Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. François Auque, président-directeur général de EADS Astrium.
Le débat sur la défense antimissile est relancé à l'OTAN, avec la volonté des Etats-Unis et du Secrétaire général de mentionner explicitement la défense des territoires et des populations contre les missiles balistiques parmi les missions de l'Alliance, à l'occasion de la révision du concept stratégique qui sera entérinée au sommet de Lisbonne, au mois de novembre.
Dans son principe, une telle décision soulève des questions politiques et stratégiques que nous avons eu l'occasion d'évoquer lors des auditions précédentes.
Mais au-delà du principe même d'une défense antimissile des territoires, sa réalisation concrète comporte des enjeux extrêmement importants au plan financier, technologique et industriel.
Nous avons bien compris que les chiffres avancés par M. Rasmussen -un investissement supplémentaire inférieur à 200 millions d'euros- ne concernaient que le système de commandement et de contrôle. Une défense effective des territoires impliquera de se doter de nombreux autres moyens de détection et d'interception.
La France doit-elle et peut-elle développer, seule ou en coopération, des moyens de détection et d'interception ? Quel serait l'effort financier nécessaire et serait-il justifié au regard des enjeux stratégiques en cause ?
Plusieurs de nos groupes industriels disposent de certaines compétences dans des technologies pouvant concourir à la défense antimissile.
Il nous a paru nécessaire de consulter ces industriels afin d'apprécier le stade qu'ils ont atteint dans la maîtrise de ces technologies et le chemin qu'il reste à parcourir pour qu'ils puissent éventuellement contribuer à ce futur système de défense antimissile.
Nous entendrons la semaine prochaine trois groupes qui participent au programme de missile de théâtre Aster : MBDA, Thales et Safran. Astrium réalise nos missiles balistiques et travaille sur un concept d'intercepteur exo-atmosphérique, l'Exoguard. Astrium est également engagé dans notre programme d'alerte spatiale sur les lancements de missiles balistiques, avec le démonstrateur Spirale et un projet de satellite opérationnel qui devrait être initié dans deux ans pour une mise en service, selon la loi de programmation, en 2019.
Nous souhaiterions que vous nous présentiez la vision d'Astrium sur ce débat relatif à la défense antimissile, l'état actuel de vos travaux, le potentiel des développements futurs et les enjeux pour l'avenir de vos savoir-faire.
Je souhaiterais également que vous précisiez en quoi le positionnement de vos capacités diffère de celui des autres industriels que j'ai mentionnés, afin que nous comprenions si les différentes propositions sont alternatives, compatibles ou complémentaires.
M. François Auque - Permettez-moi tout d'abord de rappeler qu'Astrium est en charge de la conception, du développement, de la production et du maintien en condition opérationnelle des missiles embarqués à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de la force de dissuasion française. Nous sommes la seule entreprise à le faire en Europe et la seconde la plus performante au monde, en ce domaine, après Northrop Grumman. Or pour comprendre le comportement d'un missile balistique et s'en protéger, celui qui le fabrique dispose a priori d'une certaine qualification.
Ce préalable effectué, en quoi consiste la défense anti-missiles balistiques (DAMB) ? C'est un ensemble de quatre grandes compétences.
La première d'entre elles, la plus importante, est la compétence système ou compétence d'architecture, à savoir l'expertise technique pour concevoir, assembler et mettre en oeuvre un système de missiles d'interception. Or, encore une fois, nous sommes architectes de la dissuasion française, ce qui nous confère un certain savoir-faire et donc une certaine légitimité en la matière.
En second lieu, pour se protéger d'un missile, il faut pouvoir identifier d'où il part, quand il part et si c'est bien un missile, s'il en possède la signature. Pour cela, il faut des satellites d'alerte avancée. Or, en collaboration avec Thales, nous sommes les seuls à pouvoir le faire. Nous avons un démonstrateur -Spirale- qui vole et qui a déjà accompli sa mission et bien plus que sa mission.
Troisièmement, il faut mettre en oeuvre des radars pour modéliser -dans un temps très rapide- la trajectoire de ce missile, c'est-à-dire où il va arriver et quand. Comme, par définition, il s'agit d'un missile balistique, il suffit de savoir quel est le point de départ et les coordonnées d'un point de passage. Cela doit se faire en moins de 15 minutes.
