Intervention de Alain Gournac

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 mai 2010 : 1ère réunion
Très petites entreprises et démocratie sociale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain GournacAlain Gournac, rapporteur :

Comme l'indique son intitulé, ce projet de loi tend à compléter la réforme de la démocratie sociale que nous avons adoptée à l'été 2008. Il vise, pour l'essentiel, à régler un problème qui, à l'époque, avait été laissé en suspens : la mesure de l'audience syndicale dans les très petites entreprises (TPE), c'est-à-dire celles qui emploient moins de onze salariés.

La loi du 20 août 2008 a profondément rénové les critères de représentativité syndicale : à l'issue d'une période de transition qui s'achèvera au plus tard en août 2013, la représentativité des syndicats de salariés sera appréciée sur la base de leurs résultats aux élections des représentants du personnel. Plus précisément, seront représentatifs dans l'entreprise les syndicats ayant obtenu au moins 10 % des voix lors de l'élection des délégués du personnel ou des élus au comité d'entreprise. Au niveau de la branche et au niveau national interprofessionnel, le seuil de représentativité est fixé à 8 %. En faisant ainsi dépendre la représentativité de l'élection, on devrait donner plus de légitimité aux syndicats pour négocier des accords collectifs au nom des salariés.

Cependant, un problème se pose dans les TPE, qui n'organisent aucune élection. Je vous rappelle en effet que l'élection d'un délégué du personnel n'est obligatoire qu'à partir de onze salariés et que la constitution d'un comité d'entreprise l'est à partir de cinquante salariés. En conséquence, la loi du 20 août 2008, dans son article 2, a demandé aux partenaires sociaux de négocier sur les « moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d'y mesurer l'audience des organisations syndicales ». Cette négociation, qui s'est tenue à l'automne 2009, n'a pas abouti : le Medef et la CGPME ont refusé d'aller au-delà d'un simple état des lieux pour entrer dans le vif de la discussion.

Toutefois, le 20 janvier dernier, quatre syndicats de salariés, la CGT, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, ainsi que l'Union professionnelle artisanale (UPA), ont envoyé une lettre commune au Premier ministre, dans laquelle ils faisaient la proposition suivante : la représentation des salariés des TPE devrait être assurée grâce à des commissions paritaires territoriales, qui auraient pour rôle d'aider au dialogue social, d'informer et de sensibiliser les salariés et les chefs d'entreprise dans le domaine des relations du travail et de veiller à l'application des accords collectifs ; les salariés des TPE éliraient leurs représentants dans ces commissions et ce scrutin servirait à apprécier l'audience des différentes organisations syndicales.

Le projet de loi qui nous est soumis s'inspire de ces propositions tout en tenant compte de certaines critiques. Il constitue à mes yeux un compromis satisfaisant. Pour mesurer l'audience syndicale dans les TPE, il est proposé d'organiser tous les quatre ans, au niveau régional, une élection sur sigles : chaque salarié voterait, non pour une liste de candidats, mais pour une étiquette syndicale. Le vote aurait lieu par voie électronique ou par correspondance, sous le contrôle du juge judiciaire, en distinguant un collège « cadres » et un collège « non-cadres ». Des commissions paritaires pour les TPE pourraient être constituées par voie d'accord collectif, afin d'aider salariés et employeurs à dialoguer et de veiller à l'application des accords collectifs. Les représentants des salariés au sein de ces commissions seraient désignés par les syndicats, en tenant compte des résultats du scrutin organisé auprès des salariés des TPE.

Ce projet de loi occasionnera très peu de contraintes supplémentaires pour les TPE, et ne mérite pas les critiques excessives que j'ai entendues de la part de certaines organisations patronales, qui ont parfois laissé croire qu'il allait généraliser la présence de délégués du personnel ou de délégués syndicaux dans les TPE. J'ajoute que la constitutionnalité de la réforme de 2008 serait sujette à caution si la voix des quatre millions de salariés travaillant dans ces entreprises était ignorée au moment de déterminer la représentativité des organisations syndicales. L'adoption rapide de ce projet de loi est donc indispensable pour cette raison juridique.

L'article 8, quant à lui, prévoit de reporter au plus tard le 31 décembre 2015 les prochaines élections prud'homales et de proroger le mandat des actuels conseillers prud'hommes. Ces élections sont organisées en principe tous les cinq ans, et les prochaines devaient avoir lieu en décembre 2013. Le Gouvernement avance trois arguments pour justifier leur report. Tout d'abord, des élections municipales, territoriales et européennes sont déjà programmées au cours du premier semestre de l'année 2014, et il faut éviter une démobilisation de l'électorat. Ensuite, il est souhaitable que la publication de la liste des organisations syndicales représentatives, qui doit intervenir au plus tard en août 2013, ne soit pas trop rapprochée des élections prud'homales, qui ont souvent été perçues par le passé comme un « test » de l'influence syndicale. Enfin, ce report permettrait de poursuivre la réflexion sur la réforme des élections prud'homales et, le cas échéant, de la mettre en oeuvre lors du prochain scrutin.

Le taux de participation aux élections prud'homales est en baisse continue, en dépit de leur coût élevé - 90 millions d'euros, nous a indiqué hier le ministre. La participation n'atteignit que 25 % en 2008, ce qui menace la légitimité de l'institution. En octobre 2009, le Gouvernement a donc confié à Jacky Richard, conseiller d'Etat, la mission de mener une réflexion sur le mode de désignation des conseillers prud'hommes. Trois pistes sont à l'étude : le maintien de l'élection sous sa forme actuelle, assorti d'une amélioration de ses conditions d'organisation, par exemple grâce au vote électronique ou par correspondance ; une élection au suffrage indirect par les représentants du personnel ; la désignation des conseillers prud'hommes par les organisations syndicales et patronales en fonction de leur représentativité. Jacky Richard n'a remis son rapport que mardi dernier, le Gouvernement doit encore rendre ses arbitrages et le Parlement voter une réforme dont la mise en oeuvre devra ensuite être préparée. Le report des élections est donc bienvenu.

Ce projet de loi est un progrès pour la démocratie sociale : il permettra de parachever la réforme de 2008, de renforcer le dialogue social dans les TPE et de laisser le temps de préparer la réforme du scrutin prud'homal.

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