Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission auditionne M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, et M. Jean-Luc Tavernier, commissaire général adjoint.
La première loi de finances rectificative de l'année a été consacrée à la mise en place d'une opération d'investissement exceptionnel de 35 milliards d'euros faisant suite au rapport de MM. Juppé et Rocard sur les investissements porteurs d'avenir.
Ces 35 milliards d'euros ne seront pas directement injectés dans l'économie, mais doivent être attribués à divers opérateurs, le principal étant l'Agence nationale de la recherche (ANR), attributaire de 17,6 milliards d'euros. Ils doivent pour cela transiter par douze programmes du budget de l'Etat créés pour l'occasion, dont le principal est le programme « Pôles d'excellence » doté de 15,35 milliards d'euros.
Les « investissements d'avenir » doivent permettre d'accroître l'effort national en faveur de la recherche et de développer des positions compétitives dans des domaines stratégiques. Cette réhabilitation de la notion d'investissement public est sur le principe positive, mais, j'ai eu l'occasion de le dire en séance publique, l'emprunt s'apparente à une « illusion budgétaire ». En effet, près de la moitié du « grand » emprunt, soit 16 milliards d'euros environ, est fléchée vers la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Ces fonds sont « non consomptibles » : seuls les revenus procurés par leur dépôt au Trésor pourront être dépensés. Le versement aux opérateurs du solde, c'est-à-dire des 19 milliards d'euros restants, sera étalé dans le temps. En conséquence, les décaissements effectifs en 2010 seront d'un montant bien inférieur au 35 milliards d'euros annoncés.
Si la commission des finances s'est déclarée favorable à l'emprunt national, elle n'en avait pas moins regretté que celui-ci conduise à la mise en place d'un financement public parallèle à celui du budget de l'Etat, privant le Parlement d'une partie de ses prérogatives habituelles. Un certain nombre d'amendements ont été adoptés à l'initiative de notre commission afin de mieux associer la représentation nationale au suivi de la mise en oeuvre des actions financées par l'emprunt.
Ce suivi se traduit également par l'audition régulière des personnes chargées de l'exécution de l'emprunt national : nous avons ainsi le plaisir d'accueillir ce matin, et pour la seconde fois cette année, M. René Ricol, commissaire général à l'investissement et de M. Jean-Luc Tavernier, commissaire général adjoint.
M. Ricol, je vous souhaite la bienvenue. Nous vous avions déjà auditionné avec M. Tavernier le 3 février 2010, avant l'adoption du projet de loi de finances rectificative. L'audition d'aujourd'hui vient à point nommé puisqu'une réunion interministérielle sur la mise en oeuvre de l'emprunt s'est tenue lundi 3 mai.
Depuis ma dernière audition, nous avons mis en place les équipes du secrétariat général à l'investissement. L'ensemble des membres sont passés par un double filtre en étant auditionnés tout d'abord par un cabinet de recrutement de renom, puis par un comité de nomination présidé par M. Henri Lachmann. La décision finale est revenue à M. Jean-Luc Tavernier qui est appelé, avec M. Philippe Bouyoux, à superviser ces équipes dont la mission première est de recueillir les opinions des acteurs concernés, et de s'assurer qu'aucun projet ou initiative de qualité ne soit laissé pour compte.
Neuf directeurs de programme ont été nommés. Il s'agit de M. Thierry Coulhon pour les centres d'excellence, de M. Benoît Loutrel pour l'économie numérique, de M. Yves Lichtenberger pour l'emploi et l'égalité des chances, de M. Ivan Faucheux pour l'énergie et l'économie circulaire, de M. Jean-Luc Moullet pour le financement des entreprises, de M. Jean-Christophe Dantonel pour la santé biotech, de M. Spagnou pour les transports, de Mme Marie-Noëlle Granjard pour l'urbanisme et le logement, et de M. Claude Girard pour la valorisation de la recherche.
Nous avons commencé à travailler avec les différents ministères concernés avec comme principale préoccupation d'évaluer le retour sur investissement. Ainsi, s'agissant des démonstrateurs en énergies renouvelables et chimie verte confiés à l'Agence de développement et de maîtrise de l'énergie (ADEME) et au ministère de l'environnement, la clause de retour financier pour l'Etat et de participation aux bénéfices des entreprises qui utiliseront les résultats des démonstrateurs est une règle systématique.
Dix conventions sont en cours de finalisation. En matière d'enseignement supérieur et de recherche, nous allons du plus simple au plus compliqué. Les laboratoires d'excellence, les instituts hospitalo-universitaires, les campus d'excellence constituent des appels à projets complexes sur lesquels une réflexion approfondie doit être menée. S'agissant précisément des « campus d'excellence », nos premières conclusions nous conduisent à modifier l'ambition initiale afin de mieux prendre en compte la réalité du paysage français de l'enseignement supérieur. Nous préférons ainsi l'expression « initiative d'excellence » et ce pour deux raisons :
- d'une part, elle évite toute confusion avec l'opération immobilière dénommée « Opération Campus » et dotée de 5 milliards d'euros. A cet égard, je note que cet argent n'a été ni attribué ni dépensé alors même que la création de lieux physiques accueillants est un corollaire indispensable de l'excellence ;
- d'autre part, elle permet de passer outre la distinction franco-française entre les universités et les écoles, l'excellence étant également présente en dehors de l'université. Pourrait-on considérer que la rue d'Ulm n'est pas porteur d'excellence car elle ne ressemble pas physiquement à un campus ? Le terme « d'initiative d'excellence », terme également utilisé par les Allemands, nous permet ainsi de mieux composer avec notre héritage.