Enfin, il faut la compétence pour l'intercepter, ce qui suppose de savoir où on veut l'intercepter et comment. S'agit-il de l'intercepter alors qu'il est en phase exo-atmosphérique, ce qui permet de protéger une zone beaucoup plus large, ou s'agit-il de l'intercepter beaucoup plus près de ce qu'il est convenu d'appeler le « théâtre », c'est-à-dire dans un rayon d'une centaine de kilomètres autour du point d'impact présumé. Dans le dernier cas, c'est de la défense aérienne élargie.
Thales fait des radars, MBDA fait des missiles tactiques, Astrium fait de l'architecture globale. Nous sommes un des grands partenaires européens de l'OTAN. Nous sommes le maître d'oeuvre des satellites de détection avancés. Nous sommes le maître d'oeuvre de la dissuasion, nous sommes les seuls à pouvoir mettre en oeuvre de la DAMB exo atmosphérique.
Dans ce contexte, qu'est-ce qui est important dans la DAMB, du point de vue des industriels ? Je vous soumets quelques éléments de réflexion.
Premièrement, Astrium travaille pour le ministère de la défense sur la surveillance de la prolifération. Or la menace progresse. Les progrès de la compétence de l'Iran nous ont tous beaucoup surpris.
En second lieu, il y a eu une redéfinition de la position de l'administration américaine qui est redevenue beaucoup plus réaliste.
C'est ce qu'ils appellent « la phase adaptative ».
Exactement. Ce qui impose à l'Europe de se repositionner par rapport à cette évolution doctrinale. A partir du moment où on entre dans un système qui est à portée de main, la nécessité de se repositionner est d'autant plus grande. Si l'on accepte le fait que l'OTAN doive mettre en oeuvre une DAMB, les Européens devront participer soit en espèces, soit en nature. En tant qu'industriels, nous préférons évidemment que cela se fasse en nature, et cette préférence est d'autant plus légitime que nous disposons des briques technologiques, ce qui est particulièrement vrai pour la France, que ce soit en matière d'alerte avancée, d'architecture ou d'intercepteurs.
Cette contribution en nature, quelle peut-elle être ? Il peut s'agir de la mise à disposition d'un satellite d'alerte avancée, d'une coopération sur les intercepteurs, sur les radars etc.
Ce qui nous semble important c'est que nous avons un démonstrateur d'alerte avancée qui fonctionne parfaitement et qui a été développé à peu de frais, puisqu'il a coûté 120 millions d'euros. Sa transformation en programme pour une mise en service seulement en 2019 entraînera des coûts plus importants. Il ne faut pas repousser indéfiniment l'échéance car plus on la repousse, plus on perd de la compétence. Or, l'attitude des responsables américains vis-à-vis de la France a notablement évolué depuis que ce démonstrateur fonctionne. En second lieu, il nous semble important de poursuivre les études d'architecture dans le cadre de l'OTAN. Enfin, Astrium, Thales, MBDA et Safran doivent s'efforcer de travailler ensemble sur les intercepteurs. Il faudrait pour cela un programme d'études amont (PEA) de la DGA.
Nous savons que les Etats-Unis ont une avance technologique tout à fait importante. Cela fait des décennies qu'ils travaillent sur la guerre des étoiles. Ne sommes nous pas le petit Poucet qui vient troubler le jeu ? Est-ce que les Américains ont besoin de nous pour faire la DAMB ?
La réponse est simple : technologiquement non ; politiquement oui. Néanmoins nos atouts ne sont pas négligeables. Nous venons de valider le développement du missile M51. Sous des conditions parfaites, puisque nous n'avons eu besoin que de quatre essais seulement pour le qualifier. S'agissant du satellite d'alerte avancée, un tel satellite a en réalité deux visages : celui apparent de la détection ; celui plus discret, mais en pratique plus important, de contrôle de la prolifération. Un tel satellite apporte un confort dans la dissuasion. Or, la France est le seul pays en Europe à détenir ce savoir-faire. Et, dans le monde, nous sommes trois pour l'instant : les Américains, les Russes et les Français. Ce qui nous donne un avantage non négligeable, car dans les études d'architecture, nous savons ce qu'est un missile balistique. Les Etats-Unis sont évidemment leaders compte tenu des sommes consacrées à ces programmes. Mais notre pays est le seul en Europe et peut-être dans le monde à être en situation de parler sur ce sujet aux Etats-Unis.
