a regretté que, contrairement à l'intense débat ayant précédé le référendum sur la Constitution européenne, le processus de révision de la directive « Télévision sans Frontières » se déroule dans un silence assourdissant.
Il a indiqué que ce texte était pourtant d'une importance capitale pour deux raisons : il définit, d'une part, le socle réglementaire commun aux pays membres de l'Union européenne en matière d'audiovisuel et constitue, d'autre part, l'un des principaux instruments de défense de la diversité culturelle pour laquelle notre pays s'est toujours battu à l'échelle internationale.
Il s'est réjoui que la proposition de résolution déposée par la Délégation pour l'Union européenne permette au Sénat d'apporter sa contribution à ce débat majeur en définissant, entre fermeté et réalisme, les priorités qu'il souhaite voir prises en compte tant par le Gouvernement que par nos partenaires européens.
Après avoir précisé que la directive « Télévision sans Frontières » ne s'appliquait pour l'heure qu'aux services de télévision stricto sensu et excluait, par conséquent, de son champ d'application tant les services de radio que les « nouveaux services » audiovisuels, il a souligné qu'elle opérait une harmonisation minimale des législations des Etats membres autour de cinq principes cardinaux.
En application du premier d'entre eux, dit principe « du pays d'origine », un radiodiffuseur ne relève de la compétence que d'un seul Etat membre. L'application du principe du pays d'origine a toujours été considérée comme une condition nécessaire à la création du marché intérieur des émissions de radiodiffusion télévisuelle et a permis la multiplication des services audiovisuels en Europe.
La directive pose également le principe selon lequel les Etats membres ne peuvent entraver les diffusions effectuées par des radiodiffuseurs relevant de la compétence d'un autre Etat membre. Il a précisé que ce principe pouvait toutefois faire l'objet d'une exception lorsque le programme enfreint d'une manière manifeste, sérieuse et grave les règles relatives à la protection des mineurs et/ou au respect de l'ordre public.
Concernant les obligations de diffusion pour les oeuvres européennes et indépendantes, les articles 4 et 5 de la directive imposent aux Etats membres de veiller à ce que les radiodiffuseurs relevant de leur compétence consacrent une proportion majoritaire de leur temps de diffusion à des oeuvres européennes et au moins 10 % de leur temps de diffusion ou 10 % de leur budget de programmation à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants.
La directive définit, par ailleurs, un certain nombre de mesures relatives à la protection des mineurs et à la lutte contre les incitations à la haine et soumet la publicité télévisée, le parrainage et le télé-achat à des règles « qualitatives » garantissant le respect d'objectifs d'intérêt général de première importance.
Il a tenu à rappeler que l'ensemble de ces règles ne constituaient que des minima applicables aux Etats membres. Ceux-ci restent donc libres de prévoir des mesures plus strictes ou plus détaillées. Il a relevé, à ce propos, que le droit français comportait des dispositions plus contraignantes que la directive dans la majorité des domaines précédemment évoqués.
Abordant ensuite la proposition de révision adoptée par la Commission européenne le 13 décembre 2005, il a souligné le caractère consensuel d'un texte ayant fait l'objet de trois ans de consultations.
Il a précisé que la Commission européenne proposait, en premier lieu, d'étendre le champ d'application de la directive à l'ensemble des services audiovisuels afin de tenir compte de la convergence numérique. Elle institue par ce biais un cadre juridique technologiquement neutre s'appliquant à l'ensemble des services audiovisuels, à l'exclusion des services de radio.
La proposition de directive tend, ensuite, à adapter la réglementation à la nature des services audiovisuels en établissant une distinction fondamentale au sein des services audiovisuels entre services linéaires et services non linéaires. Il a rappelé que, si la notion de service audiovisuel linéaire couvrait uniquement les services programmés par l'éditeur et sur lesquels le téléspectateur n'exerce aucun contrôle, celle de service non linéaire désignait l'ensemble des services « à la demande », dont les téléspectateurs sont en mesure de choisir le contenu qu'ils souhaitent à tout moment.
A cet égard, il a affirmé que l'ensemble des services audiovisuels était désormais soumis à un cadre commun de principes généraux relatifs à la protection des mineurs et à la dignité humaine, à l'identification des communications commerciales, au droit de réponse et à l'identification du fournisseur de contenu.
Il a indiqué que le texte de la Commission européenne proposait de clarifier les règles relatives aux délocalisations abusives des services de médias vers les Etats membres pratiquant un « dumping culturel » et de répartir équitablement la responsabilité entre les opérateurs concernés et, par conséquent, entre les Etats membres en matière de régulation des chaînes extra-communautaires.
Il a rappelé, à cette occasion, que la France était particulièrement concernée par ce sujet puisque la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel s'étendait jusqu'ici à l'ensemble des services extra-communautaires diffusés par le satellite Eutelsat. Dans ces conditions, il a estimé que l'inversion de l'ordre des critères techniques prévus à l'article 2 de la directive permettant de déterminer la compétence nationale sur les services non établis dans l'Union, mais diffusés par satellite sur son territoire, était susceptible d'entraîner un meilleur « partage du fardeau » entre la France et ses partenaires.
Concernant la promotion des oeuvres européennes par les éditeurs de services, il a regretté que la Commission européenne ne propose ni de renforcer les obligations imposées aux services linéaires, ni d'étendre ces obligations aux services non linéaires.
