Intervention de Jean-Marc Todeschini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 octobre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission sport jeunesse et vie associative - examen du rapport spécial

Photo de Jean-Marc TodeschiniJean-Marc Todeschini, rapporteur spécial :

C'est la première fois que j'ai à vous présenter le rapport sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » au nom de notre commission, cette charge étant auparavant dévolue à notre ancien collègue Michel Sergent.

Cette mission fait partie des plus petites du budget général. C'est encore plus vrai depuis l'année dernière : en effet, le programme de « soutien » de la mission, qui portait notamment l'ensemble des effectifs, a été fusionné au sein du programme 124, figurant dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », pour y prendre l'appellation « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».

En conséquence, cette mission ne compte désormais plus que deux programmes, intitulés « Sport » et « Jeunesse et vie associative ». Ses crédits de paiement (CP) n'atteignent que 477,9 millions d'euros et elle ne rémunère plus directement aucun emploi. La marge d'arbitrage du Parlement sur ces crédits est donc réduite à la portion congrue.

Dans l'ensemble, à périmètre constant, les crédits de la mission sont en augmentation de 1 %. Comme ces dernières années, cette évolution résulte de deux mouvements opposés : d'une part, une diminution notable, de 5,6 %, de la dotation du programme « Sport » et, d'autre part, une hausse importante, de 7,7 %, des crédits du programme « Jeunesse et vie associative ».

Tout d'abord, s'agissant du programme « Sport », les moyens sont donc en baisse. Encore faut-il préciser que les 247,9 millions d'euros de CP demandés ne représentent guère que 30 % des fonds dévolus à la politique sportive de l'Etat.

Il faudrait, en effet, ajouter à la fois les crédits du programme support qui sont affectés à cette politique - soit 309,8 millions d'euros de crédits et 2 620 emplois en équivalents temps plein travaillés (ETPT) sous plafond - et les 276,6 millions d'euros de ressources affectées à l'établissement public « Centre national pour le développement du sport » (CNDS).

Hormis le constat de cette débudgétisation, mes principales observations sont les suivantes.

En premier lieu, il est indispensable de disposer d'une évaluation claire de l'action et de la gestion du CNDS. Comme nous l'avons vu, il dispose de davantage de crédits que le ministre des sports. De plus, l'article R. 411-2 du code du sport lui donne de vastes missions. Quant à sa gouvernance, elle est « collégiale », réunissant représentants du Gouvernement, représentants du « monde sportif », personnalités qualifiées et représentants des collectivités territoriales. Au vu des enjeux, il me semble que nous devons nous assurer que tout cela fonctionne bien et que l'action du CNDS s'articule de manière efficace avec celle du Gouvernement. C'est pourquoi j'estime qu'il serait utile de demander à la Cour des comptes de faire une enquête sur ce sujet, conformément aux dispositions de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Ensuite, pour ce qui concerne le budget stricto sensu, on observe un fort déséquilibre. Ainsi, les crédits de l'action 2 « Développement du sport de haut niveau », qui pesaient déjà 68 % des CP du programme en 2011, en représenteront 75,4 % en 2012. Dans le même temps, les crédits dévolus à l'action 1 « Promotion du sport pour le plus grand nombre », en baisse en valeur absolue, passeront de 8,3 % à peine 3,3 % des mêmes CP. D'après les documents budgétaires, l'augmentation du fonds de concours du CNDS devrait en partie compenser la diminution des crédits de l'action 1. Il serait néanmoins précieux d'entendre les explications du Gouvernement sur ce sujet : la politique du développement du sport de masse, qui comporte des enjeux en termes d'éducation et de santé publique, est-elle sacrifiée ou bien doit-elle être, à terme, entièrement sous-traitée au CNDS ?

S'agissant du problème du Stade de France, je vous rappelle qu'aux termes du contrat de concession conclu dans l'urgence en avril 1995, l'Etat doit verser chaque année une pénalité au concessionnaire en raison de l'absence d'un club de football résident. Cette pénalité, de 16 millions d'euros par an en valeur 2012, est réduite par une redevance due à l'Etat en cas de bénéfice supérieur à celui figurant dans la simulation de référence du contrat. Pour 2012, la pénalité nette de l'Etat apparaît en forte augmentation et devrait passer à 12 millions d'euros - contre 8,2 millions d'euros en réalisation probable 2011. Cette évolution s'explique, en partie, par le contexte économique, mais aussi, ce qui est plus inquiétant, par des raisons structurelles. Ainsi, l'annuité traduit surtout les effets du nouveau partage de ressources financières entre la Fédération française de football (FFF) et le consortium gérant le Stade de France, bien plus favorable à la FFF que le contrat antérieur. D'autre part, la Fédération française de rugby (FFR) est désormais très engagée sur le projet devant aboutir, vers l'horizon 2016 ou 2017, à la construction de son propre « grand stade ». Au vu des conséquences financières qu'aurait pour l'Etat une sous-utilisation du Stade de France, il est nécessaire que le ministre précise en séance publique sa position sur le sujet, et dise les mesures qu'il envisage de prendre pour garantir les intérêts financiers de l'Etat.

