Mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer

Réunion du 7 mai 2009 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La mission a tout d'abord entendu M. Thierry Michalon, maître de conférences à l'Université des Antilles et de la Guyane.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a rappelé que les questions de la « gouvernance » des départements d'outre-mer et de leur évolution institutionnelle constituaient l'un des axes de réflexion de la mission commune d'information du Sénat.

Debut de section - Permalien
Thierry Michalon, maître de conférences à l'Université des Antilles et de la Guyane

a tout d'abord indiqué qu'il poursuivait son étude des territoires périphériques de la France depuis les années 60, ce qui lui permettait de relever qu'une forme de fédéralisme existait déjà au sein du territoire français à cette époque avec Djibouti. Il a souligné, fort de sa connaissance de différents territoires (Corse, Antilles, Guyane), le risque qu'un peuple qui ne se sent pas français accepte la République mais refuse les contraintes corrélatives.

Concernant les spécificités institutionnelles des départements d'outre-mer, M. Thierry Michalon a rappelé qu'à l'origine les colonies françaises, soumises à un statut spécifique, étaient considérées comme des collectivités territoriales de la République tout en restant soumises à un régime déconcentré et non décentralisé. Elles étaient régies par des décrets de l'Empereur et non pas les lois s'appliquant dans l'hexagone, cette distinction étant à l'origine du principe de spécialité législative. Mais, dès 1854, la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane s'étaient vu appliquer un régime législatif spécifique, disposant d'un conseil général et étant régies par un statut d'assimilation. Les demandes formulées par la Martinique, en 1874, la Guadeloupe, en 1881, et La Réunion, en 1882, de devenir des départements français, se sont concrétisées dans la loi du 19 mars 1946, dont Aimé Césaire fut rapporteur en tenant alors un discours assimilationniste. L'article 73 de la Constitution de 1946 a achevé le mouvement en posant le principe d'assimilation et en faisant passer ces territoires du régime de spécialité législative à celui de l'identité législative.

a précisé qu'outre certaines compétences spécifiques héritées du passées, en matière fiscale essentiellement, les conseils généraux des départements d'outre-mer s'étaient vu confier par un décret d'avril 1960 la possibilité de proposer des projets d'adaptation à leur situation particulière des lois nationales. A ce sujet, il s'est étonné de l'insistance des demandes tendant à garantir cette capacité d'adaptation législative et réglementaire formulées par les élus des départements d'outre-mer eu égard aux rares utilisations qui en avaient été faites.

Puis, M. Thierry Michalon a rappelé que le Conseil constitutionnel, lors de la réforme de la décentralisation de 1982, avait censuré les dispositions permettant d'élire les conseils généraux selon un mode de scrutin autre que le scrutin majoritaire cantonal mais qu'il n'avait pas rejeté le principe d'une assemblée territoriale unique. Il a souligné que les spécificités institutionnelles des départements d'outre-mer existaient : présence de deux conseils consultatifs au lieu d'un en métropole ou encore possibilité pour les conseils généraux et régionaux de se réunir en congrès pour formuler des propositions d'évolution statutaires. Enfin, la révision constitutionnelle de 2003 a largement accru les possibilités d'adaptations législatives et réglementaires à ces territoires, en permettant à la loi d'habiliter les conseils régionaux et généraux à intervenir dans les domaines de la loi et du règlement. Ces dispositions transposent directement les possibilités qui étaient alors déjà offertes à certains territoires d'outre-mer.

rappelant notamment l'adoption en Martinique en 2002 d'une motion affirmant l'existence de la nation martiniquaise, a estimé que les populations des départements d'outre-mer partageaient la conviction de ne pas faire partie de la nation française et souhaitaient être traitées sur un pied d'égalité et non comme une subdivision de celle-ci. Selon lui, cette conviction est à l'origine du « rapport de force » permanent entre ces territoires et la France métropolitaine, qu'il a jugé être davantage une fin qu'un moyen.

