a indiqué que, dans 6 % à 7 % des cas d'hospitalisation, en France, le malade développe une infection nosocomiale plus ou moins grave, soit 750.000 cas déplorés chaque année, avec des conséquences parfois dramatiques.
Ces infections peuvent provenir d'une bactérie endogène du patient : elles sont alors imprévisibles et souvent graves lorsqu'elles surviennent dans la zone anatomique opérée ; elles peuvent être aussi causées par une bactérie exogène présente dans l'établissement de santé, chez le personnel soignant, un autre patient ou un visiteur ; elles peuvent enfin, ce qui est alors souvent bénin, résulter d'un virus.
Les infections nosocomiales se traduisent le plus souvent par des infections urinaires (40 % des cas), des infections de la peau et des tissus (11 % des cas, notamment dans les services de long séjour et en psychiatrie), des pneumopathies (10 % des cas, souvent en réanimation) et des infections respiratoires hautes (9 %). Par ailleurs, les infections de l'organe opéré ou de la cicatrice et les bactériémies représentent respectivement 10 % et 4 % des infections nosocomiales.
La part des infections nosocomiales dans l'ensemble des accidents médicaux ne doit toutefois pas être surestimée dans la mesure où, si elles constituent 22 % des événements graves liés aux soins, les accidents médicamenteux, par exemple, en causent 27,5 %.
La survenance d'une infection nosocomiale est souvent liée à la pratique de soins invasifs, par exemple la pose d'une sonde ou d'un cathéter, à la réalisation d'un acte chirurgical, comme la pose d'une prothèse, et parfois au traitement lui-même, notamment lorsqu'il nécessite une transfusion ou une ventilation artificielle. Enfin, une immuno-dépression, un mauvais état général du patient, un âge avancé ou une pathologie menaçant le pronostic vital constituent des facteurs de risques majeurs.
La gravité de l'infection peut, par ailleurs, être exacerbée par l'utilisation d'antibiotiques qui sélectionnent des bactéries résistantes aux traitements. Or, la France détient, en Europe, le record du taux de résistance aux antibiotiques, notamment ceux utilisés pour combattre les principales bactéries à l'origine des infections nosocomiales.
a fait valoir que, du fait de leur origine endogène fréquente, il semble que 70 % des infections nosocomiales ne pourraient être évitées, même en faisant preuve d'une meilleure prévention.
Rappelant que la mesure précise du nombre de décès directement dus à une infection nosocomiale constitue un exercice délicat, dans la mesure où les patients entrent souvent à l'hôpital avec une pathologie grave et dans un état de fragilité générale, il a indiqué qu'environ 6,6 % des 136.000 décès qui interviennent chaque année à l'hôpital ou après une hospitalisation surviennent en présence d'une infection de ce type. Elle serait donc en cause pour environ 9.000 décès par an, dont 4.200 concernent des patients pour lesquels le pronostic vital n'était pas engagé à court terme à leur entrée à l'hôpital. Pour la moitié de ces 4.200 décès, aucune autre cause de décès n'a été identifiée.
Les infections nosocomiales sont également la cause de séquelles souvent considérables à moyen et long termes, notamment au niveau fonctionnel ; leur gravité dépend largement de la zone anatomique touchée par l'infection. Les infections abdominales, ostéo-articulaires, en particulier sur les prothèses, ou encore les infections suivant un acte de neurochirurgie sont susceptibles d'entraîner les conséquences sanitaires les plus dramatiques. Il a regretté, à cet égard, qu'aucune étude globale n'ait encore été menée sur les séquelles dues à une infection et sur leurs conséquences en termes sanitaires et économiques.
Puis M. Alain Vasselle, sénateur, rapporteur, a indiqué que les infections nosocomiales entraînent également un surcoût financier important, essentiellement dû à un allongement de la durée d'hospitalisation, qui atteint quatre jours en moyenne, au traitement anti-infectieux et aux examens de laboratoire nécessaires au diagnostic et à la surveillance de l'infection. La survenance d'une infection prolonge ainsi le séjour en chirurgie orthopédique de près de deux semaines et augmente les coûts de prise en charge de 300 %.
Les différentes études disponibles font état d'une échelle de coûts très large, allant de 340 euros en moyenne pour une infection urinaire à 40.000 euros pour une bactériémie sévère en réanimation. En appliquant une fourchette de surcoût moyen de 3.500 à 8.000 euros par infection aux 750.000 infections nosocomiales annuelles, on atteint un montant de dépenses de 2,4 à 6 milliards d'euros. Ainsi, une diminution de 10 % du nombre d'infections conduirait à une économie de 240 à 600 millions d'euros, soit jusqu'à six fois plus que l'effort de prévention, qui s'établit à 100 millions d'euros, consenti par les établissements hospitaliers.
Le calcul du coût des infections nosocomiales doit également prendre en compte celui de l'indemnisation du dommage. Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, les victimes d'infections nosocomiales postérieures au 5 septembre 2001 bénéficient d'un régime d'indemnisation plus favorable que celui applicable à la réparation des autres accidents médicaux. Ainsi, la responsabilité de l'établissement de santé est automatique, sauf à ce qu'il prouve lui-même que l'infection est due à une cause étrangère, et il revient à son assureur de prendre en charge la réparation.
La loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale a complété ce dispositif en confiant à la solidarité nationale, via l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), la prise en charge de l'ensemble des infections, que l'établissement en soit ou non responsable, lorsqu'elles ont entraîné le décès du patient ou un taux d'incapacité permanente partielle au moins égal à 25 %.