S'agissant des démonstrateurs dans les énergies renouvelables, nous devons être attentifs à ce que l'argent qui a été versé à l'ADEME avant l'emprunt national et qui n'a pas été dépensé soit utilisé selon les mêmes modalités que les fonds issus de l'emprunt national.
S'agissant du fonds d'amorçage pour les entreprises innovantes, nous avons opéré une véritable « révolution culturelle » en modifiant les conditions de rémunération des gestionnaires du fonds qui ne sont plus intéressés sur les plus-values réalisées (« carried interest ») mais sur les résultats d'un ensemble de critères dont l'un des plus importants est la concrétisation de projets industriels sur le territoire national.
Les autres conventions concernent le refinancement d'Oseo à hauteur d'un milliard d'euros pour développer son activité auprès des PME, la création du dispositif des prêts verts pour 500 millions d'euros, la réindustrialisation pour 200 millions d'euros, et la création d'un fonds pour les entreprises sociales et solidaires. Ce fonds doté de 100 millions d'euros pourra bénéficier également des sommes fléchées en direction de l'amorçage. Nous avons demandé à Edmond Maire de réfléchir aux possibilités de mener dans certains secteurs des expériences professionnelles avec des chômeurs en fin de droit, l'idée étant de proposer à ces derniers une activité professionnelle qui ne nécessiterait pas de formation particulière. Nous constatons en effet que ces personnes formulent une sorte de rejet à l'encontre des actions de formation et qu'il serait préférable dans un premier temps de leur proposer un emploi.
S'agissant de la rénovation thermique des logements à hauteur de 500 millions d'euros, nous avons passé un accord avec les métiers du bâtiment afin que les sommes injectées dans l'économie, soit environ un milliard d'euros en comptant l'effet de levier, donnent lieu à davantage de recrutements d'apprentis et de compagnons, et ne conduisent pas à un étalement dans le temps des contrats sans augmentation du taux d'emploi dans ce secteur.
Enfin, une convention concerne le financement du futur réacteur nucléaire Jules Horowitz, qui est un exemple d'investissement nous permettant de prendre une position dominante dans un secteur particulier. A partir de 2015, ce réacteur, qui est également un centre d'essai de première importance, viendra augmenter la production mondiale de radio-isotopes à usage médical et permettra de satisfaire 25 % des besoins européens, voire 50 % en cas de nécessité.
Les conventions portant sur ces projets sont prêtes à être publiées, nous attendrons toutefois d'avoir reçu vos observations dans un délai qui reste à déterminer.
Je vous remercie pour ces développements. Lors de votre dernière audition, vous estimiez qu'au maximum entre deux et trois milliards d'euros seraient décaissés en 2010, maintenez-vous ce chiffre ?
Le chiffre de sept milliards d'euros correspond à la somme qui sera transférée aux opérateurs lorsque les dix conventions précédemment évoquées seront publiées. Cela ne signifie pas que cette somme soit pour autant décaissée cette année. Nous pensons que nous dépenserons entre quatre et cinq milliards d'euros en 2010, ce qui devrait déboucher sur un investissement annuel d'environ 10 milliards d'euros en prenant en compte l'effet de levier résultant des financements de nos partenaires.
A titre liminaire, je souhaite rappeler que les circonstances économiques et financières ont changé depuis la première loi de finances rectificative ce qui me conduit à m'interroger sur le rythme de consommation des crédits de l'emprunt national et la possibilité, voire l'opportunité, de respecter l'échéancier prévu en début d'année.
Ce constat étant fait, j'en viens à des questions plus précises :
- s'agissant de la mission « Economie », un milliard d'euros de crédits ont été fléchés dans l'emprunt national en faveur des actions décidées dans le cadre des Etats généraux de l'industrie. Lors de la discussion budgétaire, j'avais attiré l'attention sur le manque de justification de cette enveloppe globale laissée à la discrétion des participants de ces Etats généraux. Quelles sont les priorités retenues au final et la destination précise de ces crédits ?
- s'agissant de la mission « Enseignement scolaire », la commission des finances du Sénat avait relevé lors de la discussion de la loi de finances rectificative le manque de justification et de fléchage de l'enveloppe de 300 millions d'euros destinée à favoriser le développement de la culture scientifique et l'égalité des chances. Ces crédits relèvent-ils de la logique de l'emprunt ou d'une logique de moyens complémentaires ? Le financement de la nouvelle entité résultant de la fusion du Palais de la Découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie doit-il être soutenu par l'emprunt ?
- s'agissant de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les financements attendus de l'emprunt national ne constituent-ils pas un alibi pour rechercher des configurations spécifiques dont la gestion sera au demeurant particulièrement compliquée ? Les débats institutionnels ne l'emportent-ils pas sur le fond des choses ?
- s'agissant de la mission « Ville et logement », la convention de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) prévoit un effet de levier à l'égard des départements. Est-ce cohérent avec les perspectives financières de ces collectivités ?
Concernant les observations formulées par notre commission sur les dix conventions dont la transmission officielle n'a pas encore été faite, je propose que ces documents soient transmis aux rapporteurs spéciaux concernés et mis à disposition des membres de la commission. La commission pourrait, sur le modèle des décrets d'avance, entendre les observations du rapporteur général la semaine suivant la notification officielle. Ces observations seront ensuite adressées, selon les termes de la loi, au Premier Ministre.
