Une agence de notation s'est récemment demandée si les finances des départements sont irrémédiablement menacées par l'évolution des prestations de solidarité. Ainsi que je l'ai abordé dans mon récent rapport « Vivre ensemble dans une société solidaire », il s'agit autant d'une question de financement, spécifique aux départements, que de société, sur la capacité de notre pays, dans le cadre du pacte républicain, à servir des allocations qui constituent des droits universels et reposent sur la solidarité nationale. Or trois prestations créées au cours des dernières décennies - l'APA, la PCH et le RMI puis le RSA - sont de même nature puisqu'elles sont versées sur tout le territoire et sur une base individuelle, et que leurs règles d'octroi sont fixées au niveau national. Elles sont en cela spécifiques et s'imposent aux budgets départementaux.
L'approche consistant à considérer le département comme un opérateur de politique sociale présente des risques car elle pourrait conduire à ce que des prestations, correspondant à des droits universels, soient différenciées selon les territoires. Mais si l'assiette de financement doit demeurer nationale, les départements pourraient être localement responsables de l'accueil et de l'information des personnes comme de l'élaboration et du suivi des plans d'aide et des parcours d'insertion.
Il est également difficile d'objectiviser ces dépenses dans des indicateurs de bonne gestion puisque leur volume est avant tout lié à la situation économique et démographique locale. Ainsi le décalage entre les dépenses budgétées et réelles est très important puisqu'il était évalué à 4 milliards d'euros fin 2009 au niveau national. En Meurthe-et-Moselle, il a atteint 153 millions d'euros et a été compensé par une augmentation de la fiscalité locale. Cette marge de manoeuvre est cependant épuisée et l'autonomie fiscale des départements s'est réduite, de sorte que je crains de ne plus être en mesure, dès 2011, d'inscrire au budget toutes les dépenses sociales obligatoires. Plusieurs associations représentatives des publics concernés manifestent aussi leur inquiétude sur une possible évolution vers la différenciation des prestations selon les départements.
Le débat sur le périmètre de ces prestations sociales et leurs modalités de financement doit être conduit par le Gouvernement et la représentation nationale, mais il me semble que l'ADF pourrait initier une réflexion sur l'inscription des dépenses afférentes à ces trois prestations dans un budget annexe étanche, non fongible avec le budget général du département. A la différence d'autres politiques telles que la construction et la réhabilitation des collèges, les exécutifs locaux sont liés par le caractère universel et obligatoire de ces prestations.