Nous ajouterons une phrase à ce sujet. (Assentiment)
Nous en venons à la section relative au secteur aéronautique. L'amendement n° 25 est une mise à jour sur le cours de l'euro et son incidence sur les ventes. (Assentiment).
page 33 : e) L'aéronautique : une réussite à préserver
Toulouse a toujours été une ville pionnière dans l'aéronautique, mais, comme il a été rappelé lors du déplacement de la mission en Midi-Pyrénées, c'est l'intervention de l'État qui a permis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le développement d'une filière de construction aéronautique compétitive au niveau mondial.
La société European Aeronautic Defence and Space company (EADS)- Airbus, l'un des premiers groupes de défense en Europe et dans le monde, joue aujourd'hui le rôle de chef de file incontesté de la filière et fédère autour d'elle un grand nombre d'entreprises, sous-traitants de premier ou deuxième rang. L'ensemble du territoire est ainsi irrigué par un « état d'esprit industriel » qui a permis entre autres de contrebalancer le déclin d'industries plus anciennes telles que le textile en Midi-Pyrénées et la construction navale en Pays de la Loire. Pour mémoire, Airbus représente aujourd'hui 5,3 milliards d'euros de chiffre d'affaire pour le tissu industriel français et 2,3 milliards pour les entreprises de Midi Pyrénées7.
Derrière ce tableau flatteur se profilent néanmoins de vrais problèmes, puisque la filière aéronautique française dans son entier est extrêmement dépendante de la stratégie commerciale et de développement arrêtée par EADS-Airbus. C'est dire qu'EADS définit en grande partie la politique industrielle française en matière d'aéronautique. Il s'agit d'une prérogative exorbitante qui n'est compensée que par le fait que l'État français soit un actionnaire majeur du groupe, et à ce titre à même d'en faire une courroie de transmission pour servir les objectifs stratégiques qu'il aurait préalablement défini pour servir les intérêts nationaux.
Aujourd'hui cependant, à défaut d'un véritable « Monsieur ou Madame aéronautique » au sein du gouvernement, ces leviers à même de permettre la définition d'une véritable politique industrielle de filière sont sous-utilisés. Le représentant de l'État au sein d'EADS-Airbus devrait par exemple être un-e industriel-le, ce qui n'est pas le cas. À défaut, on constate que le groupe européen manque de véritable interlocuteur.
La complexité de la structure managériale d'EADS est une difficulté supplémentaire qui ne peut que contrarier la concertation et la prise de décision rapides dans le cadre des directions stratégiques données par les exécutifs nationaux français, allemands et espagnol. C'est dire combien il devient difficile d'imprimer une stratégie industrielle conforme à la vision française, alors même que la nature de cette stratégie ne semble pas réellement avoir été préalablement définie. L'État français s'accommode d'une stratégie « à l'anglo-saxonne » telle que mise en oeuvre par EADS-Airbus, stratégie à laquelle on craint qu'il ne souscrive pleinement. .
La position très forte de l'aéronautique en Midi-Pyrénées ne peut donc être considérée comme définitivement acquise : Airbus, comme ses principaux partenaires, produit également hors de France. M. Fabrice Brégier, directeur général d'Airbus, a indiqué aux membres de la mission que cette stratégie permettrait d'améliorer la compétitivité de l'entreprise ainsi que ses parts de marché. Ce double objectif serait atteint grâce à des partenariats ou coopérations industrielles comme cela a été fait en Asie. Néanmoins, l'essentiel de la valeur serait produite dans les éléments fabriqués en Europe.
À l'écoute des partenaires sociaux entendus dans le cadre des auditions de la mission et en regard d'une analyse circonstanciée, on peut pourtant soutenir une analyse tout à fait différente. La stratégie à l'anglo-saxonne privilégiée par EADS-Airbus incite notamment à délocaliser la production des aérostructures, et à éclater les bureaux d'étude dans divers pays. Airbus impose ainsi à ses sous-traitants des prix à l'achat de leur production qui sont suffisamment faibles pour les contraindre à développer une politique de délocalisation. C'est le cas pour l'entreprise Aerofigeac. Il est flagrant que cette politique pénalise davantage les acteurs du Sud-Ouest que leurs homologues allemands.
Ces derniers bénéficient en effet d'une organisation du secteur aéronautique intégrée par filière, avec un véritable investissement des différents échelons de la décision politique et administrative à l'échelle locale et nationale.
