Intervention de François Baroin

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 octobre 2006 : 1ère réunion
Outre-mer — Dispositions statutaires et institutionnelles - Audition de M. François Baroin ministre de l'outre-mer

François Baroin, ministre de l'outre-mer :

a déclaré que le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire répondaient à trois objectifs : la mise en oeuvre des dispositions de la Constitution définissant le nouveau cadre institutionnel et statutaire de l'outre-mer au sein de la République, le respect de la volonté exprimée par les populations de Saint-Barthélemy et Saint-Martin consultées le 7 décembre 2003 sur l'organisation institutionnelle de ces deux îles, et le renforcement de l'Etat de droit outre-mer, par une clarification des statuts en vigueur et par l'amélioration de la démocratie locale.

S'agissant de l'application des dispositions spécifiques relatives à l'outre-mer adoptées lors de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, il a indiqué qu'elles visaient à moderniser nos institutions afin de renforcer la démocratie de proximité en responsabilisant davantage les élus locaux. Il a précisé que le nouveau cadre constitutionnel ainsi défini apportait aux collectivités françaises d'outre-mer deux garanties essentielles concernant, d'une part, leur appartenance à la République, solennellement consacrée par la désignation nominative de chacune d'elles au sein de la Constitution, et, d'autre part, le principe démocratique fondamental selon lequel aucune évolution statutaire ne peut être conduite sans le consentement des électeurs de la collectivité intéressée.

Il a expliqué que la révision du 28 mars 2003 avait également assoupli le cadre institutionnel et juridique régissant l'ensemble des collectivités d'outre-mer en offrant des possibilités d'adaptation inédites.

Présentant tout d'abord le cas des départements et régions d'outre-mer, il a déclaré que l'article 73 de la Constitution réaffirmait avec force le principe d'identité législative, tout en prévoyant que les lois et règlements pourraient faire l'objet d'adaptations aux caractéristiques et contraintes particulières de chaque collectivité. Il a précisé que cet article permettait aux départements et régions d'outre-mer d'adapter, après y avoir été habilités par la loi, les lois et règlements et de fixer eux-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières.

Rappelant que, dans les deux cas, l'habilitation préalable par le législateur ne pourrait intervenir qu'à la demande des assemblées locales, il a souligné que le Parlement demeurait libre de sa décision et pouvait n'accorder qu'une partie de l'habilitation demandée ou revenir sur une habilitation qu'il avait accordée. Il a précisé que comme dans le cas des ordonnances de l'article 38 de la Constitution, l'habilitation pourrait procéder d'un projet de loi spécifique, d'une proposition de loi ou encore d'un amendement à un texte en discussion.

Estimant que l'étendue de ces nouveaux pouvoirs, de nature quasi législative, accordés aux assemblées départementales et régionales appelait un cadre juridique précis, il a indiqué que l'article premier du projet de loi organique visait à prévoir à cette fin :

- que les délibérations relatives aux actes intervenant dans le domaine législatif ou réglementaire devraient être adoptées à la majorité absolue des membres de l'assemblée intéressée ;

- que s'exercerait sur les actes ainsi adoptés un contrôle juridictionnel renforcé assorti d'un effet suspensif, à la demande du représentant de l'Etat, comme dans le cadre de l'expérimentation de droit commun définie par la loi organique du 1er août 2003 ;

- que le Parlement garderait toute liberté d'appréciation, non seulement lors de l'examen de la demande d'habilitation, mais aussi en raison de l'impossibilité de recourir au référendum décisionnel local sur les demandes d'habilitation comme sur les délibérations prises en application de l'habilitation.

a indiqué que dans le cadre de la mise en oeuvre de la Constitution, les projets de loi organique et ordinaire tendaient à harmoniser les statuts de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon et des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) avec les dispositions issues de la révision du 28 mars 2003, sans altérer les grands équilibres institutionnels de ces collectivités. Il a précisé que pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, l'objectif était de reclasser en loi organique les dispositions statutaires figurant actuellement au sein de la loi ordinaire et d'apporter, à cette occasion, des précisions relatives aux règles de consultation des assemblées locales ainsi qu'aux modalités d'entrée en vigueur des lois et règlements.

Evoquant le statut de Mayotte, il a souligné que toute évolution institutionnelle de cette île supposerait que les électeurs, consultés à l'initiative du Président de la République, expriment leur consentement préalable. Soulignant que le législateur organique ne pouvait donc procéder unilatéralement à une telle réforme, il a considéré qu'il convenait seulement d'inscrire le statut de Mayotte dans le cadre de l'article 74 de la Constitution, dans la continuité de la loi du 11 juillet 2001. Il a indiqué que le projet de loi organique marquait toutefois pour Mayotte un nouveau pas vers le droit commun en faisant évoluer son régime législatif de la spécialité législative vers l'identité assortie d'exceptions qu'impose la situation de l'île en matière de fiscalité, de droit social, de régime foncier et de droit des étrangers.

Il a jugé que ce nouveau statut constituait une étape essentielle dans l'avancée de Mayotte vers le droit commun, conformément au souhait des élus locaux appelant à une évolution vers le statut de département d'outre-mer.

