Intervention de David Assouline

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 26 novembre 2008 : 2ème réunion
Pjlf pour 2009 — Mission médias - compte de concours financiers avances à l'audiovisuel - programme presse - examen du rapport pour avis

Photo de David AssoulineDavid Assouline, rapporteur pour avis :

A titre liminaire, M. David Assouline, rapporteur pour avis, a rappelé que, dans un contexte particulièrement morose pour la presse écrite payante, le Président de la République a ouvert, le 2 octobre 2008, des Etats généraux de la presse ayant pour objectif de dégager des pistes de réflexion ainsi que des propositions de réforme sur l'organisation du secteur de la presse.

a indiqué que, dans l'attente des conclusions et des recommandations de ces Etats généraux, annoncées pour la fin du mois de décembre 2008, le régime des aides à la presse est globalement reconduit dans le projet de loi de finances pour 2009. Il s'efforcera donc, dans son analyse des crédits du programme 180 « Presse » de la mission « Médias », de déterminer à chaque fois les enjeux principaux qui s'en dégagent, afin de les replacer dans la perspective des Etats généraux de la presse.

Le rapporteur pour avis a relevé, tout d'abord, que le montant des aides directes à la presse était en 2009 de 173,17 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une légère diminution, de 1,16 % par rapport à 2008, cette baisse ayant vocation à s'amplifier à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement, et adopté en seconde délibération par l'Assemblée nationale, tendant à minorer davantage les crédits du programme 180 d'1,87 millions d'euros.

Puis il a rappelé que les aides directes à la presse se décomposent en trois catégories : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation.

S'agissant des aides à la diffusion, qui s'établissent à 99 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009, il a souhaité insister sur trois points :

- si le système français de distribution continue de permettre à des titres indépendants aux moyens limités, tels que Siné Hebdo, d'émerger de façon convaincante sur le marché de la presse, il souffre de problèmes d'inadaptation aux codes de lecture modernes : on estime que la distribution et la diffusion de la presse quotidienne nationale française coûtent deux fois plus cher que celles de la presse quotidienne nationale britannique, le trop-plein de titres dans les kiosques étant accusé en particulier de paralyser la diffusion de la presse ;

- face à ces difficultés, des expérimentations visant à désengorger les kiosques en permettant aux vendeurs de mieux sélectionner les titres ont été menées dans plusieurs villes par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP). Dans ces conditions, l'aménagement du principe de l'égalité de traitement entre tous les titres de presse, posé par la loi du 2 avril 1947 (dite loi « Bichet »), fera l'objet d'une réflexion centrale dans le cadre des Etats généraux de la presse ;

- le développement de nouveaux circuits et modes de distribution doit constituer une priorité. Le rapporteur pour avis a ainsi relevé que le développement du portage à domicile peut être envisagé comme un moyen efficace de fidéliser les lecteurs, avec à la clé des créations d'emplois, mais que, pour ce faire, une véritable réflexion doit s'engager sur le métier de porteur (notamment l'opportunité de sa transformation en service à la personne) et sur les moyens que l'Etat est prêt à consentir pour favoriser cette activité : au-delà du fonds d'aide au portage, doté de 8,25 millions d'euros en 2009, il est indispensable d'étudier les possibilités de faire monter en puissance ce nouveau mode de distribution au travers d'exonérations de charges sociales.

S'agissant des aides au pluralisme, d'un montant de 9,97 millions d'euros en 2009, M. David Assouline, rapporteur pour avis, a fait état de deux enjeux principaux :

- les aides au pluralisme se concentrent principalement sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Or, c'est l'ensemble de la presse quotidienne payante qui se trouve confronté à des effets d'éviction publicitaire puissants provoqués par la concurrence exercée par la presse gratuite, internet mais aussi la télévision. A cet égard, il s'est inquiété de l'annonce par le Gouvernement d'une série de mesures tendant à favoriser les revenus publicitaires des télévisions commerciales (l'augmentation du quota publicitaire horaire autorisé de six à neuf minutes sur les chaînes privées, le passage de l'« heure glissante » à l'« heure d'horloge » et l'autorisation d'une seconde coupure publicitaire pendant les oeuvres de fiction) qui provoqueraient une croissance quasi-immédiate des recettes publicitaires des deux principales chaînes privées, TF1 et M6, de près de 500 millions d'euros, soit un montant équivalent au double des investissements dans la presse quotidienne nationale sur un an ;

- l'idée parfois avancée d'abaisser les seuils de concentration pour permettre aux journaux de consolider leur assise financière semble en contradiction avec les principes consacrés par l'article 34 de notre Constitution, qui dispose désormais, à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, que « la loi fixe les règles concernant [...] la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Le rapporteur pour avis a rappelé, en outre, que la France se caractérise déjà par une hyper-concentration de ses groupes de presse et que des soupçons croissants d'intrusion du pouvoir politique dans la sphère médiatique ont conduit le groupe socialiste à déposer une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les liens existant entre le pouvoir exécutif et les organismes de presse et de la communication audiovisuelle, et leurs conséquences pour l'indépendance et le pluralisme de la presse et des médias.