L'exemple allemand conduit donc à s'interroger sur l'existence d'une stratégie industrielle hexagonale pour la filière aéronautique : quels sont les objectifs stratégiques poursuivis en matière industrielle par notre pays ? Quelle est la hiérarchisation des priorités retenue entre d'une part les nécessairement artificielles performances boursières d'EADS, et d'autre part, la défense des intérêts industriels nationaux ?
Cette pression mortifère pour les industries locales est encore accentuée par la parité euro/dollar qui est défavorable aux entreprises européennes. En raison de la dépendance d'Airbus par rapport aux exportations, sa compétitivité est pénalisée par le cours très élevé de l'euro par rapport au dollar face à son principal concurrent Boeing.
L'Europe doit réagir contre la dévaluation des autres monnaies face à l'euro;- le principal défi à long terme d'Airbus sera de parvenir à demeurer compétitif malgré l'arrivée de nouveaux compétiteurs provenant des pays émergents, notamment la Chine et le Brésil.
La France a construit cette industrie aéronautique de premier plan grâce aussi aux efforts importants effectués en recherche et technologie. Ainsi, tout à la fois enjeu de sécurité pour les États qui en font partie et outil de performance économique qui évolue dans un contexte instable, le groupe EADS ne saurait être géré en fonction des objectifs et préoccupations de n'importe quel autre grand groupe économique privé. La question de la transmission du savoir-faire est ici hautement sensible, le groupe européen offrant à ses concurrents économiques et stratégiques potentiels un raccourci rapide pour accéder à des technologies extrêmement sensibles, par le biais des délocalisations. Pour être clair la France, pour le peu qu'elle investisse, le fait en contribuant au financement de filières industrielles spécialisées dans des hautes technologies parfois sensibles, non seulement hors de son propre territoire, mais également hors de l'Union européenne. C'est problématique.
L'argument selon lequel les-dits concurrents auraient de toute manière accédé à ce savoir-faire ne vaut pas, dans la mesure où la véritable question est : dans quels délais ? On ne gagne pas à leur faciliter la tâche. Le faire revient aussi à nier les spécificités et les atouts de l'innovation, ainsi que de la recherche et développement européens. Il ne faut pas céder à la fatalité, ni à la facilité, en arguant du fait que leur retard technologique sera de toutes manières comblé par nos concurrents, mais au contraire veiller à ce que cet écart soit non seulement conservé, mais creusé.
Dans ces conditions EADS, qui table sur le fait d'avoir toujours un Airbus d'avance, fait un pari risqué. Cette position fait l'impasse sur quelque chose qui dépasse l'intérêt même d'EADS et qui doit rester une préoccupation de l'État en termes de stratégie industrielle, et qui pose la question du pilotage de la stratégie industrielle aéronautique française. Il convient d'ailleurs d'émettre ce constat en regard du statut actuel d'Airbus qui est concepteur, un assembleur, et un vendeur qui a considérablement réduit son coeur de métier en tant que constructeur, parce qu'il affichait il n'y a pas si longtemps toutes les composantes d'un avion.
L'État français doit donc rendre de nouveaux arbitrages où les considérations allant du renforcement à la sécurisation de la filière, en passant par les impératifs de préservation de l'emploi et des savoir-faire locaux, le disputent à la valorisation de l'action EADS, géant qui peut avoir des pieds d'argile. Cette fragilité latente, le plan Power 8 en a trop clairement fait la démonstration. Or les problèmes qui ont conduit à son adoption ne sont pas complètement dissipés.
La prévalence d'un modèle d'économie financiarisée pourrait en partie expliquer le choix de laisser l'Allemagne prospérer industriellement dans le cadre d'une politique préservant la filière des aérostructures, alors qu'en France, cette dernière apparaît grandement mise en danger du fait des graves difficultés dans lesquelles est plongée l'entreprise Latécoère - qu'EADS ne semble toujours pas pressée de sauver. Ce modèle mesure en effet trop souvent la performance économique en ignorant les réalités de la conception, de la production, et de la création de biens.
En tout état de cause, il est indispensable, pour maintenir cette industrie à ce haut niveau, face à la concurrence actuelle et à venir, d'accroître le soutien à l'innovation, notamment dans le cadre du Grand Emprunt qui n'y suffira pourtant pas, loin de là.
Il est également essentiel de poursuivre la structuration de la filière et des sous-traitants de rang 1, 2 et 3. Il faut se féliciter, d'une manière générale, de la mise en place, en 2010, d'un comité stratégique de la filière aéronautique, qui devra devenir pleinement opérationnel à moyen terme.