Intervention de Marcel Deneux

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 février 2007 : 1ère réunion
Déplacement au brésil — Communication

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux :

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu M. Marcel Deneux sur son déplacement au Brésil dans le cadre d'un voyage effectué avec le pôle de compétitivité Champagne-Ardennes.

Il a d'abord précisé que cette mission du pôle « Industries & Agro-Ressources » des régions françaises Champagne-Ardennes et Picardie s'était déroulée du 27 novembre au 1er décembre 2006, en deux phases, à savoir un colloque de trois jours à Brasilia sur les biocarburants et un programme de visite dans la région de Sao Paulo. Précisant que la délégation française se composait d'une cinquantaine de personnes issues, notamment, de trois universités, de l'Institut français du pétrole, des ministères du développement durable et de l'agriculture, il a expliqué que l'objectif de cette mission était de mieux appréhender la réalité des biocarburants dans un pays qui est le leader mondial pour l'éthanol, carburant à base de canne à sucre, et de détecter, également, des possibilités de collaboration scientifique, technologique, voire industrielle à différents niveaux de la chaîne de valeur des biocarburants.

Il a déclaré que la politique brésilienne dans le domaine des biocarburants se caractérisait à la fois par son ambition -satisfaire, à terme, 5 à 10 % du marché mondial des carburants liquides- et sa cohérence, qui portait la marque du très influent ministère des affaires étrangères brésilien.

Il a ensuite présenté les grands chiffres caractérisant le Brésil : une population de 180 millions d'habitants, un PIB par tête de 3.100 dollars (à comparer au chiffre français de 26.000 dollars), une croissance économique annuelle de 5 % depuis quelques années, une inflation égale à 7,6 %, un chômage de 12 %, prévu pour revenir à 9 % en 2007, un budget en équilibre et un commerce extérieur excédentaire de 33 milliards de dollars, le déficit des échanges extérieurs de la France avec le Brésil atteignant 700 millions de dollars. Afin de donner quelques ordres de grandeur en matière agricole, il a indiqué que la superficie totale du pays était de 850 millions d'hectares (contre 30 en France) et que la surface agricole utile atteignait 360 millions d'hectares, dont 200 millions d'hectares de prairies, 22 millions d'hectares de soja et 6 millions d'hectares de canne à sucre. Il a fait observer que la conquête des terres « vierges » du Brésil n'était pas terminée, même si elle était en train de se ralentir.

S'agissant de la situation des biocarburants, M. Marcel Deneux a souligné que la production d'éthanol à partir de la canne à sucre était ancienne, mais qu'elle avait connu trois accélérations successives : en 1972-73, suite au premier choc pétrolier, au cours des années 90 avec le développement des exportations du sucre, et depuis le début des années 2000, avec le développement de la production de l'alcool lié à la crise pétrolière mondiale et l'apparition de véhicules « flexfuel ». Il a noté qu'il y avait aujourd'hui 346 usines en fonctionnement, que 46 étaient en construction et que 47 nouveaux projets venaient d'être approuvés. Précisant que la production annuelle actuelle était d'environ 386 millions de tonnes de canne à sucre débouchant, outre le sucre, sur 170 millions d'hectolitres d'alcool, il a relevé que le coût de production de l'hectolitre d'alcool était revenu en vingt ans de 90 dollars par tonne à 30 euros par tonne, grâce aux gains de productivité obtenus sous l'effet d'une politique sans commune mesure avec celle, pourtant active, déployée par la France en matière de biocarburants.

Il a expliqué que la production s'organisait sous forme de « clusters » autour d'une sucrerie associée à une distillerie, ce qui permettait d'ajuster la production en fonction des marchés du sucre et de l'alcool. Il a relevé que la vinasse était la plupart du temps recyclée dans les champs proches de l'usine, mais les incidences environnementales de cette pratique conduisaient de plus en plus à une valorisation énergétique par méthanisation.