S'agissant, enfin, des modifications apportées au régime des communications commerciales, il a fait part de ses réserves. Après s'être félicité de la proposition consistant à mettre en place un socle commun de règles « qualitatives » applicables à toutes les communications commerciales audiovisuelles, il s'est interrogé sur le bien-fondé de l'adoption d'un cadre législatif offrant aux diffuseurs une réelle flexibilité en matière d'insertion publicitaire pendant les émissions.
Notant que l'assouplissement des règles d'insertion revenait à faire disparaître l'obligation d'insérer la publicité entre les émissions, le critère des parties autonomes et celui des interruptions permettant l'insertion de publicité et la règle des 20 minutes, il a estimé qu'il s'agissait de dispositions potentiellement dangereuses pour le confort du téléspectateur et l'équilibre du marché publicitaire.
Il s'est félicité, en revanche, de l'encadrement de la pratique du placement de produit. Rappelant que cette pratique interdite par la directive était d'ores et déjà fréquemment pratiquée dans les programmes sur lesquels les chaînes européennes n'exercent aucune responsabilité de production, il a affirmé que le dispositif proposé par la Commission permettait de sortir d'une certaine hypocrisie en encadrant juridiquement de manière stricte une technique prisée par les annonceurs et les producteurs d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Au total, il a indiqué que cette directive contenait des points positifs, tels que :
- l'extension du champ d'application de la directive à l'ensemble des services audiovisuels quels que soient leur nature et leur support de diffusion ;
- la codification de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes relative aux délocalisations abusives ;
- l'encadrement juridique de la pratique du placement de produit ;
- le maintien d'un socle commun de règles « qualitatives » applicable à l'ensemble des communications commerciales ;
- et le maintien de la possibilité, pour les Etats membres, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la directive pour les radiodiffuseurs relevant de leur compétence.
Il a toutefois déclaré qu'il tenait à attirer l'attention du Gouvernement et de nos partenaires européens sur un certain nombre de lacunes et d'insuffisances par l'intermédiaire d'un amendement visant à réaffirmer, tout en les précisant, les principes établis par la Délégation à l'Union européenne.
Evoquant les dispositions de la directive relatives à la promotion de la production audiovisuelle européenne et indépendante, il a rappelé que l'exclusion des articles 4 et 5 de la directive des dispositions actuellement en négociation était considérée comme une victoire par le Gouvernement français. Bien que partageant cette analyse, il a estimé que cette nouvelle révision représentait toutefois l'occasion de réaffirmer la nécessité de perfectionner les mécanismes communautaires en ce domaine, afin de partager avec nos voisins les avantages culturels et économiques d'une industrie de programmes prospère et de créer avec eux des courants d'échanges commerciaux significatifs.
Aussi bien, a-t-il proposé de mettre l'accent, dans la proposition de résolution, sur quatre éléments de réflexion.
Le premier vise à revenir sur la définition de l'oeuvre retenue par la directive, afin de ne considérer comme telles que les oeuvres cinématographiques, les fictions télévisuelles, les documentaires et les films d'animation.
Le deuxième consiste en la définition d'un mécanisme de contrôle, voire d'une procédure de sanction spécifique, permettant d'assurer le respect des dispositions de la directive relatives à la promotion de l'industrie européenne de programmes.
Le troisième consiste, compte tenu de la faible circulation des oeuvres européennes non nationales au sein de l'Union européenne, à instaurer une obligation spécifique pour ce type d'oeuvres.
Le quatrième tend à remplacer le simple « signal politique » envoyé par le texte de la Commission européenne à l'égard des services non linéaires en matière de production d'oeuvres européennes par des mesures concrètes de soutien, telles que le respect de proportions minimales de productions européennes et indépendantes au sein des catalogues de vidéo à la demande.
Il a précisé qu'il ne s'agissait pas, par ce biais, de « tuer dans l'oeuf » des industries naissantes, mais bien d'éviter que d'éventuelles divergences entre les Etats membres concernant l'interprétation du « signal politique » envisagé par la Commission européenne ne provoquent des distorsions de concurrence et la délocalisation des opérateurs vers les pays dont les législations seraient les moins contraignantes.
Concernant la lutte contre les délocalisations abusives, il a proposé d'assouplir le mécanisme trop formel mis en place par la Commission européenne et de reprendre la proposition du Conseil supérieur de l'audiovisuel tendant à faire de la notion de « partie importante des effectifs » le premier critère objectif utilisé et à introduire un critère relatif à l'origine territoriale des ressources publicitaires ou d'abonnement.
S'agissant de la régulation des chaînes communautaires, il s'est prononcé en faveur de l'instauration d'un principe de reconnaissance mutuelle des décisions d'interdiction prononcées par un Etat membre à l'encontre d'une chaîne extra-communautaire dont les programmes incitent à la haine ou attentent à la dignité humaine. A défaut, il a estimé qu'il convenait au moins de déterminer dans la directive un mécanisme de concertation permettant à chaque Etat membre de tirer, le cas échéant, les conséquences d'une telle interdiction.
Enfin, se prononçant sur les modifications du cadre réglementaire relatif aux communications commerciales, il en a appelé, à défaut de l'existence d'études d'impact permettant d'évaluer les conséquences de ce projet sur le marché publicitaire, au maintien de la règlementation existante.
Un débat s'est engagé.