a rappelé que la gendarmerie nationale jouait un rôle majeur outre-mer en matière de sécurité et de maintien de l'ordre, comme elle l'avait démontré lors de la crise récente aux Antilles.
Le général Claude Vicaire, commandant de la gendarmerie nationale outre-mer, a d'abord rappelé le cadre général de l'action de la gendarmerie nationale dans les départements d'outre-mer.
Par comparaison à la métropole, où la zone de compétence de la gendarmerie nationale recouvre 95 % du territoire, 50 % de la population et 30 % des crimes et délits, la gendarmerie dans les départements français d'outre-mer a sous sa responsabilité 99 % du territoire, 70 % de la population et constate 53 % des crimes et délits.
La deuxième caractéristique de l'action de la gendarmerie outre-mer tient à la fréquence et à l'intensité des crises, qu'il s'agisse des conflits sociaux, des catastrophes naturelles ou encore de l'orpaillage illégal en Guyane. A cet égard, la gendarmerie nationale assure seule le maintien de l'ordre outre-mer, depuis le retrait des Compagnies républicaines de sécurité de la police nationale en 1993. Neuf escadrons de gendarmerie mobile sont déployés en permanence dans les départements d'outre-mer et, au plus fort de la crise récente aux Antilles, vingt-six escadrons de gendarmerie mobile.
La troisième particularité tient à la violence du contexte opérationnel, avec un risque d'agression pour les gendarmes deux fois plus élevé outre-mer qu'en métropole et un usage des armes plus fréquent, notamment en Guyane.
Enfin, alors que les départements d'outre-mer représentent 4 % des effectifs de la gendarmerie, ces territoires doivent faire face à des phénomènes de délinquance plus marqués, puisqu'ils représentent 10 % des atteintes volontaires aux personnes constatées par la gendarmerie, 17 % des violences crapuleuses et 21 % des interpellations d'étrangers en situation irrégulière.
Les résultats de l'action de la gendarmerie outre-mer sont très positifs, avec un taux de résolution des crimes et délits de 56 %, supérieur à la moyenne nationale (police et gendarmerie) de 38 % et même à la moyenne de la gendarmerie de 42 %.
Evoquant le dispositif de la gendarmerie dans les départements d'outre-mer, le général Vicaire a relevé que, avec près de 3 200 gendarmes départementaux et mobiles, les effectifs de la gendarmerie nationale avaient connu une progression limitée ces dernières années, de 62 postes entre 2003 et 2008, malgré une importante augmentation de la population en zone gendarmerie.
Il a indiqué que la gendarmerie nationale s'efforçait de compenser cette progression limitée des effectifs par un recrutement de grande qualité des gendarmes affectés outre-mer, avec un taux de sélection d'un sur trois.
Il a précisé que la gendarmerie nationale menait une politique de fidélisation, avec la possibilité pour les meilleurs éléments de prolonger leur séjour à quatre ans aux Antilles et en Guyane, puis de demander à effectuer un second séjour de même durée à La Réunion ou dans une collectivité d'outre-mer.
Il a également souligné que, même s'il n'existait pas de voie de recrutement spécifique et que, à la différence des policiers, les gendarmes étaient soumis à une obligation de mobilité, la gendarmerie nationale s'efforçait de s'appuyer sur la plus value que représentent les personnels originaires des départements d'outre-mer, en raison de leur connaissance du milieu, de la langue et de la culture créoles. Toutefois, la proportion des personnels originaires affectés dans leur département, de l'ordre de 20 à 30 % aux Antilles, reste inférieure à celle d'autres administrations, en particulier de la police nationale où cette proportion est d'environ 90 %.
Il a estimé que l'une des explications de cette faible proportion tenait d'une part à l'organisation de la gendarmerie et à sa vocation à exercer ses responsabilités sur l'essentiel du territoire et donc dans des zones éloignées, voire très isolées, et d'autre part aux réticences des personnels originaires des départements d'outre-mer de servir dans des brigades souvent éloignées des grandes villes ou de leurs intérêts familiaux.
Il a cité l'exemple de la brigade de Camopi, située en plein coeur de la forêt amazonienne, à six heures de pirogue de Saint-Georges de l'Oyapock, et dans laquelle seuls des gendarmes métropolitains, qui y vivent d'ailleurs une expérience humaine unique, acceptent de servir dans des conditions très difficiles notamment pour les familles (pas de téléphone).
Il a souligné l'atout que représente l'appartenance de la gendarmerie à l'armée, avec notamment la disponibilité liée à son statut et au logement attribué par nécessité absolue de service.
Il a également mentionné le renforcement des outils de gestion de crise, avec la mise en place des centres opérationnels dans les quatre départements d'outre-mer, la création de sections de recherche dans le domaine de la police judiciaire et la création de groupes d'intervention régionaux (GIR), en Guyane en 2006 et en Guadeloupe en 2008, ainsi que l'ouverture prochaine de GIR en Martinique et à La Réunion.
Enfin, il a cité la modernisation des moyens, en particulier aériens, avec deux hélicoptères EC145, l'un en Guyane, l'autre à La Réunion, et un hélicoptère EC135 prévu en Guadeloupe, et des moyens nautiques, avec dix véhicules nautiques à moteur (jet ski) en Guyane et deux intercepteurs, l'un en Guadeloupe, l'autre en Martinique.
