Intervention de René Ricol

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 mai 2010 : 1ère réunion
Audition de M. René Ricol commissaire général à l'investissement et de M. Jean-Luc Tavernier commissaire général adjoint

René Ricol, commissaire général à l'investissement :

Tout d'abord, je souhaite une totale transparence dans le fléchage des crédits. C'est la raison pour laquelle des comités consultatifs sont ou seront créés afin de démontrer qu'aucune attribution d'opération n'est prédéterminée.

Pour répondre à la question de savoir quel impact le grand emprunt aura sur la relance à brève échéance, nous sommes incapables de chiffrer avec précision un quelconque taux de croissance d'ici la fin de l'année 2010. En tout état de cause, les investissements d'avenir, dont les effets se feront sentir à long terme, s'inscrivent dans la continuité du plan de relance.

La question du numérique est complexe. Elle fait d'ailleurs exception dans le mode de gouvernance du grand emprunt car, alors que l'Etat confie à des opérateurs la gestion des investissements d'avenir, il est ici « co-opérateur » par le biais du Secrétariat d'Etat chargé de la prospective et du développement de l'économie numérique. Le problème de fond réside dans la difficulté à obtenir un chiffrage fiable pour l'équipement de tout le pays en très haut débit. Ce sujet reste à l'étude et fait, pour l'instant, apparaître des écarts très importants, sachant que, si l'on peut retenir un ordre de grandeur de 20 milliards d'euros, le grand emprunt n'en fournirait que 2 milliards. Par ailleurs, nous n'avons pas encore de vision claire de l'ensemble des équipements déjà réalisés par les collectivités territoriales. J'avance l'idée de créer un consortium Etat-Collectivités territoriales-Opérateurs pour la construction d'une infrastructure qui serait remboursée, à terme, par un droit de péage.

Je m'insurge contre la position de la Commission européenne qui considère que, quelles que soient les modalités de réalisation des infrastructures à très haut débit, tous les opérateurs pourront y avoir accès. Cela reviendrait à dire que les Etats paient les réseaux et que Google les utilise gratuitement.

Il est nécessaire, avant de définir une stratégie d'équipement à très haut débit de tout le territoire national, de disposer d'un chiffrage des infrastructures et d'une vision globale des technologies à mettre en oeuvre. Cette question s'est posée pour le déploiement de satellites, dont il était dit qu'ils pourraient assurer la couverture de 20 % des zones les moins peuplées. En raison du coût d'une telle technologie, nous avons préféré arrêter les opérations car nous nous sommes rendu compte que ce procédé, au regard de ses performances techniques réelles, ne permet de satisfaire l'accès au très haut débit que sur 2 % du territoire national. Il serait déraisonnable d'investir de telles sommes pour un résultat aussi minime.

S'agissant des dépenses en matière de numérisation de documents, une de nos certitudes réside dans la nécessité de disposer d'une bibliothèque numérique scientifique unique pour toutes les universités. A l'instar de ce qui existe en Grande-Bretagne et en Allemagne, une économie substantielle pourrait être réalisée en n'achetant qu'un seul livre au lieu de neuf, celui-ci étant mis à disposition sous forme dématérialisée pour l'ensemble des lecteurs. Un chiffrage précis de l'opération reste encore à effectuer.

En tout état de cause, nous n'avons pas encore exploré toutes les possibilités techniques d'équipement de l'ensemble du pays, d'autant que des solutions permettraient aux câbles en cuivre, qui équipent actuellement le réseau, de supporter le très haut débit. Enfin, je rappelle ma détermination à ne pas accepter la position de la commissaire européenne au numérique, Neelie Kroes, qui veut autoriser l'usage gratuit des infrastructures au bénéfice de l'ensemble des opérateurs, car cela les conduirait à adopter une position « attentiste » à l'égard des investissements publics.

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