Intervention de Christine Albanel

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 25 juillet 2007 : 1ère réunion
Audition de Mme Christine Albanel ministre de la culture et de la communication

Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication :

a rappelé que la politique culturelle comptait parmi les grandes politiques publiques de notre pays, et que 50 ans après la création du ministère par André Malraux, l'ambition et la volonté de démocratiser la culture, d'irriguer l'ensemble de notre territoire, d'ouvrir notre pays à la création et à la modernité restaient d'actualité, même si le paysage culturel avait changé.

Elle a évoqué les questions économiques liées à son financement, les questions technologiques liées à la circulation et à la reproductibilité des oeuvres, les questions sociales auxquelles est aujourd'hui confrontée la culture, qui se posent aujourd'hui avec une acuité nouvelle.

Elle a exprimé l'intention de les aborder avec courage et persévérance en s'appuyant sur l'aide et les conseils de tous ceux qui se sentent partie prenante dans le combat culturel, et notamment les parlementaires de la commission.

Evoquant les grandes missions du ministère, elle a estimé que c'était au sein de chacune d'elles qu'il fallait faire des choix, en fonction des enjeux.

Elle a reconnu, tout d'abord, que dans le domaine du patrimoine, les besoins de financement étaient considérables, les réductions de crédit de paiement réalisées entre 2002 et 2004 continuant de se traduire par une traîne de dettes qui pèse lourdement sur l'engagement d'opérations nouvelles. Convenant que le patrimoine avait besoin de moyens stables et suffisants, évalués par la mission d'information de la commission entre 350 et 400 millions d'euros par an, elle a rappelé que la loi de finances initiale pour 2007 avait dégagé une source de financement permettant d'atteindre 378 millions d'euros en crédits de paiement, grâce au cumul des 70 millions d'euros de recette affectée au titre de 2006 et 70 millions d'euros de 2007. Consciente de la préoccupation que suscitait cette réforme au sein de la commission, elle a exprimé sa volonté de la traiter dans la clarté, en prenant le temps de la réflexion et de la concertation, annonçant qu'elle venait de missionner un expert qui rendra ses conclusions avant la fin de l'année 2007.

Elle a ajouté que d'autres actions de modernisation et de simplification, comme la réforme du statut des architectes en chef des monuments historiques, qui permettra au maître d'ouvrage de choisir son architecte étaient en cours. Elle a défini trois objectifs : assurer, à un niveau suffisant, les moyens nécessaires à l'entretien du patrimoine, gagner de l'efficacité, de la rapidité dans les études et les travaux, enfin, s'astreindre à une politique rigoureuse de classement.

Elle a confirmé son attachement aux chantiers de Pierrefitte, pour les archives nationales, et à ceux du quadrilatère Richelieu, pour la Bibliothèque nationale de France.

Enfin, elle a insisté sur la place que la politique du patrimoine - et celle de l'architecture - doivent occuper dans la politique du développement durable.

Evoquant ensuite le domaine de la création, la ministre a abordé deux questions essentielles : celle de la condition des créateurs dans notre société et celle de l'offre culturelle française, avec ses modalités de financement, ses atouts et ses faiblesses.

Elle a observé que le pillage des oeuvres sur les réseaux, comme la question de l'intermittence, renvoyaient à cette question, qui relève d'une responsabilité collective, celle des industries qui produisent et diffusent les contenus, celle des patrons des équipements et de toutes les structures de spectacle vivant ainsi que celle du public, afin d'assurer aux créateurs et aux artistes la juste rémunération de leur travail. Cette dernière ne doit pas servir de variable d'ajustement d'un équilibre économique ou d'une rentabilité, ni être assurée par certains dispositifs publics de soutien ou par la seule solidarité interprofessionnelle, dont ce n'est pas la fonction première. La culture a un prix, qui vaut reconnaissance.

S'agissant de l'intermittence, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a estimé que le protocole signé fin 2006 et entré en application en avril dernier, comportait des avancées certaines, qui, jointes à la multiplication des contrôles et aux accords qui sont trouvés peu à peu dans le cadre des différentes conventions collectives, vont dans le sens d'une plus grande professionnalisation. Elle a souhaité qu'un état des lieux soit établi à la rentrée avec le ministère du travail, le ministère de l'emploi et les partenaires sociaux, notamment sur les conditions d'accès au Fonds de professionnalisation et de solidarité ainsi que sur les aides apportées. Les améliorations possibles seront examinées, les droits sociaux des artistes et des techniciens devant être reconnus et pérennisés dans leur spécificité sur le long terme.