Les Etats-Unis investissent massivement dans la DAMB depuis plusieurs années. Qu'on le veuille ou non, cette idée va faire son chemin au sein de l'OTAN. Au sommet de Lisbonne, elle va sans doute être acceptée. La France est une des rares puissances européennes à posséder une compétence dans le domaine. Le risque c'est de perdre nos compétences. Ne devons nous pas montrer qu'on sait faire un intercepteur, afin de crédibiliser l'ensemble des briques technologiques dont nous disposons ? Par ailleurs, il y a également dans cette affaire un enjeu de crédibilité de notre dissuasion. Ne perdrions nous pas de la crédibilité en ne développant pas certaines compétences ? Ma troisième question tient au fait que certains pays, dont la Chine, se préoccupent d'armes antisatellites. N'y a-t-il pas un lien entre cela et la DAMB ? Concernant Galileo, c'est un programme qui semble aussi désespérant que les drones ou l'A400M. Où en sommes-nous ? Enfin, même question s'agissant de Musis ?
Un des apports en nature pourrait concerner cette technologie des intercepteurs.
Première hypothèse, on parle d'un intercepteur exo-atmosphérique. Dans ce cas il faudrait faire un petit véhicule spatial de l'ordre de 2 m sur 2 m, avec un lanceur capable d'intercepter un missile balistique. Comme nous sommes dans l'espace, on peut détecter les missiles à 1 500 km ou 2 000 km. Nous avons déjà fait l'ATV, qui est le véhicule qui a relié la station spatiale européenne à une vitesse de l'ordre de 28 000 km/h et avec une précision d'amarrage de l'ordre du centimètre. Donc si nous savons faire l'ATV, nous savons faire ce type d'intercepteur et savons en estimer le coût. J'ajoute que nous avons en France un atout important avec le champ de tir de Biscarosse qui permettrait d'effectuer le lancement de ce démonstrateur dans l'espace. La France a tous ces outils mais traverse une phase budgétaire délicate. Ce choix serait très pertinent pour un coût limité. Un PEA coûterait environ 50 millions d'euros pendant cinq ou six ans. Il permettrait de gagner du temps en attendant de savoir si l'Europe peut développer ses capacités dans ce domaine plutôt que d'acheter sur étagère.
Deuxième hypothèse, on parle d'un intercepteur du type des missiles SM3 américains qui vont être lancés à partir de navires, ou d'emplacements terrestres à tel ou tel endroit. Ils seront capables d'intercepter une menace entre 2020 et 2040. Mais si vous ne savez pas ce qu'est une menace balistique, c'est un peu difficile de discuter avec les Etats-Unis.
Deuxième réponse, nous ne sommes pas les seuls à discuter de la DAMB. D'autres pays le font de façon beaucoup plus discrète. Il s'agit de la Russie et de la Chine. La DAMB est nécessaire pour crédibiliser leur dissuasion en faisant l'acquisition des paramètres des défenses que nous-mêmes allons devoir percer dans cinq ou dix ans.
S'agissant d'armes antisatellites, il faut dire qu'elles sont beaucoup plus faciles à réaliser que les armes anti-missiles. Un satellite, vous savez a priori où il se trouve, c'est-à-dire sur quelle orbite, à quelle vitesse, et il n'en change pas, ou peu. Les Chinois ont fait la preuve en 2007 de leur capacité à intercepter un satellite qu'ils avaient eux-mêmes lancé. Trois ans plus tard, ils ont fait la même démonstration sur un missile. Nous avons besoin de nous protéger en ayant nous-mêmes les mêmes capacités d'interception.
La question se pose de savoir comment protéger nos propres satellites ? En fait, le seul moyen efficace est de dissuader l'adversaire en menaçant de détruire ses propres satellites. La seule alternative serait d'être capable de renforcer les satellites détruits très rapidement. Mais ça coûte beaucoup plus cher.
S'agissant de Galileo, Astrium et Thales Alenia Space (TAS) sont responsables de la première phase de déploiement consistant en la mise en orbite de quatre satellites. C'est l'Agence spatiale européenne qui était responsable de cette phase, avec on le sait l'application de ses principes, à savoir « préférence européenne » et application, la plus intelligente possible, du principe du « juste retour ». TAS et Astrium, qui ont été choisies pour cette première phase, sont sans doute les entreprises les plus qualifiées d'Europe. Pour que Galileo fonctionne, il faut trente-deux satellites. Or, les autres financements sont venus de l'Union européenne et l'Union n'applique pas du tout le principe de préférence européenne, mais celui de concurrence pure et parfaite. L'application de ce principe a conduit à choisir une autre équipe, en l'occurrence avec du contenu américain, complètement différente de la première pour déployer les autres satellites. On est donc reparti de zéro et on fait un nouveau développement. La conséquence de cette décision c'est que le budget sur lequel ils ont remporté l'appel d'offres ne sera pas tenu et que les délais sont irréalistes.