Les conclusions des Etats généraux de l'industrie ont conduit à dégager 500 millions d'euros pour financer des prêts verts, 500 millions d'euros en faveur de la réindustrialisation et 400 millions d'euros sur le fonds d'amorçage. Nous n'avons pas beaucoup d'inquiétudes sur notre capacité à trouver des entreprises innovantes. En revanche, nous sommes préoccupés par la capacité de ces entreprises à structurer le tissu économique, car une des faiblesses de la France réside dans son déficit d'entreprises de taille intermédiaire. L'émergence d'entreprises de cette catégorie résultera selon moi de la conjonction de trois actions qui peuvent être confiées à Oseo :
- une connexion pertinente des entreprises innovantes avec les pôles de compétitivité. A cet égard, je précise que la fermeture d'un certain nombre de pôle sera proposée afin d'optimiser le coût de fonctionnement et la pertinence de cette politique publique ;
- une connexion de ces entreprises avec les pôles de recherche et d'enseignement supérieur ;
- un regroupement d'entités.
Concernant le développement de la culture scientifique et l'égalité des chances, je ne pense pas que le financement de la nouvelle entité destinée à assurer la diffusion de la culture scientifique soit au coeur de l'égalité des chances. Pour ma part, je crois qu'il faut répondre à des attentes concrètes sur le terrain, dans les quartiers.
S'agissant des universités, nous ne souhaitons pas que les financements de l'emprunt conduisent à créer des Etats dans l'Etat. Subventionner directement un laboratoire particulier ne nous semble pas opportun car celui-ci se désintéressa à moyen terme de la politique de son université. L'université reste pour nous le canal essentiel des financements de l'emprunt national. Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) peuvent également être une courroie de transmission mais pas nécessairement.
Je rappelle que nous sommes extrêmement vigilants sur les fonds attribués dans le cadre de l'opération « Campus d'excellence » puisque les universités n'auront la maîtrise de leur dotation qu'au terme d'une période probatoire de trois ans. Nous faisons l'objet de nombreuses sollicitations. Nous avons décidé de décaler dans le temps l'appel à projets relatif aux « campus » ou « initiatives d'excellence » car nous avons besoin de temps pour apprécier la situation. En revanche, l'opération de rénovation immobilière doit, elle, être accélérée car elle est essentielle : parmi les critères de choix des étudiants se trouvent les conditions et la qualité de la vie étudiante, ce qui suppose des bâtiments et des lieux de vie agréables. Cette dimension est aussi importante que la renommée des enseignants-chercheurs ou les liens de l'université avec d'autres établissements nationaux ou étrangers.
Il conviendrait également de mettre un terme à cette distinction entre écoles et universités. 56 % des jeunes ne s'inscrivent pas dans une université pour leur première année post-bac. Cette réalité doit nous conduire à modifier notre appréhension du monde universitaire.
Enfin, j'aimerais souligner le succès des instituts universitaires technologiques (IUT) qui permettent un accès rapide au marché du travail et constituent un vivier de doctorants. Actuellement, les IUT, dont la gestion vient d'être transférée aux universités, font l'objet d'une tentative de déstabilisation que nous n'approuvons pas. Les IUT sont des pépites pour l'emploi des jeunes, la politique des présidents d'université à leur égard retiendra toute notre attention.
S'agissant de la capacité des départements à assumer l'effet de levier demandé dans le cadre de la rénovation thermique des logements, je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais je pense que cette action ne pourra pas être conduite correctement sans une implication forte des acteurs du terrain.
Sur le plan macro économique, je souhaite savoir si vous disposez d'une estimation de l'impact du grand emprunt pour prendre le relais de la faible croissance attendue en 2010. Ensuite, sur le plan micro-économique et local, comment allez-vous répartir les 4,5 milliards d'euros d'investissement dédiés à l'économie numérique, notamment pour ce qui concerne les infrastructures de très haut débit ? Sur ce dernier point, j'ai appris que le nombre de candidats excède la capacité de financement des fonds européens. Ceux qui n'auront pas été retenus pourront-ils être sélectionnés pour mettre en oeuvre les opérations décidées dans le cadre du grand emprunt ? Enfin, dans la mesure où les collectivités territoriales procèdent également à des travaux de câblage en très haut débit, comment allez-vous opérer votre choix entre les opérateurs privés et les entités publiques qui répondront aux mêmes appels d'offre ?
Tout d'abord, je souhaite une totale transparence dans le fléchage des crédits. C'est la raison pour laquelle des comités consultatifs sont ou seront créés afin de démontrer qu'aucune attribution d'opération n'est prédéterminée.
Pour répondre à la question de savoir quel impact le grand emprunt aura sur la relance à brève échéance, nous sommes incapables de chiffrer avec précision un quelconque taux de croissance d'ici la fin de l'année 2010. En tout état de cause, les investissements d'avenir, dont les effets se feront sentir à long terme, s'inscrivent dans la continuité du plan de relance.
La question du numérique est complexe. Elle fait d'ailleurs exception dans le mode de gouvernance du grand emprunt car, alors que l'Etat confie à des opérateurs la gestion des investissements d'avenir, il est ici « co-opérateur » par le biais du Secrétariat d'Etat chargé de la prospective et du développement de l'économie numérique. Le problème de fond réside dans la difficulté à obtenir un chiffrage fiable pour l'équipement de tout le pays en très haut débit. Ce sujet reste à l'étude et fait, pour l'instant, apparaître des écarts très importants, sachant que, si l'on peut retenir un ordre de grandeur de 20 milliards d'euros, le grand emprunt n'en fournirait que 2 milliards. Par ailleurs, nous n'avons pas encore de vision claire de l'ensemble des équipements déjà réalisés par les collectivités territoriales. J'avance l'idée de créer un consortium Etat-Collectivités territoriales-Opérateurs pour la construction d'une infrastructure qui serait remboursée, à terme, par un droit de péage.