Puis la ministre a déclaré prioritaire la défense des droits des auteurs et des créateurs, car c'est sur eux que repose toute l'économie de la création. Elle a rappelé que le Président de la République s'était engagé avec force à faire respecter le droit d'auteur et la propriété intellectuelle sur les réseaux, enjeu qui appelle plusieurs actions absolument solidaires :

- lutter efficacement contre la piraterie, en particulier la piraterie massive et organisée ; à cet égard, la loi relative aux droits d'auteurs et aux droits voisins dans la société de l'information, dite loi DADVSI, doit être appliquée et les services de l'Etat concernés, police et justice, doivent être correctement mobilisés pour ce faire ;

- favoriser une concertation entre les différents professionnels impliqués et les internautes, afin, d'une part de développer une offre légale digne de ce nom, et, d'autre part, d'amener les fournisseurs d'accès à internet (FAI), à assumer une pédagogie de la fraude, avec des processus d'alerte. Un groupe de travail sera désigné d'ici à quelques semaines pour entendre chacun, explorer toutes les voies, et faire des propositions précises et réalistes, en tenant compte des évolutions permanentes du secteur.

a évoqué, ensuite, la question du financement de la création. Après avoir rappelé notre grande tradition d'aide publique à la création, exception française qui nous place aux avant-postes culturels sur le continent, elle s'est réjouie que notre spécificité soit désormais pleinement reconnue par l'Europe. Elle a cité, à cet égard, la validation jusqu'en 2011 de nos systèmes d'aide à la création cinématographique, même si la vigilance reste de mise, la Commission européenne ayant d'ores et déjà engagé une réflexion sur la révision des critères de territorialisation des aides au cinéma.

Elle a affirmé que l'aide publique aux industries culturelles constituait un droit, consacré par la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle. Ainsi, par exemple, la France a su créer une industrie du jeu vidéo imaginative, créative, originale, et on ne voit pas à quel titre il serait interdit de l'aider. Puis la ministre a insisté sur les exigences qu'emporte un tel financement public, avec notamment la nécessaire évaluation des dispositifs de soutien, afin de s'assurer qu'ils sont adaptés aux besoins. Evoquant les propos de la réalisatrice Pascale Ferran sur la paupérisation d'une partie la plus créative, de la production cinématographique, elle a exprimé le souhait qu'une priorité soit donnée par le Centre national de la cinématographie (CNC) aux aides à l'écriture et au développement, pour toutes les oeuvres télévisuelles et cinématographiques, ainsi qu'à l'accompagnement du travail des auteurs en amont de la production. Elle a relevé, par ailleurs, que les orientations des contrats d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions et d'Arte allaient dans le même sens et favorisaient les nouvelles écritures. Enfin, la loi relative à la « télévision du futur » et la directive « Médias » contiennent des dispositions engageant progressivement les fournisseurs de services à investir dans les programmes européens, l'enjeu et le défi étant la diversité et la qualité des programmes et des oeuvres, dans un contexte d'accroissement de l'offre.

a évoqué, ensuite, les exigences vis-à-vis du public.

S'agissant du spectacle vivant d'une exceptionnelle richesse, grâce notamment à l'effort considérable mené depuis des années par l'Etat et les collectivités territoriales, elle a jugé normal que les aides apportées à de très nombreuses compagnies, structures, institutions, aient des contreparties, la qualité et l'attractivité n'étant nullement contradictoires. A ce titre, elle a cité les partenariats noués avec les établissements scolaires et universitaires ou les organismes de jeunesse. Enfin, elle a insisté sur la nécessité d'une diffusion suffisante des oeuvres, précisément pour pouvoir rencontrer les publics, en vue d'un nouvel équilibre entre production et diffusion.

