Intervention de Richard Yung

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 mai 2010 : 1ère réunion
Action de groupe — Examen du rapport d'information

Photo de Richard YungRichard Yung, co-rapporteur :

La question de l'action de groupe est une affaire ancienne. Créer une action de groupe en droit français, c'est d'abord répondre à un besoin social. Dans l'ère de la consommation de masse, avec notamment le développement des communications électroniques, les petits dommages de consommation se multiplient à plus grande échelle. Or, la plupart du temps, cela ne vaut pas la peine de mener une action en justice pour quelques euros. Les consommateurs sont frappés par un sentiment d'impuissance et une incapacité à agir.

Les outils existant en matière de protection des consommateurs sont insatisfaisants, car ils ne permettent pas de réparer les préjudices individuels de faible montant. En particulier, l'action en représentation conjointe n'a pas été un succès en raison de sa lourdeur.

Aujourd'hui, il existe une large mobilisation en faveur de l'introduction d'une action de groupe à la française. Cette mobilisation existe certes chez les associations de consommateurs, mais plus largement chez les organisations syndicales, les professionnels du droit ou encore les autorités de régulation. Je dois souligner, en revanche, l'opposition résolue des représentants des entreprises, notamment du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de l'Association française des entreprises privées (AFEP), qui craignent des coûts supplémentaires pour les entreprises et, par conséquent, une perte de compétitivité. Cette crainte provient vraisemblablement de l'observation des « class actions » américaines, dont les nombreuses dérives ne doivent pas être reproduites. Ces dérives s'expriment notamment par le « chantage au procès » qui contraint les entreprises à accepter de coûteuses transactions.

Laurent Béteille et moi-même avons pris grand soin d'empêcher tout risque de dérive à l'américaine dans le système d'action de groupe à la française que nous avons conçu. Par exemple, il n'est pas envisageable d'autoriser les avocats à faire du démarchage pour monter des actions de groupe.

En dernier lieu, les évolutions européennes et internationales plaident également en faveur de l'introduction d'une action de groupe en France. Il existe, en matière boursière, une dérive pernicieuse : les tribunaux américains autorisent des actionnaires français à se joindre à des « class actions » contre des sociétés françaises engagées aux Etats-Unis, comme l'illustre l'affaire Vivendi. Ceci n'est pas acceptable.

Les autres Etats européens ont mis en place des dispositifs variés d'action de groupe, tandis que deux initiatives communautaires concernent l'action de groupe, l'une en matière de concurrence et l'autre en matière de protection des consommateurs. La nouvelle Commission européenne semble néanmoins prudente à l'égard de cette question.

L'ensemble de ces raisons impose que la France avance et se dote d'une législation simple et efficace en matière d'action de groupe. C'est une nécessité.

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