Il a ensuite précisé que la production de biodiesel s'était développée de manière beaucoup plus récente et restait encore très modique par rapport à la production d'éthanol. Après avoir rappelé que le diesel était réservé au Brésil aux véhicules utilitaires, il a fait état d'un changement politique à l'égard du biodiesel, aujourd'hui seulement conseillé aux utilitaires et aux camions, mais destiné à devenir obligatoire pour 5 % d'entre eux à partir de 2013. Concernant le rendement de cette production, il a indiqué que l'ambition était de passer d'une production moyenne de 600 litres à 6.000 litres par hectare. Quant à la valorisation de la glycérine, il a relevé qu'elle faisait l'objet de recherches actives. Observant enfin qu'une sole d'oléagineux pouvait être placée entre deux cultures de canne à sucre et avait souvent des effets très bénéfiques, il a jugé que cela pouvait inciter les complexes sucriers à implanter un atelier dédié au biodiesel.

Abordant enfin les carburants de deuxième génération, il a estimé qu'ils faisaient l'objet d'un vif intérêt de la part de l'administration brésilienne, qui avait lancé des programmes de recherche concernant l'hydrogénisation de l'huile végétale non raffinée et la fabrication de biodiesel à partir d'huile de ricin et d'alcool.

a ensuite insisté sur ce que la délégation française avait pu percevoir à travers ses rencontres au Brésil. Il a relevé que le ministre brésilien de l'agriculture avait présenté la question des biocarburants comme une « cause nationale » et profité de la présence d'une délégation française importante pour faire passer plusieurs messages, notamment sur la capacité de son pays à produire et exporter des biocarburants dans des conditions « socialement et écologiquement soutenables ». Il a notamment fait observer que le ministre avait déclaré que le développement de la culture de canne ne se ferait pas au détriment de la déforestation de la forêt amazonienne. Mettant en doute le caractère irréprochable, sur le plan environnemental, de l'agriculture brésilienne, M. Marcel Deneux a remarqué que des voix s'élevaient, même au Brésil, pour dénoncer les atteintes à l'environnement de l'agriculture intensive. Il a néanmoins noté le souci de la part des représentants des pouvoirs politiques brésiliens de placer la question des biocarburants dans le contexte des grands enjeux environnementaux auxquels l'ensemble de la planète devra faire face.

Revenant sur le sujet de l'éthanol, il a fait valoir l'augmentation de la productivité en sucre de 1 % par an depuis 30 ans et jugé que le Brésil était entré « dans l'âge mûr » du bioéthanol de première génération, le marché intérieur de l'alcool-carburant correspondant actuellement à 35 % en volume des carburants des véhicules légers. Il a jugé que c'était désormais vers l'exportation que s'orientaient maintenant les ambitions brésiliennes, comme le prouvaient la construction d'infrastructures spécifiques de transport par pipelines et d'un terminal d'exportation, l'idée étant d'affréter au retour les pétroliers venus d'Arabie Saoudite aux Etats-Unis.

S'agissant de la production d'éthanol de deuxième génération, il a estimé que l'hydrolyse enzymatique de la cellulose représentait un enjeu mondial, auquel serait d'ailleurs consacré le futur centre de recherches sur la fermentation enzymatique destiné à s'implanter en Haute-Marne, mais que les Brésiliens, sans attendre, s'étaient engagés dans l'hydrolyse acide et avaient développé le concept de « bio-raffinerie », orienté essentiellement sur la production d'éthanol.

a conclu en indiquant que le développement fulgurant des véhicules de type « flexfuel » -fonctionnant à 85 % à l'éthanol-, qui représentaient 80 % des ventes de véhicules neufs aujourd'hui, attestait du choix politique du Brésil de miser prioritairement sur l'éthanol pour les années à venir. Il a jugé que la France aurait tout intérêt à soutenir activement la mise en place d'une politique européenne de l'énergie, où elle jouerait un rôle actif.

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