Je m'insurge contre la position de la Commission européenne qui considère que, quelles que soient les modalités de réalisation des infrastructures à très haut débit, tous les opérateurs pourront y avoir accès. Cela reviendrait à dire que les Etats paient les réseaux et que Google les utilise gratuitement.
Il est nécessaire, avant de définir une stratégie d'équipement à très haut débit de tout le territoire national, de disposer d'un chiffrage des infrastructures et d'une vision globale des technologies à mettre en oeuvre. Cette question s'est posée pour le déploiement de satellites, dont il était dit qu'ils pourraient assurer la couverture de 20 % des zones les moins peuplées. En raison du coût d'une telle technologie, nous avons préféré arrêter les opérations car nous nous sommes rendu compte que ce procédé, au regard de ses performances techniques réelles, ne permet de satisfaire l'accès au très haut débit que sur 2 % du territoire national. Il serait déraisonnable d'investir de telles sommes pour un résultat aussi minime.
S'agissant des dépenses en matière de numérisation de documents, une de nos certitudes réside dans la nécessité de disposer d'une bibliothèque numérique scientifique unique pour toutes les universités. A l'instar de ce qui existe en Grande-Bretagne et en Allemagne, une économie substantielle pourrait être réalisée en n'achetant qu'un seul livre au lieu de neuf, celui-ci étant mis à disposition sous forme dématérialisée pour l'ensemble des lecteurs. Un chiffrage précis de l'opération reste encore à effectuer.
En tout état de cause, nous n'avons pas encore exploré toutes les possibilités techniques d'équipement de l'ensemble du pays, d'autant que des solutions permettraient aux câbles en cuivre, qui équipent actuellement le réseau, de supporter le très haut débit. Enfin, je rappelle ma détermination à ne pas accepter la position de la commissaire européenne au numérique, Neelie Kroes, qui veut autoriser l'usage gratuit des infrastructures au bénéfice de l'ensemble des opérateurs, car cela les conduirait à adopter une position « attentiste » à l'égard des investissements publics.
Pouvez-vous nous confirmer s'il est prévu de lancer les appels d'offres pour la réalisation des travaux d'infrastructure à très haut débit d'ici cet été ?
Non. Seul le calendrier de mise en oeuvre sera publié à cette échéance, car le lancement proprement dit des opérations reste subordonné à un chiffrage des investissements à réaliser.
Disposez-vous d'une évaluation des équipements d'ores et déjà réalisés par les collectivités territoriales et l'opérateur historique ?
Je suis élu du Val-de-Marne, dans une commune qui se situe dans une « zone d'ombre » du très haut débit numérique distante à peine de 20 kilomètres de Paris. Malgré toute la bonne volonté des élus locaux, nous ne disposons d'aucune visibilité technique et juridique pour programmer de tels investissements.
Les incertitudes techniques et financières ne sont toujours pas levées. En particulier, la question ne se pose pas seulement pour le câblage de la voie publique. Il s'agit aussi de déterminer dans quelles conditions le très haut débit « montera dans les étages » pour équiper chaque foyer. Il conviendrait de lancer une étude sur l'ensemble du territoire et de visiter les départements qui se sont déjà équipés, comme ceux qui rencontrent des difficultés pour le faire.
Je précise que le département de la Haute-Marne, qui est essentiellement rural, a décidé d'installer de la fibre optique pour un montant de près de 40 millions d'euros. Or, même s'il s'agit d'un choix politique, la problématique technique du raccordement demeure incontournable.
Cette question doit en effet être résolue avant de définir une stratégie d'équipement à l'échelle nationale.
Pouvez-vous m'éclairer sur deux questions techniques ? S'agissant du projet de création de cinq instituts hospitalo-universitaires (IHU), quels sont les crédits qui y seront affectés et quelles seront les modalités de sélection des projets ? Par ailleurs, votre décision de redéfinir la stratégie de création des campus d'excellence s'applique-t-elle également au plateau de Saclay ?
Je rappelle que les IHU devront réunir, en un lieu unique, la triple fonction de soins, de recherche et de formation et que le Gouvernement va y consacrer, dans le cadre du grand emprunt, un crédit de 850 millions d'euros, dont un quart de crédits consomptibles et trois quart de crédits non consomptibles. Ils seront affectés à cinq projets. Un comité consultatif, qui sera probablement présidé par le professeur Alain Deloche, président du conseil d'administration de l'hôpital européen Georges Pompidou, aura à se prononcer sur les candidats. Il s'agit de garantir une sélection des projets dans une totale transparence.
S'agissant du plateau de Saclay, je précise que le rapprochement de Paris Tech et de l'université d'Orsay n'est pas remis en cause. Toutefois, il convient de se donner le temps nécessaire pour organiser une coordination qui ait un sens. En effet, l'idée consistant à remplacer la notion de « campus d'excellence » par celle « d'initiative d'excellence » me semble appropriée, dans la mesure où le type d'opérations que recouvre cette seconde formule n'est pas matérialisé dans un lieu unique. Par ailleurs, je n'ai pas le sentiment qu'un projet consensuel ait, jusqu'à présent, emporté l'adhésion de l'ensemble des décideurs nationaux et locaux.