S'agissant de Musis : nous avons fait une proposition, acceptée par le ministère de la défense, avec Astrium comme maître d'oeuvre et TAS pour la fourniture des satellites (CSO Composante Spatiale Optique). Or, il faut absolument signer le contrat avant la fin de l'année pour que le satellite soit en vol avant 2016. Hélios a une durée de vie contractuelle jusqu'en 2015. Mais ce n'est qu'une durée de vie contractuelle. Il peut très bien heurter un débris, subir une panne etc... Il existe un risque évident de faire reposer la capacité française de renseignement satellitaire sur l'hypothèse que la durée de vie réelle du seul satellite dont elle dispose sera égale à la durée de vie contractuelle, c'est quand même prendre un vrai risque.
Les menaces de guerre contre les satellites me paraissent effectivement probables et notre défense doit reposer sur le concept de dissuasion. Toutefois, qu'en est-il en cas de saturation de l'espace par l'ennemi ? Autre question : combien cela va coûter ? Le secrétaire général de l'OTAN parle de 200 millions d'euros. Est-ce réaliste ? Enfin, au niveau politique, qui prendra la décision d'intercepter ? L'Iran est dans son bon droit de regarder son environnement, et de voir qu'à côté de lui, il y a deux puissances nucléaires, pardon trois avec la Turquie, dont deux n'ont pas signé le traité de non prolifération. Je pense que Georges W. Bush a fait beaucoup de mal en plaçant l'Iran dans l'axe du mal, alors même que ce pays aidait les Occidentaux dans l'affaire afghane.
Vous avez raison, les règles d'engagement sont fondamentales. Il vaut mieux les déterminer avant puisque le délai disponible pour décider de l'interception n'est que de quinze minutes. La réponse à votre question dépend du politique non de l'industriel.
Ce qui est important c'est ce qui se passe sur les éléments d'architecture le « C3I ». Nous travaillons là-dessus avec Thales. Nous avons la capacité de modéliser une telle architecture et d'en déterminer le coût. Astrium sur le satellite d'alerte, Thales sur le SCOA (système de commandement des opérations aériennes). Mais ce qui manque à la France par rapport aux Etats-Unis aujourd'hui, c'est d'être crédible en matière d'interception. S'agissant d'une attaque saturante, s'il s'agit de missiles de type SCUD, c'est une réponse de couche basse avec des intercepteurs de type Aster, SAMP/T. La France a commandé quelques centaines de missiles Aster. S'il s'agit de missiles à plus longue portée (3 000 à 4 000 kms), la technologie est celle des lanceurs. Ce qui suppose une grosse capacité de production pour produire ce type de missiles, en dehors des Etats-Unis et de la Russie.
S'agissant du coût, nous avons indiqué que celui du démonstrateur était de 120 millions d'euros, mais il faut savoir qu'un programme destiné à produire un intercepteur exo-atmosphérique est de l'ordre du milliard d'euros. Après cela, le coût unitaire d'un intercepteur est de l'ordre de dix millions d'euros. C'est à peu près ce que coûte un SM3 aux Etats-Unis. Il ne faut pas oublier que les budgets américains sont très supérieurs aux budgets européens. Le budget Espace de la Nasa est dix fois supérieur à celui de l'Europe et les crédits affectés à la recherche dans le domaine spatial par les Etats-Unis sont dix-sept fois supérieurs. Pour autant cela n'a pas empêché l'Europe d'avoir le lanceur Ariane qui est le premier lanceur commercial au monde ni d'avoir une station spatiale à elle.
En matière budgétaire, ne faut-il pas redouter des coupes fortes dans le domaine anticipation-renseignements. Quelles en seraient les conséquences ?
