Intervention de Jean de Ponton d'Amécourt

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 juin 2009 : 1ère réunion
Audition de son exc. M. Jean de Ponton d'amécourt ambassadeur de france en afghanistan

Jean de Ponton d'Amécourt :

a tout d'abord rappelé que, en 2001, lorsque les Etats-Unis d'Amérique sont intervenus en Afghanistan, le pays était totalement détruit par trente ans de guerre ininterrompue. La guerre contre les communistes au pouvoir et leur allié soviétique a ravagé les campagnes ; elle a été suivie d'une guerre civile entre moudjahidine, qui a notamment abouti à la destruction de Kaboul et d'une large partie des grandes villes ; enfin, la période de domination des taliban a entraîné la destruction de pratiquement toutes les administrations, du système de santé et de l'enseignement. Il en est résulté notamment l'émigration de neuf millions d'Afghans vers l'Iran et le Pakistan, deux millions de morts et l'élimination ou le départ du pays de la majorité des élites intellectuelles.

Après la conférence de Bonn, la première tâche a été de reconstruire le pays sur le plan politique, de réunir une Loya Jirga et d'adopter une Constitution et une loi électorale qui ont permis l'élection présidentielle de 2004, avec la victoire de M. Hamid Karzaï, et la tenue des élections législatives de 2005. L'Afghanistan est ainsi doté d'institutions démocratiques.

Parallèlement, il était procédé à la stabilisation militaire du pays. En théorie, l'Alliance couvre l'ensemble du pays bien que le contrôle soit très difficile dans le Sud, l'Est et en partie l'Ouest de l'Afghanistan. Aujourd'hui, la situation sécuritaire est contrastée. Malgré les attentats de 2008, on constate que la capitale et sa région connaissent une certaine stabilité. Par contre, le Sud, l'Est et l'Ouest connaissent des attaques en règle des forces des taliban dont l'accroissement est bien sûr lié à la perspective de l'échéance électorale présidentielle de 2009 et à la situation très tendue au Pakistan. Pour autant, les taliban sont incapables de conserver durablement le contrôle d'une ville ou même d'un chef-lieu de district.

Enfin, la troisième tâche a consisté à développer l'économie et la gouvernance. Des progrès très importants ont été réalisés : sept millions d'enfants ont été scolarisés dont 50 % de filles ; 80 % des Afghans ont accès aux soins ; la production agricole progresse ; les infrastructures, notamment la route circulaire qui entoure l'Afghanistan et les liaisons entre capitales régionales ont été réalisées ; la liaison électrique entre l'Ouzbékistan et la région de Kaboul est désormais opérationnelle ; enfin l'administration fonctionne.

Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante. La conférence de Paris du 20 juin 2008 a permis d'organiser une meilleure coordination des puissances occidentales en reprenant et en complétant le programme de financement et de développement arrêté à Londres.

Le plan d'action pour l'Afghanistan a commencé à être mis en oeuvre sous l'égide de l'UNAMA. Toutefois, la population afghane, notamment rurale, a l'impression que l'action du gouvernement afghan comme celle de l'Occident sont inefficaces. Les Afghans se sentent à l'écart des progrès en matière de santé, d'éducation, d'infrastructures, d'accès à l'électricité et à l'eau courante, d'irrigation et d'emploi. Ce ressenti d'abandon conduit à une certaine désespérance des populations, notamment dans le Sud.

Trois facteurs façonnent la situation actuelle. L'élection présidentielle dont le premier tour doit se dérouler le 20 août prochain conduira vraisemblablement à la réélection du Président Karzaï, qui fait face à une opposition peu structurée. La solution consistant à prolonger le mandat du président au-delà de la date limite du 20 juin a finalement recueilli le consensus des forces politiques afghanes et permet au gouvernement d'expédier les affaires courantes jusqu'aux élections du 20 août. La communauté internationale doit s'assurer des conditions de régularité de l'élection ; l'Union européenne et l'OSCE procureront une assistance technique et participeront au contrôle des élections avec cinquante observateurs.

Le second facteur structurant de la situation actuelle est la montée en puissance des Etats-Unis dans l'ensemble de la région avec, en particulier, l'accroissement de leurs effectifs diplomatiques et militaires. Enfin, la situation au Pakistan est évidemment centrale pour la stabilisation de la région puisque l'insurrection trouve sa force, son soutien et ses ressources dans ce pays.

L'avenir de l'Afghanistan dépendra du succès de l'afghanisation, et en particulier de la prise en charge, par les Afghans, de leur propre sécurité. L'armée nationale afghane a accompli des progrès considérables et ses effectifs doivent augmenter progressivement jusqu'à 120 000 hommes. La communauté internationale et la France participent activement à la formation de la police. Outre l'afghanisation, le développement économique et social et la réconciliation nationale revêtent une importance majeure.

L'action de la France et de ses alliés s'inscrit dans la durée. Ce sont les intérêts stratégiques de la France qui sont défendus en Afghanistan pour éviter qu'Al-Qaïda reprenne le contrôle d'un État ou que les taliban reviennent au pouvoir. L'Afghanistan occupe en effet une position stratégique à proximité du Golfe persique, entre un État nucléaire et un autre qui souhaite le devenir.

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