Concernant la différence entre les statuts des articles 73 et 74 de la Constitution, M. Thierry Michalon a regretté que ces deux articles n'aient pas été fusionnés. En effet, le nouvel article 73 ouvre des possibilités d'adaptations très larges, qui l'éloignent du principe de l'identité législative, tandis que certaines collectivités régies par l'article 74, telles que Saint-Martin ou Saint-Barthélemy, sont largement soumises au principe d'identité législative.

a par ailleurs estimé que la principale volonté de la République, concernant les départements d'outre-mer, était celle de « ne pas faire de vagues », pareille attitude étant la conséquence directe d'un « déficit de légitimité » des institutions et du Gouvernement français en outre-mer. Il a ajouté que, selon lui, les populations ultramarines avaient pris conscience de l'inquiétude qu'elles pouvaient susciter au sein de la République française en déniant la légitimité de celle-ci ainsi que des avantages matériels qu'elles pouvaient obtenir en jouant de ce registre.

Concernant la reconnaissance des langues créoles, inscrite dans le projet de loi pour le développement économique des outre-mer, il a jugé qu'elle était inutile au vu de la consécration des langues régionales par l'article 75-1 de la Constitution. Il a considéré que le malaise identitaire vécu notamment par les populations antillaises était directement lié au développement économique de ces territoires, qu'avaient permis un taux élevé d'emploi public et des dispositifs efficaces de protection sociale. De manière générale, il a observé une résurgence des mouvements identitaires régionaux, en outre-mer comme en France métropolitaine, en Espagne ou en Allemagne, favorisée par l'amélioration des conditions de vie.

Enfin, M. Thierry Michalon a estimé que les populations des départements d'outre-mer éprouvaient encore aujourd'hui un « ressentiment » à l'égard de la République, lié aux souffrances et à l'humiliation infligées par la colonisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a relevé que les propos de M. Thierry Michalon avaient surtout concerné les Antilles et demandé si la situation à La Réunion pouvait être considérée comme différente.

Debut de section - Permalien
Thierry Michalon, maître de conférences à l'Université des Antilles et de la Guyane

a fait valoir que les présentations de la situation sociale à La Réunion étaient parfois trop optimistes. Il a observé qu'historiquement la population réunionnaise était très métissée alors que les populations antillaises opposaient noirs et blancs et a estimé que ce métissage avait permis d'éviter la bipolarisation manichéenne des rapports sociaux. Toutefois, il a estimé que les évolutions récentes pourraient signaler un rapprochement entre la situation réunionnaise et celle des Antilles.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

En réponse à M. Georges Patient, qui a rappelé les obstacles auxquels se sont heurtées les initiatives des élus des Antilles et de Guyane en matière d'adaptation réglementaire et législative, M. Thierry Michalon a reconnu que si les possibilités ouvertes par le décret d'avril 1960 avaient été peu utilisées, cela pouvait notamment résulter du fait que plusieurs initiatives s'étaient heurtées à l'inertie gouvernementale.

Puis, M. Georges Patient a interrogé M. Thierry Michalon sur l'intérêt que, selon lui, la France pouvait avoir à conserver les départements d'outre-mer. M. Thierry Michalon a estimé que la République n'avait pas d'intérêt concret à conserver les départements d'outre-mer mais était « tenue par son éthique » et se devait de respecter les engagements pris en 1946. Il a jugé que les territoires d'outre-mer ne faisaient bénéficier la France d'aucune influence particulière et rappelé que le troisième alinéa de l'article 53 de la Constitution ne permettait pas à la France de se séparer d'un territoire sans le consentement des populations concernées. La révision constitutionnelle de 2003, en mentionnant les départements d'outre-mer dans la Constitution, les a encore davantage ancrés au sein de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Lise

Enfin, M. Clause Lise a fait remarquer que le décret d'avril 1960, pris par le général de Gaulle, avait été la conséquence directe de mouvements sociaux très importants dans les départements d'outre-mer en 1959 et que l'histoire des départements d'outre-mer était jalonnée de tels enchaînements. Il a souligné que la possibilité ouverte par ce décret avait été utilisée à au moins six reprises par les conseils généraux de Martinique et de Guadeloupe et regretté que les propositions formulées n'aient jamais fait l'objet de débats au Parlement. C'est pourquoi il s'est déclaré favorable à un changement de statut de la Martinique vers l'article 74, jugeant que cette évolution était nécessaire pour bénéficier d'un pouvoir effectif d'adaptation législative. Il a enfin affirmé que les outre-mer recelaient des atouts importants qu'il convenait de s'attacher à valoriser plutôt que de s'enfermer dans des débats juridiques stériles.

