Nous allons examiner le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la mise en place d'un service de ferroutage entre la France et l'Italie.
En mars 1999, un accident dans le tunnel du Mont-Blanc survenait et coûtait la vie à 39 personnes. Pour éviter qu'un tel accident se reproduise, et également afin de réduire les impacts négatifs dus au transport de marchandises, notamment dans les zones sensibles comme les passages alpins, des alternatives au « tout route » ont été cherchées, engendrant ainsi l'idée d'une autoroute ferroviaire. Lors du sommet de Turin le 29 janvier 2001, la France et l'Italie ont décidé de lancer un service expérimental d'autoroute ferroviaire en accompagnement de la réouverture du Tunnel du Mont-Blanc, avec l'objectif de tester une solution de franchissement des Alpes efficace, sûre, et plus respectueuse de l'environnement. A la fin de la première période d'expérimentation, en 2006, le bilan a été jugé satisfaisant, et les Etats français et italien ont affirmé leur volonté de poursuivre le service. A cet effet, un accord a été signé le 9 octobre 2009 à Luxembourg par les deux ministres français et italien en charge des transports. C'est cet accord qui est aujourd'hui soumis à l'approbation du Sénat.
Le 12 décembre 2000, le ministre français des Transports annonçait le lancement de la première « route roulante » transalpine. Cette annonce fut renouvelée par son homologue italien lors du sommet franco-italien de janvier 2001 à Turin. Une convention était signée le 28 juillet 2003 entre l'Etat et la SNCF, dans l'attente de la création de la société Autoroute Ferroviaire Alpine (AFA), relative au financement d'un service expérimental d'autoroute ferroviaire alpine entre Bourgneuf-Aiton (Savoie) et Orbassano (près de Turin) en Italie. Une subvention importante devait être versée par les deux Etats français et italien à parts égales. Ces aides ont été approuvées par la Commission européenne dans une décision en date du 10 décembre 2003 pour la période 2003-2006, prolongée par les décisions du 10 septembre 2008 et du 15 janvier 2010. Aujourd'hui, la subvention est de l'ordre de 6 millions d'euros par an et par Etat.
L'expérimentation a débuté fin 2003 dans les Alpes jusqu'à l'achèvement des travaux de mise au gabarit haut du tunnel du Mont-Cenis réalisés par les gestionnaires d'infrastructures ferroviaires français et italien, Réseau ferré de France (RFF) et Rete ferroviaria italiana (RFI). Compte tenu des modifications de calendrier, les Etats ont décidé de poursuivre l'expérimentation jusqu'à la mise en place du futur service prévue en janvier 2011.
Le service expérimental offre quatre allers-retours par jour entre Aiton et Orbassano. Il permet le transport de citernes ou de remorques surbaissées accompagnées ou non de leur tracteur routier et de leur chauffeur, accessible ainsi au transport accompagné comme non accompagné. L'expérimentation est la plus complète possible, portant sur des aspects tels que l'accueil du monde routier, le marché accessible, le wagon, la locomotive, le terminal, les horaires, la régularité, ou encore l'acheminement des chauffeurs routiers.
Après une période de montée en charge, le service enregistre depuis 2006 un niveau de trafic de plus de 20 000 poids lourds pour atteindre désormais environ 22 à 23 000 poids lourds par an. La fréquentation s'est traduite en 2008 par un taux de remplissage moyen de 70 %, une part de transport non accompagné de l'ordre de 65 % et un trafic de matières dangereuses de l'ordre de 45 %. En juillet 2009, le cap des 100 000 poids lourds transportés depuis le lancement de l'expérimentation a été franchi. L'expérimentation a permis, à ce jour, de tester la fiabilité technique du wagon surbaissé Modalohr. Elle a aussi été l'occasion d'évaluer les potentialités commerciales des autoroutes ferroviaires, avant même l'achèvement des travaux importants de mise au gabarit haut sur la ligne Dijon-Modane et en particulier ceux du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis.
L'accord du 9 octobre 2009 est une étape décisive pour le développement du ferroutage entre la France et l'Italie. Tirant les conséquences du service expérimental, ce futur service pourra accepter des poids lourds d'une hauteur plus importante qu'actuellement grâce à l'augmentation du gabarit du tunnel du Mont-Cenis. Ses principales caractéristiques devraient être un service au moins équivalent au service actuel en nombre de fréquences (quatre navettes quotidiennes, cinq jours sur sept), en jours d'exploitation et en temps de chargement/déchargement ; un service accessible aux ensembles routiers ou semi-remorques de dimension standard, ce qui ouvre un marché beaucoup plus large que le marché actuel ; l'acceptation des marchandises dangereuses ; et une amélioration de la gestion quotidienne des circulations par les deux gestionnaires d'infrastructure.