Lors de la création du nouveau cursus Licence-Master-Doctorat (LMD), j'avais proposé l'idée de reconnaître les diplômes universitaires de technologie (DUT) au niveau de la licence par la valorisation d'une troisième année d'expérience dans l'entreprise. Il s'agit de permettre à ces diplômés de continuer à évoluer dans le monde du travail, tout en préparant un master, voire une thèse.
Je présenterai, dans les prochains jours, un rapport sur la politique d'innovation qui remettra notamment en cause l'absence de ciblage du crédit d'impôt recherche (CIR). Il s'agit d'une dépense fiscale de près de 4 milliards d'euros par an, dont l'absence d'objectif nuit à son efficacité en matière de politique publique. Pour vous exposer mon raisonnement, le processus d'innovation se décompose en quatre grandes phases chronologiques :
- la recherche fondamentale qui a pour objet de définir des modèles théoriques ;
- la recherche appliquée qui permet, à partir des modèles théoriques, de créer des concepts ;
- le développement qui consiste, à partir d'un concept, à élaborer un procédé technique de fabrication ;
- enfin, la conception proprement dite du produit.
Or, le champ d'application du crédit d'impôt recherche ne concerne que les deuxième et troisième phases de cette chaîne, c'est-à-dire la recherche appliquée et le développement. Dans ces conditions, seules les entreprises déjà structurées en recherche et développement bénéficient de cet avantage fiscal. Cela exclut la valorisation de la conception du produit, et donc laisse à l'écart un gisement extrêmement intéressant de petites et moyennes entreprises (PME) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI). A cet égard, il conviendrait de prendre exemple sur le modèle mis en place aux Etats-Unis de « small business innovation research » (SBIR). En France, seules 6 % des entreprises s'intéressent aux hautes technologies, contre 25 % outre Atlantique.
Vous êtes au coeur du sujet. Nous avons pour idée de conclure une convention cadre avec OSEO pour s'assurer de la connexion des entreprises avec le pôle de recherche correspondant à leurs projets. Les fonds d'amorçage prévus dans le cadre des investissements d'avenir s'inscrivent dans ce « continuum » entre la recherche et la production. A cet égard, je m'élève contre l'obsession qui consiste à privilégier le taux de rentabilité interne (TRI) qui pousse les investisseurs dans la recherche à adopter des comportements de retour sur investissement à court terme. Dans cette optique, un nombre important de brevets développés en France grâce à notre recherche fondamentale sont vendus à l'étranger, alors qu'ils pourraient être exploités en France. Il s'agit d'un enjeu industriel capital.
Pour en revenir au CIR, j'attire votre attention sur la difficulté à cibler un tel dispositif car la notion de recherche ne s'applique pas qu'en matière scientifique. Les bons résultats à l'exportation des produits industriels sont aussi fondés sur la recherche marketing, à l'instar des succès rencontrés par certains produits italiens dont le « design » et le « packaging » sont plus attrayants, même si leur valeur intrinsèque n'est pas forcément plus grande.
Le département du Lot a mis en place un programme d'équipement en très haut débit pour certaines zones prioritaires dont le financement n'est pas totalement assuré. Pouvez-vous me confirmer que les projets portés par les collectivités territoriales pourront être financés dans le cadre du grand emprunt ?
Par ailleurs, quelles sont les orientations poursuivies s'agissant des investissements qui seront réalisés en matière de développement durable ?
Enfin, la rénovation thermique pose de graves problèmes dans les zones rurales, dans la mesure où les crédits de l'agence nationale de l'habitat (ANAH) ont été orientés en priorité vers les zones urbaines.
La recherche de l'excellence ne doit pas, en soi, être remise en cause, mais il convient de s'interroger sur sa compatibilité avec un développement harmonieux du territoire. D'autre part, je remarque que la conduite de projets est un exercice difficile à mener dans le secteur universitaire. Ne faudrait-il pas créer une autorité qui permettrait de valider certains choix ?
Je souhaite rappeler un sujet qui tient à coeur à notre collègue M. André Ferrand concernant l'enseignement à l'étranger. Il s'agirait de créer une filière de classe d'excellence dans certains lycées français de l'étranger, conventionnés avec des « campus d'excellence » en France, afin de mieux former et attirer dans notre système d'enseignement supérieur les étudiants étrangers francophones les plus talentueux.
Je confirme que les appels à projets en matière d'équipement à très haut débit seront ouverts aux départements qui souhaiteront y participer. Je rappelle toutefois que ce volet numérique des investissements d'avenir reste à l'état d'étude.
Je précise que le volet thermique des crédits de l'ANAH est également ciblé sur les territoires ruraux à hauteur de 45 %.
En revanche, ce dispositif est orienté vers les propriétaires et ne concerne pas encore la rénovation thermique du logement social. Ce point reste donc à étudier.
S'agissant des investissements en matière de développement durable, il convient de s'assurer de la rentabilité de certains projets. En effet, est-il vraiment nécessaire de développer des démonstrateurs de production de carburant à partir de la biomasse si nous n'avons pas l'usage de tout le bioéthanol produit et si la rentabilité pour les agriculteurs partenaires de la filière se limitent à seulement 15 euros par an ?
Concernant la bonne intégration des projets d'excellence dans l'aménagement du territoire, je souscrits à la remarque de M. François Fortassin car je me suis rendu compte, notamment lors de ma visite en Bretagne et dans les Pays de la Loire, que des universités et des laboratoires peuvent très bien travailler ensemble sans qu'il soit nécessaire de les concentrer dans un lieu unique. C'est pourquoi la notion d'initiative d'excellence me semble plus appropriée que celle de campus d'excellence.