Puis la mission a procédé à l'audition du général Claude Vicaire, commandant de la gendarmerie outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a rappelé que la gendarmerie nationale jouait un rôle majeur outre-mer en matière de sécurité et de maintien de l'ordre, comme elle l'avait démontré lors de la crise récente aux Antilles.

Le général Claude Vicaire, commandant de la gendarmerie nationale outre-mer, a d'abord rappelé le cadre général de l'action de la gendarmerie nationale dans les départements d'outre-mer.

Par comparaison à la métropole, où la zone de compétence de la gendarmerie nationale recouvre 95 % du territoire, 50 % de la population et 30 % des crimes et délits, la gendarmerie dans les départements français d'outre-mer a sous sa responsabilité 99 % du territoire, 70 % de la population et constate 53 % des crimes et délits.

La deuxième caractéristique de l'action de la gendarmerie outre-mer tient à la fréquence et à l'intensité des crises, qu'il s'agisse des conflits sociaux, des catastrophes naturelles ou encore de l'orpaillage illégal en Guyane. A cet égard, la gendarmerie nationale assure seule le maintien de l'ordre outre-mer, depuis le retrait des Compagnies républicaines de sécurité de la police nationale en 1993. Neuf escadrons de gendarmerie mobile sont déployés en permanence dans les départements d'outre-mer et, au plus fort de la crise récente aux Antilles, vingt-six escadrons de gendarmerie mobile.

La troisième particularité tient à la violence du contexte opérationnel, avec un risque d'agression pour les gendarmes deux fois plus élevé outre-mer qu'en métropole et un usage des armes plus fréquent, notamment en Guyane.

Enfin, alors que les départements d'outre-mer représentent 4 % des effectifs de la gendarmerie, ces territoires doivent faire face à des phénomènes de délinquance plus marqués, puisqu'ils représentent 10 % des atteintes volontaires aux personnes constatées par la gendarmerie, 17 % des violences crapuleuses et 21 % des interpellations d'étrangers en situation irrégulière.

Les résultats de l'action de la gendarmerie outre-mer sont très positifs, avec un taux de résolution des crimes et délits de 56 %, supérieur à la moyenne nationale (police et gendarmerie) de 38 % et même à la moyenne de la gendarmerie de 42 %.

Evoquant le dispositif de la gendarmerie dans les départements d'outre-mer, le général Vicaire a relevé que, avec près de 3 200 gendarmes départementaux et mobiles, les effectifs de la gendarmerie nationale avaient connu une progression limitée ces dernières années, de 62 postes entre 2003 et 2008, malgré une importante augmentation de la population en zone gendarmerie.

Il a indiqué que la gendarmerie nationale s'efforçait de compenser cette progression limitée des effectifs par un recrutement de grande qualité des gendarmes affectés outre-mer, avec un taux de sélection d'un sur trois.

Il a précisé que la gendarmerie nationale menait une politique de fidélisation, avec la possibilité pour les meilleurs éléments de prolonger leur séjour à quatre ans aux Antilles et en Guyane, puis de demander à effectuer un second séjour de même durée à La Réunion ou dans une collectivité d'outre-mer.

Il a également souligné que, même s'il n'existait pas de voie de recrutement spécifique et que, à la différence des policiers, les gendarmes étaient soumis à une obligation de mobilité, la gendarmerie nationale s'efforçait de s'appuyer sur la plus value que représentent les personnels originaires des départements d'outre-mer, en raison de leur connaissance du milieu, de la langue et de la culture créoles. Toutefois, la proportion des personnels originaires affectés dans leur département, de l'ordre de 20 à 30 % aux Antilles, reste inférieure à celle d'autres administrations, en particulier de la police nationale où cette proportion est d'environ 90 %.

