroviaires et pourrait donner un avis sur les tarifs des services de transport de voyageurs, lorsque ceux-ci sont effectués en monopole. Elle serait également une force de proposition en matière de réglementation.
Son organisation devrait être comparable à celle de la Commission de Régulation de l'Energie (CRE), avec un collège de 7 commissaires non révocables, nommés pour 6 ans, ainsi que de services administrés par un secrétaire général. Son effectif total devrait être d'environ 60 personnes et son budget de 8 millions d'euros.
a souligné que cette commission devrait jouer un rôle-clef au sein du nouveau paysage ferroviaire, souhaitant qu'elle ne se limite pas à ses activités de contrôle et de sanction et qu'elle dynamise le secteur et l'activité ferroviaire.
Il a attiré l'attention de la commission sur l'article 2 du projet de loi, qui prévoit la création d'opérateurs ferroviaires de proximité, afin de relancer l'offre locale de transport de fret, là où certaines lignes sont menacées de fermeture. Afin d'optimiser les moyens techniques et humains, RFF pourrait ainsi confier à l'un de ces opérateurs la gestion et l'entretien de l'infrastructure sur des lignes à faible trafic, réservées au transport de marchandises. Cela devrait permettre de répondre aux attentes fortes des acteurs économiques, qui veulent une offre ferroviaire compétitive et fiable, adaptée aux envois par lots de wagons, afin de drainer des flux diffus et diversifiés vers les opérateurs de « longue distance ».
a souligné que les opérateurs ferroviaires de proximité devraient être un outil puissant pour développer dans nos ports le transport ferroviaire, en amont et en aval.
a indiqué que le projet de loi comportait d'autres dispositions relatives au secteur ferroviaire, notamment une disposition permettant à l'Etat et à d'autres personnes publiques, comme RFF, d'avoir accès aux informations économiques et aux données de trafic nécessaires à la conduite de leurs études et à l'élaboration de leurs nouveaux projets ; une disposition relative à l'interopérabilité, permettant la reconnaissance mutuelle des matériels et facilitant l'accès au réseau français des locomotives, wagons et voitures circulant déjà dans un autre pays européen ; des dispositions précisant les modalités d'ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs ; des dispositions définissant les relations entre le gestionnaire d'infrastructure et les entreprises ferroviaires, notamment en tenant compte de l'arrivée de nouveaux gestionnaires dans le cadre des contrats de partenariat ; et enfin, des mesures précisant la composition du conseil d'administration de RFF et validant ses décisions.
Enfin, il a relevé que le projet de loi contenait d'autres dispositions relatives aux concessions autoroutières et au temps de travail du personnel navigant dans le transport aérien.
Après avoir souligné que l'objet principal de ce projet de loi restait la création de la CRAF, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a souhaité replacer les mesures prises dans la stratégie nationale de réforme du secteur ferroviaire et indiquer les suites que le Gouvernement entendait donner au rapport Haenel.
S'agissant de la stratégie nationale du secteur ferroviaire et le rôle de l'Etat, il a indiqué que plusieurs mesures fortes avaient permis à l'Etat d'affirmer sa stratégie dans le secteur ferroviaire.
L'Etat a ainsi défini une ambitieuse politique nationale des transports dans le cadre du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'Environnement. Elle prévoit ainsi, à l'horizon 2020, le lancement de la réalisation de plus de 2 000 kilomètres de Lignes à grande vitesse nouvelles en plus des 2 000 existantes. Le plan de relance du Président de la République devrait d'ailleurs inclure certains de ces grands chantiers. Elle fixe également un objectif de report modal, marqué par une augmentation de 25 % de la part du fret non routier en 2012. Elle favorise enfin le développement du transport combiné, des autoroutes ferroviaires et des opérateurs ferroviaires de proximité et stimule la régénération du réseau.
indiqué par ailleurs que le Gouvernement avait réformé la tarification des sillons sur le réseau ferroviaire national. Le décret prévoyant la réforme des péages de RFF a ainsi été publié le 22 novembre et la nouvelle grille tarifaire a été adoptée par le conseil d'administration de RFF le 27 novembre. Il a affirmé que cette nouvelle tarification permettrait d'accroître les ressources de RFF, tout en donnant un signal économique clair aux utilisateurs du réseau ferré national.
Il a rappelé avoir signé avec Jean-Louis Borloo, Christine Lagarde, Eric Woerth et le Président Hubert du Mesnil, le contrat de performance de RFF qui donne à l'entreprise une visibilité pluriannuelle et les moyens d'investir 13 milliards d'euros entre 2008 et 2015 pour régénérer son réseau. Ainsi, le rythme de rénovation devrait être plus que doublé et atteindre un niveau inédit.
