Intervention de Jean-Jacques Hyest

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 janvier 2007 : 1ère réunion
Justice — Recrutement formation et responsabilité des magistrats - examen du rapport

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

Après avoir rappelé que les principales pistes de réforme qu'il envisageait d'apporter au texte adopté par les députés avaient été présentées la semaine précédente dans le cadre du débat d'orientation, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a tout d'abord indiqué que les amendements proposés résultaient d'un travail approfondi, mené à la suite de nombreuses auditions, auxquelles avaient participé, pour certaines d'entre elles, MM. François Zocchetto, rapporteur du projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, et Robert Badinter.

Il s'est félicité de la nouvelle obligation de formation continue applicable à l'ensemble des magistrats, introduite par les députés, soulignant néanmoins le coût budgétaire de la réforme, évalué à 4,4 millions d'euros. Après avoir jugé opportun l'allongement du stage d'immersion au sein de la profession d'avocat proposé par l'Assemblée nationale, sa brièveté (deux mois) n'offrant actuellement aux auditeurs qu'un trop modeste aperçu de ce métier, il a prôné une réduction de six à cinq mois de la durée de ce stage afin de laisser inchangée la durée globale de la formation initiale (31 mois) et ainsi de ne pas retarder l'entrée en fonction des futurs magistrats. Saluant l'élargissement de la portée des recommandations du jury de classement des auditeurs de justice, prévu par les députés afin de sécuriser les conditions de nomination des magistrats, il a proposé le versement au dossier des magistrats des observations qu'ils formulent en réponse à ces recommandations.

Évoquant le recrutement des magistrats, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a jugé essentiel que les magistrats disposent, pour assumer au mieux leurs responsabilités, non seulement de solides connaissances techniques mais également d'un minimum de bon sens et de maturité nécessaires pour mesurer l'impact sur la vie des justiciables des décisions qu'ils prennent.

Soucieux d'accentuer la diversification du recrutement des magistrats engagée par les députés pour enrichir le corps judiciaire d'expériences nouvelles, il a proposé :

- de prévoir la motivation des avis défavorables de la commission d'avancement lorsqu'un candidat à l'intégration directe ou à l'exercice temporaire des fonctions n'a pas accompli sa formation probatoire dans des conditions satisfaisantes ;

- de modifier la composition de la commission d'avancement, aujourd'hui majoritairement composée de magistrats du second grade, afin d'une part de tenir compte de l'évolution de la structure du corps de la magistrature intervenue depuis la réforme du 25 juin 2001, d'autre part de permettre à des magistrats plus expérimentés, donc ayant une vue plus globale de l'intérêt du corps, d'y siéger en plus grand nombre ;

- d'alléger la procédure de recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire en supprimant l'agrément de l'assemblée générale des magistrats du siège, préalable à l'avis de la commission d'avancement.

a par ailleurs rappelé que l'Assemblée nationale avait instauré une obligation de mobilité statutaire au premier grade pour l'accès aux emplois placés hors hiérarchie, d'une durée de deux ans, devant être accomplie au sein d'une entreprise publique ou privée, d'une administration française ou étrangère, d'un service de l'Union européenne ou d'une organisation internationale. Afin de faciliter la gestion du nouveau dispositif par le corps judiciaire, il a proposé d'une part d'ouvrir cette nouvelle mobilité statutaire aux magistrats du second grade qui justifient d'au moins quatre années de services effectifs dans le corps judiciaire, d'autre part de réduire la durée de la mobilité, qui pourrait être d'un ou deux ans.

Après avoir suggéré d'ouvrir aux anciens conseillers ou avocats généraux référendaires la possibilité d'accéder à des emplois hors hiérarchie -indistinctement du siège ou du parquet général- de la Cour de cassation, il a salué l'adoption par les députés d'une disposition tendant à confier au Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) le soin d'élaborer un recueil des obligations déontologiques, qui présente l'avantage, par rapport à un code, de ne pas figer une matière par nature évolutive. S'étonnant que les magistrats soient actuellement les seuls fonctionnaires à ne pas être soumis à des règles déontologiques avant un départ dans le secteur public ou privé concurrentiel, le CSM n'opérant qu'un simple contrôle de légalité externe des mobilités, il a souhaité que cette instance examine, sur le modèle de la commission de déontologie instituée pour les fonctionnaires, la compatibilité des activités que les magistrats envisagent d'exercer à l'extérieur de l'institution judiciaire avec leurs précédentes fonctions.

Après avoir approuvé l'élargissement de la portée des sanctions disciplinaires, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a souhaité préciser les contours de la faute disciplinaire au regard des actes juridictionnels en proposant une nouvelle rédaction du texte permettant à la fois d'éviter toute confusion entre l'exercice des voies de recours et le pouvoir d'appréciation du CSM en matière disciplinaire et de sanctionner les défaillances d'un magistrat sans attendre la clôture d'une instance parfois très tardive dans certaines instructions.

S'agissant du traitement des réclamations des justiciables s'estimant lésés par le comportement d'un magistrat, il a évoqué les critiques suscitées par le recours au Médiateur de la République, soulignant que la procédure prévue par les députés, outre qu'elle excédait les attributions du Médiateur, dont le rôle est normalement de remédier à des dysfonctionnements administratifs, apparaissait complexe et peu adaptée aux spécificités de la magistrature. Rappelant la nécessité de restaurer la confiance des citoyens dans la justice, il a ainsi marqué sa préférence pour la création d'une commission qui aurait vocation à apporter une réponse simple, efficace et impartiale aux justiciables. Notant que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale soumettait la saisine finale du CSM, autorité disciplinaire, à trois filtres : un parlementaire, le Médiateur de la République et le ministre de la justice ou les chefs de juridiction, il a proposé que tout justiciable puisse saisir directement une commission de transparence de la justice et obtenir ainsi une réponse circonstanciée. Selon le rapporteur, cette commission, placée auprès du garde des sceaux et rassemblant des personnes ayant l'expérience du milieu judiciaire, dont une majorité de non-magistrats, pourrait avoir pour mission d'examiner le bien-fondé des plaintes et, le cas échéant, de les transmettre au garde des sceaux aux fins de saisine du CSM.

Enfin, après s'être réjoui de la création d'une procédure de suspension adaptée aux magistrats dont le comportement pathologique peut mettre en cause le bon fonctionnement du service public de la justice, il a proposé d'en renforcer l'efficacité en instituant un comité médical national ad hoc compétent pour examiner les situations des magistrats avec davantage de pertinence que les comités médicaux départementaux, par nature non spécialisés.

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