Cette mission retrace les subventions versées par l'Etat pour équilibrer les comptes de plusieurs régimes spéciaux de retraite dont certains assurent la couverture vieillesse d'entreprises, comme la SNCF ou la RATP, ou d'une profession, comme celle de marin, tandis que les autres correspondent à des régimes en voie d'extinction - régimes des mines, de la Seita, des chemins de fer d'Afrique...
Enfin, la mission regroupe les crédits destinés à financer des mesures spécifiques visant à compenser la pénibilité des conditions de travail des conducteurs routiers - congé de fin d'activité, complément de pension.
Les régimes concernés - sachant que ne sont pas pris en compte les régimes spéciaux des industries électriques et gazières, de la Banque de France et des clercs et employés de notaire - représentent un total d'environ 860 000 pensionnés. Depuis plusieurs décennies, tous sont structurellement déficitaires : le nombre insuffisant de cotisants ne permet pas de couvrir la totalité des dépenses de pensions. Pour assurer le service des prestations vieillesse dues, l'Etat doit leur verser des subventions d'équilibre. Ces régimes ne doivent donc leur survie qu'à la solidarité nationale.
Entre 2010 et 2011, les crédits progressent de 5,3 % pour s'élever à 6,03 milliards. Cette progression suit une tendance qui s'explique par l'évolution à la hausse des dépenses des régimes, notamment en raison du « papy-boom », et le mouvement à la baisse de leurs ressources, qui crée un effet de ciseaux.
La diminution des ressources tient à un rendement décroissant des recettes de cotisations lié à l'extinction progressive de certains régimes, comme les mines ou la Seita, ou à la diminution du nombre de cotisants, par exemple à la SNCF ; elle s'explique aussi par la réduction des transferts au titre de la « surcompensation » entre régimes spéciaux qui, aux termes de la loi du 21 août 2003, doit disparaître à l'horizon 2012.
En conséquence, les subventions de l'Etat représentent une part de plus en plus importante du budget de ces régimes. Ainsi, la dotation d'équilibre couvre 61 % du budget de la caisse de retraite de la SNCF, 56 % de celui de la caisse de la RATP, 74 % du budget du régime des marins et 87 % de celui des retraités de la Seita.
Inévitablement, le besoin de financement de ces régimes va continuer à progresser dans les prochaines années. Les dotations de l'Etat, qui jouent le rôle de variable d'ajustement, sont donc appelées à augmenter. Or, rien ne garantit qu'elles suivront l'évolution des besoins : ne peut-on craindre que le contexte budgétaire contraint et les arbitrages financiers qui en découlent conduisent, à terme, à un abondement insuffisant de la mission ?
En attendant, l'évolution des crédits pour 2011 est marquée par une augmentation relativement contenue, de 2,3 %, de la dotation à la caisse autonome de retraite de la SNCF, qui s'établit à 3,19 milliards, dans la continuité de la tendance observée ces dernières années ; par une stabilisation de la dotation à la caisse autonome de retraite de la RATP à 527 millions ; par une très légère augmentation de la subvention d'équilibre accordée au régime des marins, laquelle atteint 797 millions ; par une forte progression, enfin, de 25 %, de la subvention versée au régime des mines, qui atteint 1,2 milliard. Cette évolution est la conséquence, d'une part, de la diminution des transferts au titre de la surcompensation dont le régime est l'un des principaux bénéficiaires, d'autre part, du moindre rendement de ses actifs immobiliers.
En harmonisant progressivement les règles en vigueur dans les régimes spéciaux avec celles applicables dans les régimes de la fonction publique, la réforme engagée en 2007 poursuivrait deux objectifs : rétablir davantage d'équité entre les assurés sociaux et garantir la viabilité financière de ces régimes sur le long terme. A la SNCF et à la RATP, deux décrets du 15 janvier 2008 ont fixé les principes communs d'harmonisation relatifs à la durée d'assurance, au mécanisme de décote/surcote, à l'indexation des pensions et aux bonifications. Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er juillet 2008.
L'adoption de la réforme a été subordonnée à l'instauration de mesures salariales d'accompagnement actées dans le cadre des négociations d'entreprise. A la SNCF et à la RATP ont notamment été décidés la création d'échelons supplémentaires d'ancienneté, le déblocage de la grille des salaires, la possibilité de rachat d'années d'études et la suppression de la condition d'âge pour l'affiliation au régime spécial. J'en tire la conclusion que le principe de la spécificité des droits des assurés de ces régimes a été préservé.
Certes, il était nécessaire de conduire cette réforme dans un souci de dialogue, mais je crains qu'elle n'ait abouti à des contreparties qui pourraient, à terme, en annuler les effets. L'an passé déjà, j'avais alerté sur le coût potentiel des mesures de compensation en faveur des salariés. Les nouvelles estimations dont je dispose confirment cette analyse.
On ne peut, sur cette réforme, raisonner en termes de coût global, dès lors que la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et celle du personnel de la RATP sont totalement indépendantes des entreprises SNCF et RATP. Il faut donc bien distinguer les effets de la réforme sur les caisses, d'une part, et sur les entreprises, d'autre part.
Pour la caisse de prévoyance de la SNCF, l'économie, selon un chiffrage effectué en 2009, plus élevée que ce qu'avait initialement prévu le Gouvernement, sera de l'ordre de 300 millions par an sur la période 2009-2030, ce qui représente 10 % de la subvention d'équilibre versée par l'Etat au régime. Selon ces projections, le gain cumulé en 2030 dépasserait 6,5 milliards.
En revanche, pour l'entreprise SNCF, la réforme alourdit la masse salariale. En 2009, l'accroissement des charges de personnel du fait des mesures salariales d'accompagnement a été estimé à près de 127 millions. A cela s'ajoute la charge entraînée par l'effet démographique, conséquence mécanique de la suppression de la retraite d'office et de l'incitation au recul de l'âge de départ, de quelque 50 millions l'an dernier. La SNCF estime ainsi que le coût annuel global de la réforme, si l'on intègre les contreparties sociales et le facteur démographique, est très significatif : de 170 millions en 2009, il passerait à 418 millions en 2012.
Il semble donc bien que la réforme du régime spécial de la SNCF opère un transfert de charges substantiel du régime de retraite, dorénavant budgétairement et juridiquement autonome, vers l'entreprise. Et je ne dis rien des primes intégrées à l'assiette de liquidation.
Qu'en est-il pour la RATP ?
Selon la caisse de prévoyance et de retraite, la réforme ne commencerait à produire des économies qu'à compter de 2015, et encore faibles puisqu'elles n'atteindraient que 23 millions en 2020, soit 2,2 % du total des pensions servies. Les gains escomptés seraient essentiellement dus à l'augmentation de la durée d'assurance et à l'instauration d'une décote.
De son côté, la RATP a évalué le surcoût résultant des contreparties salariales. Celles-ci devraient entraîner, dès 2012, une augmentation de 10,5 millions des charges de salaires, alors même que la réforme n'aura, à cette date, produit aucune économie. A compter de 2015, cette charge supplémentaire atteindrait près de 14 millions, si bien que sur la période 2015-2018, les économies issues de la réforme de 2008 seraient inférieures aux surcoûts salariaux.
Les gains pour la collectivité résultant de la réforme des régimes spéciaux pourraient ainsi se révéler beaucoup plus faibles que les prévisions initiales, particulièrement optimistes, ne le laissaient penser.
Ces observations faites, je vous propose, parce que ces crédits sont indispensables à la survie des régimes de retraite concernés, d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission pour 2011.