Ensuite, il a estimé que l'Etat avait affirmé au cours des derniers mois son rôle d'autorité organisatrice. Il a ainsi rappelé que le « service minimum » avait été introduit dans les transports et que l'Etat avait défini les manières de rendre les services publics accessibles aux personnes à mobilité réduite. Il a cependant indiqué qu'il fallait aller plus loin et clarifier le rôle de l'Etat, notamment dans la perspective de l'ouverture des services internationaux de transport de voyageurs à la concurrence dès la fin de l'année 2009, en tenant compte du travail de réflexion et de proposition du rapport Haenel. Il a ainsi indiqué qu'il était nécessaire de clarifier les rôles respectifs de l'Etat et de la SNCF, et de mieux affirmer la séparation de l'« organisation du service », qui relève des autorités organisatrices publiques, de son « exécution », assurée par les opérateurs. Il a souligné qu'il fallait également organiser le conventionnement des lignes d'aménagement du territoire entre l'Etat et la SNCF, élaborer des priorités entre les différents types de services sur les sections proches de la saturation, et assurer une meilleure régulation des tarifs voyageurs sur les activités en monopole.
a donc souligné que les évolutions réglementaires et législatives sur ces différents sujets devaient être préparées dans les prochains mois, et devraient notamment conduire à un « toilettage » de certains articles de la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI).
S'agissant de l'allocation des capacités, il a souligné que la France avait besoin d'un système performant pour utiliser au mieux son réseau ferroviaire, en toute équité et en toute transparence pour l'ensemble des opérateurs.
Au niveau institutionnel, il a indiqué que le Gouvernement considérait que l'allocation des sillons sur le réseau ferroviaire français était, et devait rester, de la responsabilité de RFF. Cependant il a estimé que l'ouverture à la concurrence du réseau ferré national et la nécessité d'optimiser ses capacités imposaient l'institution d'un système efficace, transparent, de conception, de production et de commercialisation des sillons. Il a d'ailleurs relevé que la Commission européenne serait très attentive à l'évolution du système français : la France a déjà reçu une mise en demeure et la Commission envisage d'ouvrir à son encontre une procédure d'avis motivé.
Il a également rappelé que la procédure en cours sous l'égide de la DGCCRF et la saisie, le 20 novembre, de documents dans les locaux de la SNCF montraient les mécontentements des entreprises ferroviaires concurrentes de la SNCF.
Conscient de la nécessité de faire évoluer l'organisation, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a donc demandé à RFF et à la SNCF d'améliorer rapidement la situation en étant guidé par plusieurs principes. Tout d'abord RFF devra, dans les meilleurs délais, créer une « plate-forme commerciale », assurant la relation commerciale avec les entreprises ferroviaires, et répartira les capacités entre les plages-travaux et les différents clients du réseau. Cette structure pourrait représenter environ 110 agents.
Ensuite, la SNCF devra mettre en place une direction de l'exploitation du réseau, séparée du reste de la SNCF, regroupant l'ensemble des agents en lien avec la production des sillons, soit environ 14 400 personnes. Les agents de cette direction garderont leur statut SNCF, mais son budget sera distinct. En outre, l'Etat s'assurera que son directeur soit nommé de manière indépendante, en lien avec le Président de RFF. Ce directeur définira les objectifs et les missions de la structure et contrôlera de bout en bout sa production. Si nécessaire, des évolutions règlementaires ou législatives viendront préciser cette organisation et assurer l'autonomie de gestion de cette direction, mais la mise en place de cette direction devrait débuter dès à présent.
Il a souligné que les fonctions actuellement exercées par RFF le resteraient, de manière à ce que RFF assure le contrôle de l'intégralité de l'exploitation du réseau et de la gestion des sillons. Indépendamment de la structure des organisations, RFF serait ainsi, au plan fonctionnel, un gestionnaire de l'infrastructure à part entière, ce qui devrait satisfaire, selon lui, aux conditions fixées par la Commission européenne.
a souligné que ces questions institutionnelles étaient essentielles pour garantir la transparence et le caractère non discriminatoire de notre système d'attribution des capacités. Il a souligné également l'importance de la question de l'efficacité opérationnelle du système. Il a donc relevé que le processus industriel devait être également revu. Il a appelé RFF et la SNCF à y mettre l'énergie et les moyens nécessaires, notamment en matière de systèmes d'information et d'organisation pratique. Ainsi, des logiciels informatiques performants, adaptés aux besoins d'un marché ouvert, doivent être développés pour l'attribution des capacités, pour le tracé des circulations et la régulation de ces mêmes circulations. Par ailleurs, une adaptation des pratiques de tarification permettra la facturation par RFF des sillons demandés et non utilisés, afin d'assurer l'utilisation optimale des capacités.