Il a estimé que l'une des explications de cette faible proportion tenait d'une part à l'organisation de la gendarmerie et à sa vocation à exercer ses responsabilités sur l'essentiel du territoire et donc dans des zones éloignées, voire très isolées, et d'autre part aux réticences des personnels originaires des départements d'outre-mer de servir dans des brigades souvent éloignées des grandes villes ou de leurs intérêts familiaux.

Il a cité l'exemple de la brigade de Camopi, située en plein coeur de la forêt amazonienne, à six heures de pirogue de Saint-Georges de l'Oyapock, et dans laquelle seuls des gendarmes métropolitains, qui y vivent d'ailleurs une expérience humaine unique, acceptent de servir dans des conditions très difficiles notamment pour les familles (pas de téléphone).

Il a souligné l'atout que représente l'appartenance de la gendarmerie à l'armée, avec notamment la disponibilité liée à son statut et au logement attribué par nécessité absolue de service.

Il a également mentionné le renforcement des outils de gestion de crise, avec la mise en place des centres opérationnels dans les quatre départements d'outre-mer, la création de sections de recherche dans le domaine de la police judiciaire et la création de groupes d'intervention régionaux (GIR), en Guyane en 2006 et en Guadeloupe en 2008, ainsi que l'ouverture prochaine de GIR en Martinique et à La Réunion.

Enfin, il a cité la modernisation des moyens, en particulier aériens, avec deux hélicoptères EC145, l'un en Guyane, l'autre à La Réunion, et un hélicoptère EC135 prévu en Guadeloupe, et des moyens nautiques, avec dix véhicules nautiques à moteur (jet ski) en Guyane et deux intercepteurs, l'un en Guadeloupe, l'autre en Martinique.

Le général Vicaire a ensuite présenté la situation spécifique de chaque département d'outre-mer.

Evoquant d'abord le cas de La Réunion, il a indiqué que les effectifs de la gendarmerie étaient au nombre de 800, dont un escadron de gendarmes mobiles. Il a indiqué que, en raison de la géographie très contrastée de l'île, il avait été créé un peloton de gendarmerie de haute montagne. Il a rappelé que La Réunion présentait la particularité d'avoir une forte exposition aux risques naturels et il a indiqué que la délinquance était marquée par l'importance des atteintes volontaires à l'intégrité physique, qui représentaient 20 % de la délinquance, contre 12 % en métropole, principalement dans le milieu familial et en liaison avec l'alcoolisme.

Concernant la Martinique, qui compte 700 gendarmes, il a estimé que la situation de l'île était marquée par la banalisation de la violence, avec une augmentation de près de 50 % des coups et blessures volontaires entre 2005 et 2008, ainsi que le poids du trafic de stupéfiants, qui représente 12 % de la délinquance générale et qui a connu une progression de 150 % entre 2005 et 2008. Il a insisté sur l'importance de la coopération régionale, citant la lutte contre le trafic de drogue ou l'affaire de l'enlèvement et du meurtre de Marion Genin dans laquelle étaient impliqués des ressortissants de Sainte Lucie. En revanche, il a estimé que l'immigration illégale était peu répandue en Martinique.

Il a toutefois fait part de son inquiétude au sujet du retrait des forces de souveraineté et du 33ème RIMA, en rappelant le rôle extrêmement important joué par les armées lors des événements récents aux Antilles, en matière de soutien logistique à la gendarmerie.

Evoquant ensuite la situation de la Guadeloupe, qui compte 860 gendarmes, il s'est déclaré préoccupé par la poussée de la délinquance, illustrée par une progression de 32 % des faits constatés entre 2005 et 2008, avec une hausse de 86 % des vols à main armée, de 56 % des coups et blessures volontaires et de 37 % des homicides. Il a également mentionné l'interpellation de 732 étrangers en situation irrégulière en 2008. Enfin, il a fait part, là encore, de ses préoccupations au sujet du retrait des forces de souveraineté et du 41ème BIMA.