A cet égard, et s'agissant du cinéma, si l'on peut s'enorgueillir de la production annuelle de plus de 200 films et d'un nombre d'entrées des films français ayant dépassé, en 2006, celles des films américains, il faut regretter, en revanche, que les conditions de diffusion des oeuvres en salle ne soient pas optimales. D'où la nécessité d'une vraie concertation entre les professionnels, que la ministre a souhaité accompagner pour améliorer les conditions et le calendrier de sortie des oeuvres. Elle a présenté l'enjeu de la transition de l'industrie cinématographique vers la projection numérique dans les salles de cinéma, insistant sur le fait que le déploiement de cette nouvelle technologie ne devait pas affecter l'objectif de pluralisme et de diversité de l'offre de films.

a ensuite évoqué la diffusion audiovisuelle, qui a connu une formidable accélération depuis le lancement de la TNT, le 31 mars 2005. Aujourd'hui, 70% de la population française peut avoir accès à la TNT et ce taux atteindra 85% en fin d'année grâce à la couverture de l'Alsace et de la Lorraine. La loi relative à la télévision du futur prévoit que fin 2011, lors de l'extinction de la diffusion analogique, 95% de la population devra être couverte par le numérique terrestre, et 100% grâce aux autres technologies comme le satellite. Aucun département ne sera oublié, puisqu'un minimum de 91% de couverture TNT sera exigé dans chaque département. Elle s'est félicitée, à cet égard, du travail pleinement complémentaire conduit par le Parlement, le Gouvernement et le CSA afin que tous nos concitoyens puissent bénéficier de l'apport de la TNT : 18 chaînes gratuites et bientôt la télévision en haute définition.

Puis Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a affirmé que la diffusion de l'offre dans sa diversité et le soutien à l'exigence et à l'excellence éditoriales constituaient le fil conducteur d'une nouvelle politique du livre, qui devra rapidement être mise en chantier et à laquelle elle s'est déclarée personnellement attachée.

Seront exploités à cette fin un récent audit de modernisation et surtout le rapport intitulé « Livre 2010 » récemment remis par Mme Sophie Barluet, qui comporte 50 propositions souvent innovantes, actuellement à l'étude, et qui concernent notamment :

- le défi du numérique auquel le livre est lui aussi confronté, ce qui suppose de promouvoir l'essor d'une offre légale en ligne ;

- l'aide aux librairies afin de développer leur présence et leur offre sur les réseaux ;

- le fait de fortifier ce maillage culturel exceptionnel de notre territoire assuré par les libraires. A cet égard, une mission a été confiée à M. Antoine Gallimard, sur l'avenir de la librairie indépendante ;

- la modernisation de la politique des bibliothèques, avec une réflexion sur les rapprochements envisageables entre réseau de lecture publique et réseau universitaire ;

- l'évolution du Centre national du livre, qui pourrait disposer de moyens supplémentaires et de missions élargies.

a affirmé que la diffusion de la presse était une question vitale pour le pluralisme de l'information et la vitalité démocratique.

Elle a rappelé que, dès le 20 juin, elle avait pris l'engagement, au nom de l'Etat, d'accompagner la réforme des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) et que le plan « Défi 2010 » de 150 millions d'euros sur 4 ans financé par les éditeurs et l'opérateur des NMPP permettrait une restructuration ambitieuse de la distribution de la presse en France. En contrepartie, l'Etat apportera sa contribution via une revalorisation de l'aide à la presse d'information générale et politique.

Elle a affirmé que le déploiement de nouveaux points de vente et la modernisation du réseau logistique constituaient également des enjeux cruciaux afin de rendre la diffusion de la presse moins rigide et plus efficace. Cet effort commun doit permettre aux journaux et aux magazines de continuer à refléter la diversité et le pluralisme des expressions à Paris et dans les régions.

La ministre a insisté sur l'importance de la problématique de la diffusion, dans tous les domaines, estimant qu'une politique de l'offre culturelle n'avait de sens que si elle s'accompagnait d'une politique de la demande, et d'une politique des publics, notamment en direction des jeunes.