S'agissant des aides à la modernisation du secteur de la presse, M. David Assouline, rapporteur pour avis, a déploré que les moyens ne soient pas à la hauteur des ambitions affichées :

- l'aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale, dotée de 12 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009, comme en 2008, vise à financer le plan stratégique des NMPP, baptisé « Défi 2010 », dont le calendrier se prolonge jusqu'en 2012, et qui a pour objectif d'augmenter les points de vente de 28 000 à 33 000 en trois ans, d'une part, et de rechercher des gains de productivité par une réforme des structures et une réduction des effectifs du groupe, d'autre part ;

- s'il faut se réjouir que la tendance baissière du nombre de points de vente se soit inversée en 2007, le cap symbolique des 30 000 points de vente ayant même été franchi en mai 2008, il convient, néanmoins, de souligner que le nombre de fermetures de point de vente demeure très élevé et en très forte progression (+ 39 % de 2006 à 2007). Le bilan restant mitigé, il apparaît indispensable que les NMPP rendent compte aux pouvoirs publics des efforts qu'elles entendent mettre en oeuvre afin de prévenir l'essoufflement du développement des points de vente ;

- le climat des négociations sociales au sein des NMPP est apparu pour le moins tendu au cours de cette année, les ouvriers du Livre-CGT ayant vivement protesté contre un plan de réorganisation de la direction qui prévoit le départ de 350 personnes sur les 3 000 salariés que compte le groupe ;

S'agissant plus précisément des aides de l'Etat en faveur du développement de la presse numérique, aujourd'hui très peu opérationnelles, M. David Assouline, rapporteur pour avis, a regretté que le montant accordé au fonds d'aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, de l'ordre de 500 000 euros en 2009, soit dérisoire au regard des investissements considérables et réguliers que le développement de l'internet de presse nécessite. Il a considéré qu'un investissement massif dans la création de sites internet et dans le développement de rédactions bi-média devait clairement constituer une priorité du dispositif d'aides à la presse.

Il a souhaité, ensuite, soulever plusieurs questions concernant le passage de la presse écrite à l'ère du numérique :

- se pose la question de l'extension d'un taux de TVA réduit, à 2,10 ou 5,50 %, aux sites internet de presse pour favoriser leur rentabilité. Il a rappelé que le taux de TVA super réduit de 2,10 %, réservé depuis 1977 aux quotidiens et étendu à tous les périodiques à compter de 1989, représente une aide fiscale indirecte à la presse papier de près de 210 millions d'euros en 2009. Le rapporteur pour avis a souligné que non seulement le dossier de la TVA sur la presse en ligne doit être discuté au niveau communautaire, mais encore que le Gouvernement doit préciser les dispositifs légaux et réglementaires qui permettraient de circonscrire l'internet de presse écrite pour le distinguer des autres services d'information en ligne ;

- le développement des rédactions bi-média pose également la question de la portabilité des droits d'auteur des journalistes entre les différents supports de presse. A cet égard, le rapporteur pour avis s'est inquiété de l'insuffisante représentation des journalistes aux Etats généraux dès lors qu'elle risque de compromettre la recherche d'un équilibre satisfaisant entre la capacité des éditeurs à se moderniser en développant des rédactions bi-média et la défense de la propriété intellectuelle des journalistes.

Enfin, M. David Assouline, rapporteur pour avis, a évoqué la question des abonnements de l'Etat à l'Agence France-Presse (AFP) : il s'est réjoui de l'augmentation de cette aide visant, dans la logique du contrat d'objectifs et de moyens en cours de négociation entre l'Etat et l'AFP pour la période 2009-2012, à accompagner l'Agence dans ses mutations technologiques afin de conforter son statut d'agence d'information à vocation mondiale. Il a fait part, toutefois, de ses inquiétudes quant aux prises de position manifestées par l'Etat au conseil d'administration de l'AFP en faveur d'une modification du statut de l'Agence et d'une ouverture de son capital : selon lui, le statut actuel de l'AFP, hérité de 1957, a permis de garantir son indépendance rédactionnelle, qui en fait la seule agence de presse internationale non anglo-saxonne.

Après avoir regretté que le budget des aides à la presse ne réponde pas suffisamment aux ambitions que l'on est susceptible de nourrir pour une presse française plurielle, indépendante et moderne, M. David Assouline, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 180 « Presse » au sein de la mission « Médias ».

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