J'en arrive au programme « Jeunesse et vie associative ».

Celui-ci regroupe 230 millions d'euros d'AE et de CP, soit 48,1 % des CP de la mission. Comme je l'ai indiqué, à périmètre constant, les crédits affichent une augmentation de 7,7 % par rapport à 2011. Rappelons que cette hausse fait suite à une progression de 10 % l'année dernière et de 60,5 % en 2010. A l'instar du programme « Sport », ce programme ne comporte aucun emploi rémunéré inclus dans le plafond d'emplois du ministère. Mais il faut noter que 121,9 millions d'euros de crédits et 1 081 ETPT sont inscrits, au titre du soutien au présent programme, au sein du programme 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Au-delà de ces dotations, pas moins de treize dépenses fiscales, dont le coût cumulé pour l'Etat est évalué à 1 776 millions d'euros, sont rattachées à ce programme. Il s'agit, pour l'essentiel, des différentes réductions d'impôts accordées au titre des dons aux « bonnes oeuvres ».

Comme pour le sport, on relève un grand déséquilibre des choix budgétaires avec, d'un côté, un service civique qui monte en puissance et capte entièrement (et même au-delà) la hausse des crédits et, de l'autre, une politique d'austérité.

Ainsi, 108 millions d'euros sont destinés à assurer le financement de la subvention pour charges de service public de l'Agence pour le service civique (ASC), devenue, en un an, le principal opérateur du programme. Pour avoir le « coût complet », il faut ajouter les 26 millions d'euros de remboursement à l'ACOSS de cotisations de retraite non-perçues pour les volontaires du service civique. Les chiffres fournis par le Gouvernement sur l'évolution du nombre des volontaires sont éloquents : après avoir atteint 5 195 volontaires en 2010, le service civique devrait concerner 15 000 volontaires en 2011 et 25 000 en 2012. Lors de la communication qu'elle a effectuée sur ce sujet en Conseil des ministres, le 23 mars 2011, Jeannette Bougrab, secrétaire d'Etat chargée de la jeunesse et de la vie associative, a qualifié le dispositif de « réel succès ». J'en prends acte tout en considérant qu'à terme, l'objectif est plus flou. Certes, l'ambition d'atteindre 10 % d'une classe d'âge dès 2014 a été réaffirmée par la secrétaire d'Etat mais la contrainte budgétaire va peser de plus en plus lourdement. En effet, selon la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, les crédits de la mission doivent progresser, à périmètre constant, de 50 millions d'euros sur trois ans. Cela ne permet absolument pas de financer 75 000 volontaires du service civique. Il conviendrait donc que le Gouvernement précise dès à présent le format que devra présenter ce dispositif en « régime de croisière ».

Le Fonds d'expérimentations pour la jeunesse (FEJ), qui est l'autre grand « chantier » lancé par Martin Hirsch, lorsqu'il était haut commissaire à la jeunesse, ne semble pas aussi favorisé que le service civique. Il s'agissait, je vous le rappelle, de favoriser la réussite scolaire des élèves et d'améliorer l'insertion sociale et professionnelle des jeunes de moins de 25 ans par le financement d'expérimentations d'actions innovantes en faveur des jeunes. En cas de réussite, ces expérimentations pouvaient éventuellement être généralisées. Si aucune annonce n'a été faite, la trajectoire budgétaire du FEJ laisse à penser qu'il pourrait lui-même n'avoir été qu'une expérimentation. Certes, la diminution de ses crédits, de 25 millions à 6 millions d'euros, s'inscrit dans une trajectoire globale. Toutefois, cette évolution pose clairement la question de la pérennité de cette structure. Dans sa contribution à la dernière loi de règlement, Michel Sergent s'était interrogé à la fois sur le respect par l'Etat de son engagement à verser 150 millions d'euros à ce fonds et, plus encore, sur sa vocation à moyen terme. Je partage ces doutes et je souhaite que le Gouvernement s'exprime en séance publique sur sa vision de l'avenir de cet outil.

Enfin, comme ces deux dernières années, de nombreuses actions traditionnellement financées par le présent programme subissent de nouvelles coupes. Au mieux, les crédits sont maintenus en euros courants, ce qui correspond à une diminution de moyens. Parfois, ils sont en baisse en valeur absolue, comme, par exemple, pour les subventions aux associations agréées. Cet état de fait pourrait encore être aggravé par les 400 millions d'euros d'économies que l'Assemblée nationale est invitée à réaliser sur les crédits des missions du budget général.

A l'issue de cet examen, j'avoue être réticent face à ce budget déséquilibré, dans lequel le gonflement d'une ligne ne saurait masquer le choix de faire porter l'ensemble des efforts aux acteurs de terrain, qu'il s'agisse du financement du sport pour tous ou des associations de proximité. En l'état, du fait du peu de temps dont j'ai disposé pour procéder à cet examen, et dans l'attente des arbitrages que devra rendre l'Assemblée nationale, je recommande à la commission de réserver sa position sur l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

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