Dans la continuité de la préparation de la deuxième conférence sur les finances publiques, qui doit se tenir le 20 mai prochain et à laquelle les associations d'élus ont contribué, j'établirai un diagnostic global sur les finances locales avant de me concentrer sur la situation des départements, tant au regard des autres collectivités que de leurs relations avec l'Etat.
Tout d'abord, la situation financière de l'Etat contraint à envisager que le périmètre large des concours de l'Etat aux collectivités territoriales, incluant la prise en charge des dégrèvements, évolue, dès 2011, selon une norme de stabilité en valeur. La capacité des différents niveaux de collectivités à faire face à une telle rupture est cependant très variable.
S'agissant du bloc des communes et intercommunalités, les disparités de dépense consolidée par habitant sont considérables. Le rapport entre le premier et le dernier décile est ainsi de 3 pour un pour l'ensemble des communes, de 2 à 2,5 pour les communes de moins de dix mille habitants et de 1,7 pour les communes de plus de 10 000 habitants hors Paris. On constate également une forte corrélation, évaluée à 0,6, entre le niveau des ressources et celui des dépenses par habitant. Les dotations sont à cet égard déterminantes au sein des ressources puisqu'elles ont été constituées très largement par la transformation de pans entiers de la fiscalité locale au cours des dernières années, tels que la part salaires de la taxe professionnelle ou la vignette. On devrait donc probablement accentuer la péréquation à partir de ces dotations, et ne pas se limiter à la redistribution de la croissance annuelle des ressources. Ce nouveau mode de péréquation requerra une analyse fine.
La situation des régions est différente puisque celles-ci demeurent très liées à l'Etat par des politiques conventionnelles. Des ajustements devront sans doute être apportés, notamment sur les infrastructures et les universités.
S'agissant des relations entre l'Etat et les collectivités, deux points majeurs font l'objet d'âpres discussions. En premier lieu, il faut absolument interdire la prolifération des normes et les « transferts rampants », c'est-à-dire la poursuite de l'intervention de l'Etat dans des compétences transférées et l'attribution aux collectivités de politiques que l'Etat pourrait mener lui-même. A ce titre, le comité des finances locales a rejeté hier, à l'unanimité, un décret portant sur les affaires sociales, et je serais amené à examiner plusieurs amendements déposés au projet de loi « Grenelle II » qui ont des incidences sur les finances locales. Il importera également de s'attaquer au « stock » des normes, le travail sur les flux commençant à porter ses fruits. Des progrès ont été enregistrés en matière d'évaluation des normes et des charges, mais le Gouvernement et les parlementaires doivent à présent se montrer plus rigoureux.
En second lieu, a émergé l'idée de réguler la dépense à la source par la mise en place d'objectifs de dépenses locales, à l'image de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM). Cette démarche me paraît totalement irréaliste et il est préférable de faire le pari de laisser les exécutifs locaux, confrontés à la raréfaction des ressources, décider eux-mêmes les ajustements à réaliser, à la condition que la multiplication des normes et les transferts rampants soient interrompus.
Concernant enfin les départements, je partage l'analyse du rapport de M. Pierre Jamet. Indépendamment des pratiques de bonne gestion qu'il convient de promouvoir, la situation des départements est très contrastée, notamment sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), parfois aggravée par le profil démographique, et elle fait craindre pour certains départements un désajustement structurel entre les recettes et des prestations sociales dont la montée en puissance est récente. Il faut donc traiter rapidement ce grave problème en mettant en place un suivi rigoureux de la situation individuelle des départements.
Dans un contexte de « politique de sécurité sociale territoriale » - l'expression est de M. Claude Bartolone - soit on considère que les départements sont les gestionnaires d'une politique définie au niveau national et ils doivent bénéficier des moyens correspondants, soit les politiques sociales relèvent de l'initiative des collectivités territoriales et les départements doivent alors disposer de marges de manoeuvre qu'ils n'ont pas aujourd'hui. A titre personnel, je me demande si la collectivité nationale pourra durablement assumer les prestations créées ces dernières années. Il reste que certains départements ne pourront objectivement pas s'en sortir à court terme et cette situation est bien un enjeu national, qui ne pourra être traité simplement par la péréquation.