Concernant la Guyane, il a rapidement défini les principales caractéristiques de ce département dont la superficie, équivalente à celle du Portugal, est recouverte à 96 % de forêt équatoriale, et qui compte plus de 1 200 km de frontières avec le Brésil et le Surinam.

Il a fait valoir que la Guyane connaissait un niveau de délinquance inquiétant, avec un taux de 31 homicides pour 100 000 habitants, contre 2,6 en métropole, un taux de 380 coups et blessures volontaires contre 190 pour la métropole, et un taux de 97 vols à main armée, contre 4,7 en métropole. Il a également souligné le poids de l'immigration clandestine, avec 3 400 interpellations d'immigrés en situation irrégulière en 2008 et l'importance stratégique du centre spatial de Kourou.

Il a indiqué que 840 gendarmes étaient déployés en Guyane dont cinq escadrons de gendarmerie mobile, dédiés à la protection du centre spatial et à la lutte contre l'orpaillage illégal.

Evoquant ensuite l'orpaillage illégal en Guyane, il a indiqué que ce phénomène se traduisait par un pillage des ressources naturelles, estimé à 10 tonnes d'or extraites par an de manière illégale sur environ 350 sites, des atteintes graves à l'environnement, notamment par la déforestation, la dégradation des milieux aquatiques et la pollution au mercure, ainsi que par un appel à l'immigration illégale, principalement en provenance du Brésil, et une criminalité induite.

Il a mentionné les résultats très positifs de l'opération « Harpie » en 2008, qui s'était traduite par une concentration exceptionnelle de moyens, avec un renfort de 150 gendarmes, appuyés par 360 militaires des forces armées guyanaises (FAG) et plusieurs hélicoptères, ayant permis, au cours des 200 missions menées en quatre mois, d'interpeller 780 étrangers en situation irrégulière, de saisir 19 kilos d'or et 193 kilos de mercure.

Il a indiqué que, la stratégie suivie antérieurement ayant montré ses limites, les sites illégaux d'orpaillage détruits par la gendarmerie et les FAG étant reconstruits en général dans les vingt jours, cette opération avait développé une approche plus proactive et globale, axée sur le contrôle du trafic fluvial afin d'empêcher l'approvisionnement des sites d'orpaillages, la destruction des sites réputés les plus productifs et le démantèlement des réseaux et des filières par une action de police judiciaire.

Devant le succès de l'opération et face au déplacement de l'orpaillage illégal vers le Sud de la Guyane, il a indiqué que le Président de la République avait décidé de la prolonger et de reconduire ce dispositif.

En conclusion, le général Vicaire a estimé que la gendarmerie outre-mer était confrontée à trois défis : la montée de la criminalité dans la zone Antilles-Guyane, avec l'apparition d'une criminalité violente de type sud-américain qui se caractérisée par un nombre élevé d'homicides et d'enlèvements ; le retrait annoncé des forces de souveraineté ; la départementalisation de Mayotte au regard de la lutte contre l'immigration illégale.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Interrogé par M. Eric Doligé, rapporteur, sur les écarts de rémunération entre les gendarmes affectés en métropole et outre-mer, le général Vicaire a répondu qu'un gendarme affecté dans les Antilles bénéficiait d'un taux d'indexation de 1,27.

Il a indiqué que le passage des gendarmes outre-mer permettait de tester les personnels dans des conditions difficiles, de déceler les meilleurs éléments et de constituer ainsi un réservoir de compétences, notamment pour les missions prévôtales ou les opérations délicates à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Estimant que la situation concernant l'orpaillage illégal s'était à nouveau fortement dégradée en Guyane et qu'elle requérait une réponse urgente, M. Georges Patient a souhaité avoir des précisions sur la prolongation de l'opération « Harpie », ainsi que sur la coopération avec les pays voisins sur ce sujet.

Le général Vicaire a précisé que l'opération « Harpie » avait été reconduite au mois d'avril dernier. Il a indiqué qu'il existait une réelle volonté de renforcer la coopération dans ce domaine de la part du Brésil, à la suite de la rencontre des deux présidents, mais aussi plus récemment de la part du Surinam, avec notamment des opérations conjointes.