Il a ensuite rappelé que les deux projets de loi tendaient également à tirer les conséquences du choix massivement exprimé par les électeurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, lors des consultations du 7 décembre 2003, en faveur de l'accession de ces deux îles au statut de collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution.

Précisant que le Gouvernement s'était fidèlement inspiré, pour la préparation du projet de loi organique, des demandes formulées par les élus, M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, a souligné que la création de ces deux collectivités d'outre-mer était légitime. Il a par ailleurs considéré qu'elle était justifiée au regard de la géographie et de l'organisation administrative, puisque les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin ont depuis longtemps suivi un destin différent du reste de l'archipel guadeloupéen, auquel elles n'ont été rattachées que par commodité.

Estimant que les nouveaux statuts devraient permettre de régler enfin la délicate et très ancienne question fiscale, il a précisé que la compétence qui serait accordée en cette matière aux deux nouvelles collectivités ne constituait pas une exception mais reprenait un dispositif déjà appliqué dans toutes les autres collectivités régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie.

Il a affirmé que le projet de loi organique mettrait fin, en ce domaine, à l'incompréhension mutuelle et à l'inapplication effective de la législation en organisant une autonomie fiscale pleinement responsable et encadrée par une convention conclue entre chacune des deux futures collectivités d'outre-mer et l'Etat.

Rappelant que les habitants de Saint-Barthélemy avaient pu croire que leur régime fiscal coutumier était garanti par le traité franco-suédois de rétrocession signé en 1877, alors que l'administration fiscale ne s'intéressait pas à l'île, il a expliqué que la situation juridique était devenue intenable à partir des années 1980, après plusieurs décisions du Conseil d'Etat revenant sur l'exemption fiscale. Il a estimé qu'il convenait par conséquent de clarifier la situation, non pour assurer le maintien de privilèges, mais pour assurer le respect de la loi et l'exercice des responsabilités locales. Il a indiqué qu'à cet égard l'excellente collaboration entre le ministère de l'outre-mer et le ministère des finances au cours de la préparation du projet de loi organique constituait la meilleure preuve du caractère raisonnable, sérieux et légitime de cette démarche.

Il a affirmé que Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne constitueraient pas des « paradis fiscaux », puisque l'Etat conserverait les compétences en matière de droit pénal, de procédure pénale, de droit bancaire et de droit des sociétés, et que l'ensemble des engagements internationaux en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux auxquels la France a adhéré, seraient applicables de plein droit, comme la réglementation communautaire, dans les deux îles. Il a en outre estimé qu'il n'y aurait pas de risque d'évasion fiscale au détriment de la métropole puisque les personnes ne résidant pas depuis au moins cinq ans à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin resteront soumises à la fiscalité définie par l'Etat. Il a précisé que ce dispositif préserverait également les deux îles de l'arrivée massive de nouveaux habitants qu'elles ne pourraient accueillir convenablement eu égard à l'exiguïté de leur superficie.

S'agissant de Saint-Martin, M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, a considéré que le nouveau statut permettrait également à l'Etat de mieux assumer son rôle sur place, alors que sa présence ne répondait pas encore aujourd'hui à tous les besoins exprimés, notamment en matière de traitement de la délinquance ou face aux conséquences de l'immigration clandestine. Déclarant que l'évolution statutaire de l'île donnerait à l'Etat une souplesse accrue pour organiser ses services dans l'objectif d'une plus grande performance et d'une meilleure adaptation à la situation locale, il a jugé que la réforme ne signifierait pas un désengagement de l'Etat mais au contraire un renforcement de son implication.

Il a estimé que l'évolution statutaire constituerait pour les deux îles un appel à davantage de responsabilités. Rappelant que Saint-Martin rencontrait des difficultés particulières, il a jugé, citant M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, lors du déplacement de la mission d'information de la commission dans les îles du nord de la Guadeloupe, que cette évolution représentait un véritable défi pour des responsables locaux ayant entretenu avec l'Etat et avec la Guadeloupe une relation ambivalente. Il a indiqué que ces difficultés expliquaient d'ailleurs l'approche prudente et évolutive du projet de loi à l'égard du statut de cette île.

a enfin expliqué que les projets de loi organique et ordinaire, en actualisant des statuts parfois anciens, visaient à renforcer l'intelligibilité du droit applicable outre-mer et à apporter aux collectivités intéressées les mêmes garanties en matière de démocratie locale qu'aux collectivités de métropole en leur permettant de recourir à la consultation des électeurs et au référendum local.

Il a souligné le caractère paradoxal des deux projets de loi, dont la présentation quelque peu austère, conséquence de la codification, imposait au Parlement un exercice législatif difficile afin de rendre le droit de l'outre-mer plus lisible et plus moderne. Il a expliqué que le volume relatif des deux textes tenait à la nécessité d'assurer à chaque collectivité un statut propre sans renvoi inutile à d'autres textes, aux contraintes de la codification et à l'obligation de respecter le partage défini par la Constitution entre la loi organique et la loi ordinaire.

Saluant l'important travail réalisé au cours de l'été par le rapporteur de la commission des lois, il a exprimé la volonté d'aboutir à un texte prenant en compte non seulement des améliorations techniques, mais aussi les apports substantiels tirés des nombreuses auditions conduites, afin de recueillir le plus large accord possible.

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