Enfin, à la lumière du projet soutenu par M. André Ferrand, je constate que la France fait une erreur considérable depuis trente ans en ne développant pas la diffusion de ses diplômes à l'étranger et, notamment, vers le monde francophone. Ce n'est pas un hasard si de plus en plus de pays que nous pensions être dans notre sphère d'influence contractualisent sur de grands projets avec d'autres pays : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et, maintenant, la Chine. Il est urgent de conclure des accords pour permettre aux étudiants des pays francophones de passer les diplômes d'enseignement supérieur en France sinon les élites de ces Etats vont devenir anglophones.
La commission auditionne ensuite M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance.
La commission vous entend, Monsieur le Ministre, dans le cadre de nos rendez-vous réguliers avec le Gouvernement destinés à faire le point sur la mise en oeuvre du plan de relance.
Je vous remercie de votre nouvelle invitation à présenter l'état d'avancement du plan de relance. C'est toujours pour moi un plaisir d'échanger avec vous sur les résultats que les pouvoirs publics, Etat et collectivités territoriales, ont atteints au service de notre économie, en partenariat avec les autres acteurs et notamment les entreprises. Nous vous avons remis, à cet égard, il y a quelques jours notre cinquième rapport relatif au premier trimestre 2010.
Le plan de relance a été déployé comme prévu au cours de l'année 2009, avec une mise en oeuvre et un suivi par l'Etat et ses services qui, me semble-t-il, ont été efficaces. Cette action a porté ses fruits, comme en témoigne le retour à une croissance - certes encore fragile - fin 2009 et au premier trimestre 2010. C'est en tout cas mieux que la plupart des autres pays, même si la situation toujours difficile de l'emploi invite à la prudence. Plus précisément, à ce jour, 33,9 milliards d'euros ont été injectés dans l'économie française par l'ensemble des mesures du plan de relance. Ce montant représente plus de 87 % des sommes annoncées par les pouvoirs publics sur la période 2009-2010 pour faire face à la crise. Ces chiffres sont massifs. Et ils le sont encore plus en tenant compte du jeu des stabilisateurs automatiques, qui contribuent aussi à hauteur de plusieurs points de produit intérieur brut (PIB) au soutien de la conjoncture.
Cela étant, je crois qu'il ne faut pas s'arrêter aux seules masses financières. Le choix attentif des mesures arrêtées et leur calendrier très rapide de mise en oeuvre ont largement contribué au succès du plan. En effet, le plan de relance a été construit autour de quatre séries de mesures : soutien à l'activité et à la trésorerie des entreprises, investissement public, solidarité, logement et, enfin, soutien à l'emploi. Ces orientations initiales ont parfaitement répondu aux besoins spécifiques des divers secteurs économiques et leur articulation a permis de frapper vite et fort.
Parmi les premiers dispositifs opérationnels, figurent les mesures fiscales destinées à alléger, au plus fort de la crise début 2009, les contraintes de trésorerie des entreprises et, ainsi, à éviter de nombreuses faillites. 15,9 milliards d'euros ont été injectés dans l'économie via la mensualisation de la TVA, le report arrière d'impôt sur les sociétés et le remboursement du crédit d'impôt recherche reconduit en 2010. Plus de 43 % de cette somme a concerné des petites et moyennes entreprises (PME).
Cette intervention a été complétée utilement par l'action d'OSEO, très appréciée de manière générale. Depuis le lancement du dispositif, l'établissement a garanti les emprunts souscrits par plus de 19 500 entreprises, dont 702 entreprises de taille intermédiaires (ETI), pour un volume de prêts de 4,484 milliards d'euros. La procédure CAP+, mise en place au début de l'été 2009, a connu un grand succès : les garanties CAP+ actives représentent près de 800 millions d'euros contre 520 millions d'euros pour les garanties CAP, qui ont été introduites en début d'année 2009. Le dispositif a permis d'irriguer un tissu de plusieurs dizaines de milliers de PME, voire de très petites entreprises.
En matière d'activité, la prime à la casse a rempli tous les objectifs : gain de pouvoir d'achat pour le consommateur ; hausse des ventes pour le secteur automobile ; évolution vers un parc de véhicules moins polluants. Au total, 776.000 primes ont été payées par l'Agence de services et de paiement (ASP) depuis le lancement du dispositif. L'année 2009 fut la meilleure année depuis 1990 pour le nombre d'immatriculations des voitures particulières neuves en France, avec 2.268.730 immatriculations. Les constructeurs français s'en sortent bien avec près de 60 % des primes.
Certes pas toujours en France, Monsieur le Président, mais à tout le moins certaines de leurs pièces le sont-elles.
Quelques mots aussi sur le Fonds stratégique d'investissement, qui a investi 1,4 milliard d'euros dans une vingtaine d'entreprises. Et ce à un moment critique de la conjoncture, où les financements se faisaient rares. Ces investissements ont été réalisés de manière avisée, ayant permis au fonds d'enregistrer près de 500 millions d'euros de progression de ses fonds propres.
En plus du soutien à leur trésorerie ou à leur financement, les pouvoirs publics sont venus renforcer le carnet de commandes des entreprises au travers de l'investissement public. L'Etat a ainsi lancé plus de 1.500 chantiers dans les infrastructures et le bâtiment. La plupart des contrats ont été signés en 2009 et l'effort budgétaire suit le rythme d'avancement des travaux. Ceux-ci s'étalent naturellement sur deux années : la moitié a été réalisée en 2009, le reliquat le sera en 2010.