S'agissant de la gestion et la propriété des gares, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a souligné que les gares constituaient des facilités essentielles du système ferroviaire français, ayant vocation à devenir, avec l'ouverture à la concurrence, dès la fin 2009, des lieux partagés entre tous les opérateurs ferroviaires. Il a donc souligné qu'il fallait dès aujourd'hui s'assurer que les gares françaises étaient en mesure d'accueillir en toute transparence les « nouveaux entrants ». Il a ainsi mis en avant la nécessité de vérifier que la SNCF, sous le contrôle de la CRAF, fournissait les prestations essentielles en gare de façon impartiale, en respectant les règles de concurrence entre les différentes entreprises ferroviaires.
Il a également indiqué que les gares étaient des lieux d'échange et de complémentarité entre les transports, jouant un rôle central dans la politique des déplacements. A l'heure où le concept d'éco-mobilité prend une place de plus en plus importante, les gares doivent ainsi s'adapter, offrir de nouveaux services, répondre à l'ensemble des attentes des voyageurs et des collectivités territoriales.
Les conclusions de la mission confiée à Mme la sénatrice Fabienne Keller sur le concept de gare contemporaine, attendues pour mars 2009, pourraient éclairer cette réflexion, notamment sur les aspects de gestion et de gouvernance des gares et de services rendus aux usagers.
Enfin, s'agissant de l'exécution des travaux d'infrastructures sur le réseau, il a indiqué que le contrat de performance de RFF, signé le 3 novembre, prévoyait d'accroître fortement les travaux de renouvellement. Ce plan de rénovation du réseau crée une charge supplémentaire que la SNCF n'est pas en mesure d'absorber. La part des travaux de renouvellement confiés à d'autres mandataires que la SNCF doit donc être augmentée, cet élément étant un des objectifs assignés à RFF dans son contrat de performance.
a ainsi indiqué qu'à l'instar de ce qu'on devrait constater avec les partenariats public-privé (PPP) ferroviaires, ce recours à la concurrence devrait permettre de comparer les méthodes et les coûts de production des opérations gérées par la SNCF et celles gérées par d'autres prestataires faisant appel plus systématiquement à l'intervention d'entreprises et de fournisseurs privés.
Dans cette nouvelle organisation, la SNCF pourrait faire valoir son expérience et son savoir-faire, et engendrer d'importants gains de productivité.
S'agissant de l'ouverture à la concurrence des services TER, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a rappelé qu'en France, le transport ferroviaire de voyageurs n'était pas ouvert à la concurrence. A compter de décembre 2009, le transport ferroviaire international de voyageurs le sera certes, mais pour ce qui concerne le transport domestique de voyageurs, et en particulier les services TER, l'ouverture à la concurrence n'est programmée ni à court, ni à moyen terme. Le « règlement OSP » (obligation de service public) n'a en effet pas pour objet l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. Cette question relève des « paquets ferroviaires ». Il a souligné qu'à l'exception du cas particulier du cabotage, le droit européen n'imposait nullement à la France d'ouvrir à la concurrence son marché de transport ferroviaire. En France, le droit est donc soumis au régime de la LOTI, selon laquelle les services de transport ferroviaire de voyageurs sont assurés par la SNCF : pour ouvrir à la concurrence les services de TER, une modification de cette loi est nécessaire.
a relevé que certains élus régionaux s'étaient exprimés en faveur de l'ouverture à la concurrence des services TER. Il a donc demandé à l'Association des Régions de France (ARF) et au Groupement des Autorités Responsables de Transports Publics (GART) de lui faire part de leurs positions sur ce sujet. Si certaines régions le souhaitent et en font la demande à l'Etat, la possibilité pourrait leur être donnée, par une modification législative, d'ouvrir à la concurrence leurs services TER, à titre expérimental, dans des conditions et sur un périmètre définis.
Il a souligné que plusieurs sujets fondamentaux devraient toutefois être traités au préalable, notamment la question de la propriété et de la mise à disposition éventuelle du matériel roulant, la question du transfert du personnel affecté à ces services, la question du calendrier et, le cas échéant, de la modification des conventions actuelles, sachant que de nombreuses régions ont récemment renouvelé leurs contrats avec la SNCF.
Il a salué la solution proposée par M. Hubert Haenel dans la deuxième partie de son rapport sur l'organisation du système ferroviaire : il s'agit de mettre en place un comité réunissant l'ensemble des parties prenantes pour traiter ces sujets fondamentaux, avant toute modification législative.
A la suite de cette intervention, un large débat s'est ouvert.