Rappelant que l'éducation artistique et culturelle relevait à la fois des compétences du ministère de la culture et du ministère de l'éducation nationale, elle a rappelé que les deux ministères élaboraient actuellement un plan d'action, qui sera annoncé à l'automne pour parvenir à la généralisation de l'éducation artistique et culturelle, reposant notamment sur l'introduction de l'histoire de l'art et de la dimension culturelle dans tous les enseignements tout au long de la scolarité, et sur l'obligation d'une pratique artistique pour tous les élèves. Cette politique pourra se réaliser grâce au développement de la coopération entre les établissements scolaires et les établissements d'enseignement spécialisé, comme les conservatoires, ainsi qu'au rapprochement des IUFM avec les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de la culture, afin de mieux former les futurs enseignants. Elle a ajouté que la multiplication de partenariats privilégiés entre les établissements scolaires, et toutes les institutions, associations, compagnies culturelles, permettrait de démultiplier les contacts et les projets entre ces deux mondes qui s'ignorent trop souvent.

Abordant la question de la gratuité dans les musées, elle s'est félicité que le Premier ministre ait demandé une expérimentation pour bien apprécier toutes les données d'un sujet complexe, grâce à une enquête qui se déroulera pendant le premier semestre de l'année 2008.

En conclusion, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a déclaré vouloir se « battre pour le patrimoine », qui est notre identité, notre mémoire, mais aussi une source majeure d'emplois. Elle a souhaité qu'il soit l'objet d'un effort suffisant et constant, car rien n'est pire que les chantiers qui s'arrêtent et dont il ne reste que des échafaudages. Elle s'est réjouie que le Premier ministre se soit exprimé avec force, dans ce sens, dans sa déclaration de politique générale. Elle a affirmé aussi être résolument aux côtés des créateurs pour défendre leurs droits, droits d'auteurs comme droits sociaux, mais a souhaité en retour que la politique de financement public soit accompagnée de justes contreparties, et qu'en fonction d'un certain nombre de critères, des choix soient effectués et que l'accent soit mis sur la diffusion, dans toutes les disciplines, dans tous les secteurs et sur tous les supports, et en portant une politique plus ambitieuse de l'éducation artistique.

Elle s'est réjouie de pouvoir s'appuyer, pour mener ces différents projets, sur toutes les équipes du ministère de la culture et de la communication, administration compétente, motivée, et souvent passionnée, et qui devra, bien sûr, évoluer, pour mieux refléter, dans son organisation, les grands programmes de la LOLF. Elle a souhaité aussi que tous les acteurs du ministère (administration centrale, directions régionales, établissements publics et grands opérateurs) travaillent ensemble et développent davantage de synergies.

Evoquant ensuite l'étroit partenariat avec les collectivités territoriales, elle a exprimé le souhait d'engager un dialogue très ouvert avec les régions qui peuvent apporter une contribution nouvelle au service public de la culture, sur une base concertée et contractuelle. A cet égard, elle a cité en particulier la réflexion sur la création d'un « Pass Culture » pour les jeunes.

Enfin, elle a défendu la nécessité de mobiliser les financements nécessaires à une politique culturelle ambitieuse, dans toute leur diversité. S'agissant des leviers non-budgétaires, et en particulier les leviers fiscaux, elle a rappelé que les crédits d'impôt avaient fait la preuve de leur efficacité et étaient appropriés aux industries culturelles. Elle a estimé que la question de la TVA à l'importation, qui pèse lourdement sur le marché de l'art, devrait être posée et que les lois sur le mécénat, qui ont permis depuis 2003 l'acquisition de trésors nationaux à hauteur de plus de 63 millions d'euros, devaient encore être améliorées. A cet effet, en 2008, à l'occasion du 5e anniversaire de ces lois sera organisée une grande concertation avec les fondations, entreprises, responsables publics et privés. En outre, le projet de loi de finances 2008 proposera de nouveaux ajustements dans le domaine du mécénat.

S'agissant des recettes propres des institutions, qu'il est nécessaire de développer, à partir de leur expertise et de leur savoir-faire, la ministre a cité le Louvre d'Abou Dabi comme une illustration exemplaire des possibilités qui s'offrent à elles dans un monde ouvert, où l'image de la France passe par celle de sa culture.

Enfin, elle a indiqué aborder sa mission avec réalisme et modestie, tout en considérant possible d'agir pour que le ministère soit plus fidèle aux idéaux qui ont présidé à sa création.

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