S'agissant des réalisations en 2009, on dénombre 443 kilomètres de routes et 195 kilomètres de voies ferrées rénovées, 95 établissements universitaires mis aux normes de sécurité ou d'accessibilité et 16,9 millions de mètres carrés du parc immobilier public ayant fait l'objet d'un diagnostic énergétique.
Les grandes entreprises publiques ont accompagné ce mouvement en investissant, l'année dernière et au début de celle-ci, 3,5 milliards d'euros, soit 86 % des sommes annoncées. Les collectivités territoriales ont aussi été très impliquées dans le cadre du remboursement anticipé du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Elles ont déjà investi environ 45 milliards d'euros, sous l'incitation de l'Etat qui leur a apporté 3,8 milliards d'euros. Pour d'autres collectivités, il n'a pas été possible de conventionner en 2009, pour des raisons toujours objectives et réfléchies, sans arrière-pensée partisane, je veux le souligner. Aussi, forts du succès de l'an passé et à la demande des élus, la mesure de versement anticipé du FCTVA est rouverte en 2010, pour les collectivités qui n'ont pu s'engager l'année dernière. A ce stade, 127 collectivités ont signé une convention dans 35 départements, représentant 76 millions d'euros d'investissements prévisionnels.
Ce sont fréquemment des collectivités qui avaient fortement investi au cours des années précédentes.
En parallèle de ce soutien à l'activité et aux infrastructures, les ménages aux revenus les plus modestes ont bénéficié des mesures de solidarité du plan de relance, qui sont venues soutenir leur pouvoir d'achat. Ont ainsi été versés plus de 2,7 milliards d'euros sous la forme d'aides diverses : prime de solidarité active au plus fort de la crise dès avril 2009, prestation pour les familles modestes, chèque emploi-service universel (CESU), crédit d'impôt sur le revenu, revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA). Par ailleurs, la construction de plus de 130.000 logements a été financée par l'ensemble des mesures sur plan de relance en 2009. Cet effort a permis à l'évidence d'amortir efficacement la baisse d'activité dans le bâtiment, ceci étant même officiellement reconnu par les fédérations professionnelles concernées. Compte tenu des délais de mise en chantier, cela viendra soutenir l'activité des entreprises tout au long de 2010, d'autant plus que le programme de relance se poursuit avec le financement de 15.000 prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et prêts locatifs à usage social (PLUS) supplémentaires en 2010. Les dispositifs de soutien à l'accession sociale, doublement du prêt à taux zéro et Pass Foncier, sont toujours en place en 2010 et portent tous leurs fruits pour aider les ménages modestes à devenir propriétaires.
Enfin, en matière d'emploi, le plan de relance finance de nombreux dispositifs comme « zéro-charges TPE » et le fonds d'investissement social (FISO), qui montent en puissance en 2010 et contribuent ainsi utilement à lutter contre le chômage. L'emploi reste de ce fait la principale priorité du plan de relance en 2010. En termes de réalisations, à ce jour, près de 966.000 demandes ont été reçues dans le cadre de l'aide à l'embauche « zéro-charges TPE ». Le FISO a versé plus de 940 millions d'euros au titre de la vingtaine de mesures financées. Par exemple, de manière plus spécifique, 631.000 contrats ont été aidés à fin mars 2010. Concernant l'activité partielle, l'engagement de crédits dépasse 290 millions d'euros. Le nombre total de bénéficiaires s'élève à plus 125.000 pour la convention de reclassement personnalisé (CRP) et à 22.580 pour le contrat de transition professionnelle (CTP). Plus de 30.000 personnes ont bénéficié en 2009 de la prime de 500 euros pour les travailleurs précaires.
Les mesures d'urgences adoptées il y a un peu plus d'un an visaient à sortir l'économie française de la récession : cet objectif est atteint, la croissance du PIB redevenant positive. La France a bénéficié de l'effet cumulé de notre plan de relance, dont les efforts principaux ont porté dès 2009 et de celui des autres pays. Ces résultats légitiment les choix opérés dès le début par le Président de la République et le Gouvernement. Ils justifient aussi de poursuivre et concentrer tous nos efforts en faveur de l'emploi. L'année 2010 est désormais consacrée au pilotage vigilant de la fin de gestion du plan de relance : finalisation des programmes engagés en 2009 et, surtout, maintien comme priorité de la lutte contre le chômage. L'année 2010 est aussi une formidable occasion d'accompagner et de consolider la sortie de crise en renforçant la compétitivité de notre pays, dans un contexte de concurrence avivée.
C'est ce que fait le Gouvernement avec des réformes aussi essentielles que la suppression de la taxe professionnelle. Cet objectif est également celui de l'emprunt national, dont les premiers dossiers pourraient voir le jour dès 2010 et ainsi prendre le relais, dans plusieurs secteurs, des actions de relance : nanotechnologies, université, rénovation thermique, financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire. En tout état de cause, je vous assure de ma totale mobilisation à poursuivre et achever la mission que le Président de la République et le Premier ministre m'ont confiée.
Nous vous remercions, Monsieur le Ministre, et reconnaissons que vous vous êtes bien acquitté de votre mission. Le maintien de l'activité a également été permis par l'engagement des collectivités territoriales, qui ne pourront toutefois maintenir durablement un tel niveau d'investissement.
Cet exercice constitue une reddition de comptes exemplaire : la feuille de route a été tenue et les crédits du plan de relance ont été véritablement traçables grâce à la création d'une mission dédiée. Il faudrait que tout soit aussi clair dans l'Etat et, en comparaison, l'emprunt national est un exercice plus complexe...