Interrogé par M. Georges Patient au sujet de la sécurité autour du centre spatial guyanais de Kourou, le général Vicaire s'est déclaré préoccupé par l'arrivée massive d'une population qui, si elle peut bénéficier de logements sociaux, n'a aucune perspective de formation et d'emploi. Il souligne les risques de tensions sociales qui pourraient apparaître du fait de la coexistence sur le même territoire d'une communauté composée de chercheurs et de techniciens aux revenus élevés et particulièrement sensible aux questions de sécurité, et de populations défavorisées. Il indique que les effectifs de la gendarmerie ne sont plus adaptés à l'évolution quasi exponentielle d'une population désoeuvrée et sans véritable perspective d'avenir et d'emploi. Il craint enfin, que le développement artificiel et déséquilibré de la ville de Kourou, ne crée, à terme, une véritable bombe sociale sur un site qui, paradoxalement, constitue le fleuron du programme spatial européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Lise

tout en rendant hommage à la qualité des personnels de la gendarmerie nationale, s'est demandé si le faible nombre de personnes originaires des départements d'outre-mer parmi les gendarmes affectés outre-mer, notamment lors des manifestations récentes aux Antilles, n'avait pas contribué à exacerber les tensions au sein de la jeunesse, en véhiculant l'image dans l'opinion d'un affrontement entre une population noire et des gendarmes blancs, qui rappelait la période de la colonisation. Il s'est donc interrogé sur le point de savoir si la gendarmerie, comme les autres administrations publiques, ne devait pas mettre en place une politique volontariste afin de favoriser le recrutement de personnels locaux. Enfin, il a estimé que l'augmentation de la délinquance était liée à la situation économique et sociale des départements d'outre-mer, et notamment l'importance du chômage, qui touche un jeune sur deux.

En réponse, le général Vicaire a indiqué que, à la différence de la police nationale, la gendarmerie se caractérisait par une obligation de mobilité, chaque gendarme originaire d'un département d'outre-mer devant d'abord passer une certaine période en métropole avant d'être affecté dans son département, mais pour une durée qui ne peut excéder au total neuf ans (six ans éventuellement prolongés, sur demande, de trois ans), puis revenir ensuite en métropole, sa carrière professionnelle alternant ainsi des postes en métropole et outre-mer, étant entendu que chaque gendarme originaire est assuré d'avoir une dernière affectation dans son département d'origine en fin de carrière. Il a également mentionné les contraintes propres au métier de gendarme, qui nécessitaient une procédure particulièrement rigoureuse de sélection reposant sur des critères à la fois physiques, intellectuels et psychologiques.

Rappelant que l'action de la gendarmerie mobile lors de la crise aux Antilles avait été unanimement saluée pour la mesure avec laquelle elle s'était faite, il a estimé nettement préférable que les gendarmes départementaux originaires des DOM, servant dans leur propre département, ne soient pas utilisés au maintien de l'ordre contre leurs concitoyens lors des manifestations, car, à la différence des gendarmes mobiles, ils avaient vocation à demeurer sur place après les événements. Ils ont donc un rôle important à jouer en matière de dialogue avec leurs concitoyens afin d'éviter les affrontements et, dans le cas où ceux-ci sont inéluctables, de renouer le dialogue à l'issue des incidents. Ainsi, la gendarmerie a érigé en principe le fait de ne jamais engager au maintien de l'ordre des gendarmes affectés dans leur département d'origine afin de préserver leur capacité à remplir, ultérieurement, toutes les missions qui sont les leurs.

Rappelant enfin que la gendarmerie nationale comptait huit siècles d'existence et que sa force tenait à sa valeur morale et à son ancrage auprès des populations, le général Vicaire s'est déclaré fier d'appartenir à une institution dont le nom est devenu le symbole du respect de la loi, et qui a donné naissance à une métonymie au point que le terme de « gendarme » soit utilisé dans le langage courant comme image et symbole de toute fonction d'autorité, de contrôle et de régulation (COB, gendarme de la bourse, États-Unis gendarmes du monde,...).