Intervention de Nicole Bricq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 octobre 2011 : 1ère réunion
Troisième loi de finances rectificative pour 2011 — Examen du rapport

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure générale :

Cette opération fait peser des risques sur la CDC : elle oblige à mobiliser 10 milliards d'euros de liquidités et consomme 1 milliard d'euros de fonds propres. Pour les limiter, la Caisse a obtenu le rachat par DexMA de tous les actifs liés aux dettes souveraines grecque et islandaise et l'octroi de deux garanties. De nature contractuelle, celles-ci ne figurent pas dans le projet de loi. Par la première, Dexia s'engage à prendre en charge toutes les pertes au-delà de 70 millions par an pendant dix ans (garantie dite de « stop loss »). La seconde garantie immunise la CDC contre toute perte résultant d'un contentieux ou d'une renégociation des 10 milliards d'euros de prêts structurés, dont 4,5 milliards d'euros de prêts « toxiques ». Pour bien border les choses, la CDC a exigé une contre-garantie de l'Etat qui fonctionne de la manière suivante : une franchise de 500 millions d'euros en deçà de laquelle Dexia assume seule les pertes ; au-delà, Dexia conserve un ticket modérateur de 30 % et l'Etat prend à sa charge 70 % du fardeau, soit 6,65 milliards d'euros. Quid des 3,35 milliards d'euros restants ? A l'Assemblée nationale, M. Bouvard a finalement retiré son amendement après avoir obtenu des engagements du Gouvernement sur l'après-2021. Malgré tout, des interrogations subsistent sur la renégociation des prêts toxiques...

Quelles conclusions tirer de ce plan de sauvetage ? Les collectivités peuvent se féliciter de l'apparition d'un nouvel acteur qui entend mener une politique simple et saine à l'heure où les banques traditionnelles se désengagent. La co-entreprise répondra-t-elle à tous les besoins des collectivités ? Surtout, comment s'articulera-t-elle avec l'agence de financement des collectivités territoriales si celle-ci était créée ? Je demanderai des précisions au Gouvernement et formule des observations sur ce point dans mon rapport écrit.

La CDC, qui constate dans ses comptes une moins-value latente de 400 millions d'euros en tant qu'actionnaire historique de Dexia, accepte, au nom de ses missions d'intérêt général, de se lancer dans une nouvelle activité, sans savoir si elle sera rentable. Elle a obtenu des garanties fortes, mais partielles. Je vous renvoie au débat sur les 3,35 milliards restant à la charge de Dexia en cas de défaillance sur l'encours de prêts structurés après 2021.

L'État, quant à lui, s'est appauvri d'un point de vue patrimonial : sa moins-value latente est de l'ordre de 900 millions d'euros. Et, prélevant la moitié du résultat de la CDC, ses recettes non fiscales diminueront en 2011. En revanche, il a perçu, en contrepartie de sa garantie accordée fin 2008, 511 millions d'euros et touchera une soulte de 164 millions d'euros. Bref, nous devrons faire les comptes. A ce stade, le coût de ce plan est nul pour le contribuable, mais alourdit nos engagements hors bilan de 42,85 milliards d'euros. Après son annonce, les agences de notation avaient confirmé le triple A de la France. Néanmoins, il n'a échappé à personne que Moody's vient de mettre la note de la France sous surveillance...

La recapitalisation des banques est plus que jamais à l'ordre du jour : M. Barroso a admis son urgence le 12 octobre et, après notre table ronde de cet après-midi, le G20 des 3 et 4 novembre y sera consacré, de même que le sommet européen extraordinaire de dimanche prochain. Elle est nécessaire pour parer à un risque de contagion à l'Italie et à l'Espagne.

Pour autant, la recapitalisation ne constitue qu'une partie de la solution. J'en veux pour preuve que Dexia était une banque bien capitalisée dont l'effondrement s'explique par ses difficultés de financement à court terme. Il faut donc également s'appuyer sur l'effet de levier du Fonds européen de stabilité financière. L'idée est de faire d'abord appel au marché, ensuite seulement de prévoir l'intervention des Etats, de l'Union européenne ou de la zone euro. Le renforcement de la gouvernance budgétaire et économique de la zone euro est aussi un élément indispensable pour restaurer la confiance, de même qu'un encadrement des rémunérations variables plus strict que celui prévu dans la directive « CRD 3 ». Pour parer un éventuel credit crunch, l'on doit également prévoir des conditionnalités européennes sur l'octroi de crédits à certaines catégories d'emprunteurs.

Plus fondamentalement, les banques françaises doivent se remettre en question dans l'esprit de Bâle III : le modèle de la banque universelle n'a pas réponse à tout ! La chronique de Dexia valide le principe des testaments bancaires, des documents qui consistent à prévoir le pire. Le groupe de travail sur la régulation financière a travaillé sur ce sujet dès 2009, preuve de la prescience de notre commission ! Les Américains ont pris beaucoup d'avance en ce domaine quand nos banques faisaient preuve d'arrogance, voire de morgue. La question de la séparation des banques de détail et d'investissement ne doit donc plus être taboue. Tranchons ce débat, avant le 6 mai 2012, à la lumière de la règle Volcker adoptée aux Etats-Unis ou encore de la filialisation recommandée par la commission britannique Vickers.

Quelles contreparties exiger au soutien public ? S'agissant de Dexia, nous pourrions envisager un pacte liant les actionnaires français afin de rechercher une position commune sur les résolutions en assemblée générale et de prévoir une obligation d'information préalable en cas de mouvement au capital. Vis-à-vis des banques en général, l'Etat, s'il prend une participation au capital, doit entrer au conseil d'administration et interdire les bonus, indemnités de départ et retraites chapeau : les indemnités de départ de MM. Richard et Miller en 2008 ont marqué, à juste titre, les esprits !

Enfin, pour conclure, quelques observations sur les débats à l'Assemblée nationale. Si le sauvetage de Dexia faisait consensus, on s'est beaucoup interrogé sur les risques pour la CDC après 2021, avant que le Gouvernement, par ses assurances, n'obtienne le ralliement de M. Bouvard. Le sentiment est que le Gouvernement n'a pas tiré toutes les leçons de la crise de 2008 quant au rôle de l'Etat et aux contreparties à demander en cas de soutien public.

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