Néanmoins, et alors que 10 milliards d'euros d'allègement de fiscalité des entreprises prennent le relais du plan de relance, grâce à la suppression de la taxe professionnelle, la question est celle des effets de ce dernier sur notre croissance potentielle. Les mesures de relance permettront-elles le retour à une croissance pérenne ?
Les mesures de soutien à la consommation ont été conjoncturelles, mais les autres mesures auront un effet pérenne. La France est le seul pays à avoir mis en oeuvre 75 % de son effort de relance en 2009, au plus fort de la crise. En résultent nos performances, meilleures que celles de nos voisins, une récession limitée à 2,2 % en 2009, contre 4,9 % en Allemagne, et une croissance de 1,5 % en 2010. Ensuite, nous avons privilégié les mesures d'investissement et évité bien des faillites ou liquidations d'entreprises, avec lesquelles se seraient irrémédiablement perdus des savoir-faire. J'en veux pour preuve les 100 millions d'euros consacrés aux monuments historiques.
La TVA dans la restauration est une mesure discutable, j'en conviens volontiers, mais l'appréciation doit être nuancée. Ses effets sur l'emploi ou sur la baisse des prix sont peut-être limités, mais cette mesure a permis de soutenir le secteur pendant la crise.
Enfin, le plan de relance a également permis de maintenir la cohésion sociale.
Je souscris au choix qui a été fait de privilégier les dépenses d'investissements, mais l'optique n'a-t-elle pas été trop « hexagonale » ? Notre commerce extérieur est une véritable plaie au flanc, alors que des pays comme l'Allemagne profitent pleinement de la croissance en Inde ou en Chine. N'aurions-nous pas dû utiliser le plan de relance pour dynamiser nos exportations ?
Le plan de relance avait vocation à produire des effets immédiats et a donc consisté à mettre en oeuvre des projets existants mais non encore financés. Ce plan a donc été largement territorialisé. La relance des exportations était moins adaptée, car elle met davantage de temps à produire des effets bénéfiques sur la croissance. Néanmoins, le dispositif CAP+ ou le crédit d'impôt recherche ont contribué à cet objectif.
Le ministre pourrait-il nous éclairer sur la fin du plan de relance, dont les dépenses n'avaient pas vocation à être pérennes ? Cette question résulte d'une intervention récente du ministre chargé du Grand Paris, qui déclarait que les crédits en faveur de l'automobile prévus par le plan de relance permettraient de financer certains chantiers. Plus ponctuellement, qu'en est-il de l'opération CDG-Express, au sujet de laquelle le rapport que vous nous avez remis précise que le groupe Vinci a été retenu au terme de la procédure de mise en concurrence et que « la baisse du trafic aérien liée à la crise fait l'objet d'une compensation d'exploitation qui permet d'équilibrer les recettes de la concession par le concédant » ?
Le partenariat public-privé (PPP) intéressant CDG-Express est en cours et je ne me prononce pas sur le bien-fondé de cette opération en particulier. Le plan de relance a permis de « défricher » la pratique des PPP, qui continueront au-delà de sa durée d'application. S'agissant des effets budgétaires du plan de relance, il est indéniable que ce dernier a pesé sur le déficit, mais il a également permis de limiter la perte de croissance. Lorsque la maison brûle, on ne regarde pas la facture d'eau...
Ce plan de relance est à ce point miraculeux qu'on se demande comment s'en passer à l'avenir...
Le plan de relance a permis à la France de sauvegarder sa compétitivité, il faut préserver cet acquis. Par ailleurs, le remboursement anticipé de TVA aux collectivités a été rapide, efficace et très apprécié. Il a notamment permis de soutenir l'industrie du bâtiment. Il avait également mis fin à une différence de traitement entre communes et communautés de communes sur les délais de remboursement. Pourquoi ne pas perpétuer cette mesure ?
Si la crise est profonde, elle mettra durablement en cause notre compétitivité, d'où le nécessaire relais pris par les investissements d'avenir. Cependant, les marchés émergents font pression sur les entreprises pour que la production soit localisée chez eux. Il faut impérativement cesser de taxer la production, ce qui revient à organiser les délocalisations. De même, le crédit d'impôt recherche ne revient-il pas à subventionner des investissements qui donneront lieu au montage de chaînes de production à l'étranger ?
Au sénateur Gaillard, je répondrai que le plan de relance a été dimensionné pour la crise et qu'il était incontournable pour que l'investissement public pallie l'absence d'investissement privé. Cet investissement privé est aujourd'hui faible, et la question est de savoir s'il va repartir. Or une incertitude majeure réside dans l'évolution de la régulation financière internationale. Il faut dissiper cette incertitude pour que les agents économiques réinvestissent.
Notre discours est inapproprié : dire que le Grand Paris ou les mesures d'aides à la Grèce ne coûteront rien discrédite la parole politique et renforce l'anxiété ambiante.
S'agissant du FCTVA, il est vrai qu'une différence subsiste dans les délais de remboursement, au sein du bloc communal. Mais une partie du chemin a été faite et l'Etat a consacré 3,8 milliards d'euros à ce progrès. Je ne souscris pas à votre analyse, Monsieur le Président, sur le crédit d'impôt recherche : si on localise la recherche en France, on y localise également l'état-major de l'entreprise et ses process industriels. La recherche ne s'effectue pas « hors-sol » et s'appuie sur la production.
Nous vous remercions, Monsieur le Ministre, pour l'ensemble de vos réponses.