Il n'y a pas encore eu, à ma connaissance, d'arbitrage. Cependant, il serait paradoxal qu'après avoir construit un Livre blanc qui met en avant la fonction connaissance et anticipation, le Gouvernement décide de réduire ce qui constitue le coeur de la réactualisation de la vision stratégique. Comme je l'ai indiqué, une absence de signature du contrat Musis en octobre ne permettra pas à Astrium d'assurer la continuité du service Hélios. Le coût global de possession renseignement d'origine électromagnétique coûte de l'ordre de soixante millions d'euros par année opérationnelle. Nous ne pouvons maintenir les équipes à ne rien faire. On risque de sacrifier l'investissement effectué à très bon prix, en lançant Spirale et Essaim. Repousser le programme Spirale au-delà de 2019 entraînerait des économies de l'ordre de 100 millions d'euros par an sur la période, mais conduirait vraisemblablement à perdre les compétences que nous avons aujourd'hui.
La DAMB est un sujet nouveau. J'observe qu'en France on est passé d'une analyse prétendant que dissuasion et DAMB s'opposaient à l'affirmation du contraire, à savoir qu'elle renforce le pouvoir de la dissuasion.
Or le taux de réussite des intercepteurs n'est pas de 100 %, mais plutôt de 80 %, ce qui laisse entier le problème des 20 % de missiles qui passent. On met en avant la DAMB de théâtre. S'agit-il d'une sorte de DAMB du pauvre, d'une étape intermédiaire ou d'une manière d'accorder nos prétentions à nos moyens ?
Il est dans la nature des choses que chaque industriel défende des positions conformes à ses propres intérêts. Les fabricants de missiles tactiques privilégient l'endo-atmosphérique tandis que les fabricants de missiles stratégiques se positionneront dans l'exo-atmosphérique. Quelle est la réponse ? La DAMB de théâtre est une nécessité opérationnelle. Il n'y a pas opposition mais complémentarité, d'autant que la défense de théâtre, pour être efficace, fait appel à des technologies balistiques. La coopération est donc nécessaire. MBDA ne peut faire de défense de théâtre.
Je repose ma question : la DAMB de théâtre est-elle une étape vers la DAMB exo-atmosphérique ?
La réponse est non. Pour passer de l'une à l'autre, il faut être capable d'effectuer une rupture technologique. Ce ne sont pas les mêmes missiles qui évoluent dans l'atmosphère et ceux qui évoluent au-delà. Les missiles endo-atmosphériques, d'une portée de 300 à 600 km, ne dépassent pas 20 km d'altitude. Ils évoluent à une vitesse qui est de l'ordre de mach 2 ou 3. Ils peuvent être interceptés efficacement par des missiles de type Astor. Les missiles exo-atmosphériques évoluent à des vitesses de l'ordre de 6 ou 7 km/s. Un Safir-2 aura alors une vitesse de pénétration en approche de la cible, telle que la DAMB de théâtre sera incapable de l'intercepter. La DAMB de théâtre n'est pas une première étape.
Pour compléter la réponse, je dirai que la DAMB de théâtre, c'est mieux que rien, mais peut-on passer sur le fait que les assaillants limitent leur attaque en n'employant que des missiles à faible vitesse.
Quoiqu'il en soit, on ne peut pas rester dans le déni. Il y a un vrai problème et il faut le traiter. Il faut trouver les voies et moyens de s'agréger avec les Etats-Unis et avec l'OTAN. Notre pays est le seul qui ait les capacités technologiques pour discuter avec les Etats-Unis. Ceux-ci recherchent clairement à l'OTAN un partage du fardeau financier, mais ils ne renonceront pas au projet. Il nous faut donc y participer de la manière la plus intelligente possible.
Il vaut mieux contribuer en nature qu'en espèces. Pour la même enveloppe financière, cela fait travailler les Européens et nous permet de participer à la définition du devis.
Notre groupe a des coopérations avec Lockheed et Northrop qui ont obtenu toutes les accréditations nécessaires du Department of Defense américain.
Concrètement, la France peut contribuer, grâce au SAMP/T, à protéger le flanc sud de l'alliance, c'est-à-dire la frontière turque menacée par des missiles rustiques. Deuxièmement, la France est le seul pays européen qui connaisse parfaitement la menace balistique. La France peut également apporter les études d'architecture, ce que notre industrie fait déjà pour l'OTAN. D'autres apports en nature peuvent être faits, notamment sur le segment des satellites d'alerte avancée. Enfin, la dernière brique concerne les intercepteurs pour lesquels il nous faut un démonstrateur.