Le général Vicaire a ensuite présenté la situation spécifique de chaque département d'outre-mer.
Evoquant d'abord le cas de La Réunion, il a indiqué que les effectifs de la gendarmerie étaient au nombre de 800, dont un escadron de gendarmes mobiles. Il a indiqué que, en raison de la géographie très contrastée de l'île, il avait été créé un peloton de gendarmerie de haute montagne. Il a rappelé que La Réunion présentait la particularité d'avoir une forte exposition aux risques naturels et il a indiqué que la délinquance était marquée par l'importance des atteintes volontaires à l'intégrité physique, qui représentaient 20 % de la délinquance, contre 12 % en métropole, principalement dans le milieu familial et en liaison avec l'alcoolisme.
Concernant la Martinique, qui compte 700 gendarmes, il a estimé que la situation de l'île était marquée par la banalisation de la violence, avec une augmentation de près de 50 % des coups et blessures volontaires entre 2005 et 2008, ainsi que le poids du trafic de stupéfiants, qui représente 12 % de la délinquance générale et qui a connu une progression de 150 % entre 2005 et 2008. Il a insisté sur l'importance de la coopération régionale, citant la lutte contre le trafic de drogue ou l'affaire de l'enlèvement et du meurtre de Marion Genin dans laquelle étaient impliqués des ressortissants de Sainte Lucie. En revanche, il a estimé que l'immigration illégale était peu répandue en Martinique.
Il a toutefois fait part de son inquiétude au sujet du retrait des forces de souveraineté et du 33ème RIMA, en rappelant le rôle extrêmement important joué par les armées lors des événements récents aux Antilles, en matière de soutien logistique à la gendarmerie.
Evoquant ensuite la situation de la Guadeloupe, qui compte 860 gendarmes, il s'est déclaré préoccupé par la poussée de la délinquance, illustrée par une progression de 32 % des faits constatés entre 2005 et 2008, avec une hausse de 86 % des vols à main armée, de 56 % des coups et blessures volontaires et de 37 % des homicides. Il a également mentionné l'interpellation de 732 étrangers en situation irrégulière en 2008. Enfin, il a fait part, là encore, de ses préoccupations au sujet du retrait des forces de souveraineté et du 41ème BIMA.
Concernant la Guyane, il a rapidement défini les principales caractéristiques de ce département dont la superficie, équivalente à celle du Portugal, est recouverte à 96 % de forêt équatoriale, et qui compte plus de 1 200 km de frontières avec le Brésil et le Surinam.
Il a fait valoir que la Guyane connaissait un niveau de délinquance inquiétant, avec un taux de 31 homicides pour 100 000 habitants, contre 2,6 en métropole, un taux de 380 coups et blessures volontaires contre 190 pour la métropole, et un taux de 97 vols à main armée, contre 4,7 en métropole. Il a également souligné le poids de l'immigration clandestine, avec 3 400 interpellations d'immigrés en situation irrégulière en 2008 et l'importance stratégique du centre spatial de Kourou.
Il a indiqué que 840 gendarmes étaient déployés en Guyane dont cinq escadrons de gendarmerie mobile, dédiés à la protection du centre spatial et à la lutte contre l'orpaillage illégal.
Evoquant ensuite l'orpaillage illégal en Guyane, il a indiqué que ce phénomène se traduisait par un pillage des ressources naturelles, estimé à 10 tonnes d'or extraites par an de manière illégale sur environ 350 sites, des atteintes graves à l'environnement, notamment par la déforestation, la dégradation des milieux aquatiques et la pollution au mercure, ainsi que par un appel à l'immigration illégale, principalement en provenance du Brésil, et une criminalité induite.
Il a mentionné les résultats très positifs de l'opération « Harpie » en 2008, qui s'était traduite par une concentration exceptionnelle de moyens, avec un renfort de 150 gendarmes, appuyés par 360 militaires des forces armées guyanaises (FAG) et plusieurs hélicoptères, ayant permis, au cours des 200 missions menées en quatre mois, d'interpeller 780 étrangers en situation irrégulière, de saisir 19 kilos d'or et 193 kilos de mercure.
Il a indiqué que, la stratégie suivie antérieurement ayant montré ses limites, les sites illégaux d'orpaillage détruits par la gendarmerie et les FAG étant reconstruits en général dans les vingt jours, cette opération avait développé une approche plus proactive et globale, axée sur le contrôle du trafic fluvial afin d'empêcher l'approvisionnement des sites d'orpaillages, la destruction des sites réputés les plus productifs et le démantèlement des réseaux et des filières par une action de police judiciaire.
Devant le succès de l'opération et face au déplacement de l'orpaillage illégal vers le Sud de la Guyane, il a indiqué que le Président de la République avait décidé de la prolonger et de reconduire ce dispositif.
En conclusion, le général Vicaire a estimé que la gendarmerie outre-mer était confrontée à trois défis : la montée de la criminalité dans la zone Antilles-Guyane, avec l'apparition d'une criminalité violente de type sud-américain qui se caractérisée par un nombre élevé d'homicides et d'enlèvements ; le retrait annoncé des forces de souveraineté ; la départementalisation de Mayotte au regard de la lutte contre l'immigration illégale.