Cet accord permet d'affirmer la compétence des Etats français et italien pour mettre en place le service susceptible d'être érigé en service public et concéder un service international de ferroutage. Les articles 2 et 3 définissent l'engagement des deux Etats à autoriser la mise en place du service dans un cadre contractuel qui pourra prendre la forme d'une concession de service public, l'engagement financier, et soulignent que celui-ci doit être conforme aux principes du droit communautaire.
Pour l'exploitation du service, les deux Etats envisagent de recourir à une concession de service public. A cet effet, le contrat détermine les engagements réciproques de l'exploitant et des Etats en fixant les caractéristiques du service, les objectifs cibles en termes de performance et régularité, le niveau de service pendant la durée du contrat, et les concours publics éventuellement nécessaires. Sur cette base, les Etats ont lancé une consultation internationale par la publication de l'avis public d'appel à candidatures. A l'issue de la sélection, la procédure devra se poursuivre avec l'objectif d'une mise en exploitation du nouveau service début 2011.
La question de la résolution des litiges éventuels est abordée dans l'article 5 de l'accord. S'agissant des litiges entre Etats relatifs à l'interprétation ou à l'application de l'accord ou des conventions signées avec la société exploitante, ils seront réglés par voie diplomatique ou à l'amiable. S'ils ne le sont pas dans un délai de trois mois, les Etats s'engagent à se soumettre aux décisions du Tribunal arbitral. S'agissant des recours liés à la procédure d'attribution du contrat, l'accord prévoit la création d'un organe juridictionnel ad hoc et en fixe les conditions, la composition et les modalités de fonctionnement. Le tribunal de résolution des conflits est chargé de traiter les éventuels recours de candidats évincés (article 7). Pour ce qui concerne les litiges entre les Etats et la société exploitante relatifs à l'exécution et à l'interprétation du contrat, l'accord international stipule, en son article 3, que le contrat fixe la loi qui lui est applicable et que le recours relève de l'arbitrage dont les modalités seront précisées dans le contrat lui-même.
Les conditions d'entrée en vigueur de l'accord sont traditionnelles et définies à l'article 8 de la convention. La durée de l'accord est également mentionnée dans cet article, puisque celui-ci « restera en vigueur jusqu'au terme du contrat, à moins que l'une des parties (...) ne le dénonce ».
La mise en oeuvre de cet accord devrait avoir des impacts positifs à deux niveaux. Tout d'abord sur le plan économique, l'objectif de ce nouveau service est de parvenir, en quelques années, à un report modal de 100 000 poids lourds par an, soit environ 10 % du trafic circulant chaque année dans le tunnel de Fréjus. Les premières estimations officieuses indiquent que le service pourrait assurer jusqu'à 10 allers-retours quotidiens après ouverture d'un nouveau terminal en région lyonnaise. L'impact économique lié à ces projets d'autoroute ferroviaire peut être appréhendé grâce aux résultats de l'expérimentation, qui se traduit par l'emploi direct d'une cinquantaine de personnes, dont la moitié côté français. La création d'un nouveau terminal en région lyonnaise et le développement des services sur ce nouveau site devraient avoir une incidence sur l'emploi. De même, le renforcement de l'activité sur le terminal d'Aiton pourrait nécessiter l'embauche de personnels supplémentaires. Enfin, l'atelier de maintenance des matériels roulants du service concédé, s'il se situait côté français, pourrait créer de nouveaux emplois. D'autres emplois sont indirectement créés, en particulier dans les domaines techniques, comme la production de matériel (fabrication des wagons), les travaux ferroviaires et le génie civil.
Quant à l'impact sur l'environnement, la pérennisation de l'autoroute ferroviaire alpine devrait contribuer à une économie de l'ordre de 15 000 à 20 000 tonnes de CO2 par an, ainsi que 10 tonnes de particules fines, 80 tonnes de monoxyde et dioxyde d'azote, 40 tonnes de carbone organique volatil et 40 tonnes de monoxyde de carbone selon les estimations du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Enfin, le développement de cet axe permettra aussi une réduction des risques inhérents à la circulation routière, que sont les accidents, la pollution, et les nuisances sonores.
Dans ces conditions, je vous propose d'adopter ce texte et suggère qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique le 31 mai prochain.