Ce dispositif d'indemnisation protecteur des victimes pose deux difficultés : d'abord, il n'est pas applicable aux infections acquises en médecine de ville, pour lesquelles il revient au patient d'apporter la preuve de la faute du professionnel de santé ; ensuite, les infections graves survenues entre le 5 septembre 2001 et le 1er janvier 2003 relèvent d'un régime juridique incertain : l'interrogation demeure sur leur prise en charge, par les assureurs ou par la solidarité nationale, en l'absence de rétroactivité claire de la loi du 30 décembre 2002 et du fait d'une jurisprudence contradictoire sur ce point.
a ensuite présenté la politique de lutte contre les infections nosocomiales. Il a rappelé que les premières structures de prévention ont été mises en place en 1988 avec la création obligatoire d'un comité de lutte contre les infections nosocomiales dans chaque établissement de santé public ou participant au service public, avec pour mission d'organiser la surveillance des infections dans l'établissement, de former les personnels et de proposer toute recommandation utile à la prévention.
Cette première étape a été suivie, en 1992, par la création du comité national de lutte contre les infections nosocomiales et de cinq centres de coordination de lutte contre les infections nosocomiales, chargés notamment de la coordination des actions menées par les établissements qui ressortent de leur compétence régionale, ainsi que du recueil épidémiologique de prévalence et de la réalisation d'études épidémiologiques.
Puis la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme a étendu le dispositif aux cliniques privées. Enfin, la surveillance épidémiologique a été améliorée à partir de 2001 par la mise en place du réseau d'alerte, d'investigation et de surveillance des infections nosocomiales (Raisin), en lien avec l'institut de veille sanitaire (InVS).
Cette politique a produit des résultats non négligeables en termes de prévalence des infections nosocomiales parmi les patients hospitalisés : entre 1996 et 2001, leur taux a été ramené de 8,3 % à 7,2 % dans les centres hospitaliers universitaires et de 6,5 % à 5 % dans les centres hospitaliers. La nouvelle enquête de prévalence, en cours, montrera si cette tendance se confirme.
Récemment, le dispositif de prévention a été renforcé et modernisé par la mise en place d'un programme de lutte contre les infections pour la période 2005-2008, qui a pour objectifs de renforcer les structures, d'améliorer la qualité de la prise en charge du patient infecté, d'actualiser les recommandations, de renforcer la surveillance épidémiologique des infections, mais aussi de mieux informer les usagers sur le risque infectieux. La publication progressive d'indicateurs de qualité pour chaque établissement de santé a commencé avec la présentation, en février 2006, d'un indicateur composite d'évaluation des activités de prévention, qui sera suivie, dans les prochains mois, par la publication de quatre indicateurs supplémentaires : le taux d'infections par type d'acte opératoire, le volume annuel de produits hydro-alcooliques utilisés pour l'hygiène des mains, le taux de staphylocoques dorés résistants à la méticilline et le suivi de la consommation d'antibiotiques.
Enfin, une mission nationale d'information et de développement de la médiation sur les infections nosocomiales (Idmin) a été créée au sein de la Haute Autorité de santé pour améliorer l'information des usagers.
a rappelé que, dans le cadre de son étude sur les infections nosocomiales, l'Opeps a confié à l'institut de sondages Ipsos une enquête sur la perception du risque d'infections nosocomiales à la fois par les professionnels de santé et par le grand public. Il en ressort que le risque d'infection à l'hôpital est désormais connu par la grande majorité des Français, qui ont pris conscience des conséquences possibles d'une hospitalisation, mais que l'information est encore trop partielle s'agissant des facteurs de risque et des conséquences sanitaires. De la même manière, les professionnels de santé doivent être davantage sensibilisés au mécanisme d'indemnisation, notamment pour être en mesure d'informer correctement leurs patients de son existence.
Il a estimé que la politique de lutte contre les infections nosocomiales doit désormais s'orienter dans trois directions pour assurer la réduction du taux de prévalence de ce type d'infections dans les hôpitaux français :
- la première piste concerne la poursuite de la politique d'hygiène et de prévention grâce à une meilleure reconnaissance des métiers de l'hygiène, infirmier hygiéniste et médecin hygiéniste, et au strict respect des mesures de prévention par les professionnels de santé, comme la désinfection systématique des mains ou l'observation des bonnes pratiques pour ce qui concerne les soins, en particulier ceux liés à un dispositif invasif. La politique de prévention doit aussi promouvoir le développement des examens de dépistage de la présence de bactéries endogènes chez le patient avant une opération à risques et l'application des pratiques de bon usage des antibiotiques nécessaires à la limitation de l'évolution constatée des bactéries multirésistantes ;
- la deuxième piste concerne la recherche des meilleurs traitements pour les patients atteints d'une infection. Il s'agit notamment d'accélérer la mise en place des unités spécialisées dans la prise en charge des infections ostéo-articulaires prévues par le programme national de lutte contre les infections nosocomiales 2005-2008 et destinées à éviter les complications graves liées à un traitement inadapté, ce qui suppose la formation d'équipes de soignants spécialisées en infectiologie et en chirurgie, en nombre insuffisant aujourd'hui. Par ailleurs, l'effort de recherche doit porter sur l'origine des infections nosocomiales, en particulier les raisons pour lesquelles les bactéries exogènes parviennent dans la plaie opératoire et les relations entre la présence de bactéries endogènes avant l'opération et la survenance d'une infection postopératoire, et sur les séquelles des infections et le suivi des patients susceptibles de développer une infection, grâce à la constitution d'un registre des patients porteurs de prothèses orthopédiques, pour réagir vite en cas d'alerte ;
- la troisième piste porte sur la clarification du dispositif juridique d'indemnisation afin de trancher sans tarder, au niveau législatif, la question de la rétroactivité, ou non, de la loi du 30 décembre 2002 pour les infections survenues entre le 5 septembre 2001 et le 1er janvier 2003.