Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 juin 2010 : 2ème réunion
Audition de M. François Auque président-directeur général de eads astrium

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

Le débat sur la défense antimissile est relancé à l'OTAN, avec la volonté des Etats-Unis et du Secrétaire général de mentionner explicitement la défense des territoires et des populations contre les missiles balistiques parmi les missions de l'Alliance, à l'occasion de la révision du concept stratégique qui sera entérinée au sommet de Lisbonne, au mois de novembre.

Dans son principe, une telle décision soulève des questions politiques et stratégiques que nous avons eu l'occasion d'évoquer lors des auditions précédentes.

Mais au-delà du principe même d'une défense antimissile des territoires, sa réalisation concrète comporte des enjeux extrêmement importants au plan financier, technologique et industriel.

Nous avons bien compris que les chiffres avancés par M. Rasmussen -un investissement supplémentaire inférieur à 200 millions d'euros- ne concernaient que le système de commandement et de contrôle. Une défense effective des territoires impliquera de se doter de nombreux autres moyens de détection et d'interception.

La France doit-elle et peut-elle développer, seule ou en coopération, des moyens de détection et d'interception ? Quel serait l'effort financier nécessaire et serait-il justifié au regard des enjeux stratégiques en cause ?

Plusieurs de nos groupes industriels disposent de certaines compétences dans des technologies pouvant concourir à la défense antimissile.

Il nous a paru nécessaire de consulter ces industriels afin d'apprécier le stade qu'ils ont atteint dans la maîtrise de ces technologies et le chemin qu'il reste à parcourir pour qu'ils puissent éventuellement contribuer à ce futur système de défense antimissile.

Nous entendrons la semaine prochaine trois groupes qui participent au programme de missile de théâtre Aster : MBDA, Thales et Safran. Astrium réalise nos missiles balistiques et travaille sur un concept d'intercepteur exo-atmosphérique, l'Exoguard. Astrium est également engagé dans notre programme d'alerte spatiale sur les lancements de missiles balistiques, avec le démonstrateur Spirale et un projet de satellite opérationnel qui devrait être initié dans deux ans pour une mise en service, selon la loi de programmation, en 2019.

Nous souhaiterions que vous nous présentiez la vision d'Astrium sur ce débat relatif à la défense antimissile, l'état actuel de vos travaux, le potentiel des développements futurs et les enjeux pour l'avenir de vos savoir-faire.

Je souhaiterais également que vous précisiez en quoi le positionnement de vos capacités diffère de celui des autres industriels que j'ai mentionnés, afin que nous comprenions si les différentes propositions sont alternatives, compatibles ou complémentaires.

M. François Auque - Permettez-moi tout d'abord de rappeler qu'Astrium est en charge de la conception, du développement, de la production et du maintien en condition opérationnelle des missiles embarqués à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de la force de dissuasion française. Nous sommes la seule entreprise à le faire en Europe et la seconde la plus performante au monde, en ce domaine, après Northrop Grumman. Or pour comprendre le comportement d'un missile balistique et s'en protéger, celui qui le fabrique dispose a priori d'une certaine qualification.

Ce préalable effectué, en quoi consiste la défense anti-missiles balistiques (DAMB) ? C'est un ensemble de quatre grandes compétences.

La première d'entre elles, la plus importante, est la compétence système ou compétence d'architecture, à savoir l'expertise technique pour concevoir, assembler et mettre en oeuvre un système de missiles d'interception. Or, encore une fois, nous sommes architectes de la dissuasion française, ce qui nous confère un certain savoir-faire et donc une certaine légitimité en la matière.

En second lieu, pour se protéger d'un missile, il faut pouvoir identifier d'où il part, quand il part et si c'est bien un missile, s'il en possède la signature. Pour cela, il faut des satellites d'alerte avancée. Or, en collaboration avec Thales, nous sommes les seuls à pouvoir le faire. Nous avons un démonstrateur -Spirale- qui vole et qui a déjà accompli sa mission et bien plus que sa mission.

Troisièmement, il faut mettre en oeuvre des radars pour modéliser -dans un temps très rapide- la trajectoire de ce missile, c'est-à-dire où il va arriver et quand. Comme, par définition, il s'agit d'un missile balistique, il suffit de savoir quel est le point de départ et les coordonnées d'un point de passage. Cela doit se faire en moins de 15 minutes.

Enfin, il faut la compétence pour l'intercepter, ce qui suppose de savoir où on veut l'intercepter et comment. S'agit-il de l'intercepter alors qu'il est en phase exo-atmosphérique, ce qui permet de protéger une zone beaucoup plus large, ou s'agit-il de l'intercepter beaucoup plus près de ce qu'il est convenu d'appeler le « théâtre », c'est-à-dire dans un rayon d'une centaine de kilomètres autour du point d'impact présumé. Dans le dernier cas, c'est de la défense aérienne élargie.

Thales fait des radars, MBDA fait des missiles tactiques, Astrium fait de l'architecture globale. Nous sommes un des grands partenaires européens de l'OTAN. Nous sommes le maître d'oeuvre des satellites de détection avancés. Nous sommes le maître d'oeuvre de la dissuasion, nous sommes les seuls à pouvoir mettre en oeuvre de la DAMB exo atmosphérique.

Dans ce contexte, qu'est-ce qui est important dans la DAMB, du point de vue des industriels ? Je vous soumets quelques éléments de réflexion.

Premièrement, Astrium travaille pour le ministère de la défense sur la surveillance de la prolifération. Or la menace progresse. Les progrès de la compétence de l'Iran nous ont tous beaucoup surpris.

En second lieu, il y a eu une redéfinition de la position de l'administration américaine qui est redevenue beaucoup plus réaliste.

C'est ce qu'ils appellent « la phase adaptative ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion