Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, à l'examen du projet de loi n° 433 (2005-2006) relatif à la prévention de la délinquance.
En préambule, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souligné que le projet de loi avait pour ambition d'appréhender la prévention de la délinquance sous toutes ses formes.
Il a expliqué que la première conséquence de cette approche était le grand nombre d'acteurs intéressés par ce texte, lequel s'inscrivait dans une démarche désormais classique de « coproduction de sécurité ».
Parmi ces acteurs, il a principalement évoqué :
- le maire dont le rôle de pivot serait consacré, notamment à travers la présidence du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance désormais obligatoire dans les communes de plus de 10.000 habitants ;
- le département qui se verrait reconnaître une compétence en matière de prévention de la délinquance, même s'il n'ignore pas ces questions du fait de sa compétence en matière d'action sociale ;
- le procureur qui animerait et coordonnerait la politique de prévention de la délinquance dans sa composante judiciaire ;
- les autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs qui concourraient à la sécurisation des usagers ;
- tout citoyen qui désirerait faire partie du service volontaire citoyen de la police nationale afin d'accomplir des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi ;
- les établissements d'enseignement et les régions.
a ensuite expliqué qu'une des principales préoccupations traduites dans le projet de loi était de mieux coordonner ces différents acteurs.
Outre le rôle de pivot du maire, il a mis en exergue la consécration de l'intercommunalité, notamment dans les communautés d'agglomération et les communautés urbaines, indiquant que le président de ces établissements publics de coopération intercommunale présiderait un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. Il a toutefois regretté que le texte n'aille pas plus loin, notamment en matière de transfert des pouvoirs de police au président de l'intercommunalité.
Afin de mieux coordonner l'action du département et des communes, il a indiqué que le projet de loi rendait obligatoire la conclusion de conventions de coordination et assouplissait les conditions dans lesquelles le département peut déléguer tout ou partie de ses compétences en matière d'action sociale aux communes qui le souhaitent.
Enfin, il a indiqué que l'Etat continuerait de fixer des grandes orientations par le biais, notamment, du plan de prévention de la délinquance élaboré dans chaque département par le représentant de l'Etat.
a ensuite abordé la question des moyens.
En premier lieu, déclarant que l'information était la clef de voûte d'une prévention efficace, il a souligné que le projet de loi mettait à la disposition du maire des informations nouvelles, particulièrement en matière d'action sociale.
Ainsi, il a indiqué que l'article 5 du texte organisait l'échange d'informations confidentielles en matière sociale et éducative à deux niveaux :
- entre professionnels de l'action sociale ;
- à destination du maire.
Il a expliqué qu'un coordonnateur nommé par le maire serait chargé de coordonner les professionnels et de remplir la fonction d'interface avec le maire en lui transmettant les informations qui lui apparaîtraient utiles.
Il a souligné que le dispositif proposé avait beaucoup évolué par rapport aux premières versions de l'avant-projet de loi élaborées il y a trois ans et que plusieurs garanties étaient de nature à rassurer les professionnels de l'action sociale :
- la mise en oeuvre du secret partagé n'interviendrait que lorsque la gravité des difficultés sociales et matérielles l'exige ;
- le coordonnateur serait nommé parmi les professionnels ;
- le maire serait lui aussi soumis au secret.
Il a ajouté que l'article 9 du projet de loi prévoyait la transmission au maire par l'inspecteur d'académie des avertissements pour absentéisme.
En deuxième lieu, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a insisté sur le souci du projet de loi de mettre en place un « continuum de prise en charge », expliquant qu'il n'existait plus de réponses simples et uniques aux problèmes sociaux.
Il a indiqué que l'article 6 du projet de loi créait un conseil pour les droits et devoirs des familles, présidé et réuni par le maire, chargé d'examiner avec les familles les solutions envisageables pour les aider à éduquer leur enfant.
Il a ajouté que le maire pourrait :
- proposer un accompagnement parental lorsque l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur ;
- mettre en place conjointement avec la caisse d'allocations familiales des mesures d'aide et de conseil de gestion destinées à permettre une utilisation des prestations familiales conforme à l'intérêt de l'enfant et de la famille ;
- saisir le juge des enfants aux fins de la mise sous tutelle des prestations familiales.
Il a signalé certaines critiques recueillies au cours de ses auditions quant à un risque de confusion des compétences entre le président du conseil général et le maire. Il a estimé qu'au contraire ces dispositions étaient complémentaires, le projet de loi prévoyant plusieurs garde-fous pour éviter la superposition des actions en matière sociale.
En dernier lieu, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a cité plusieurs dispositifs visant à améliorer le cadre de vie :
- le réaménagement de la législation relative aux études préalables de sécurité publique ;
- la simplification des règles de majorité au sein des assemblées générales de copropriétaires pour le vote de travaux de sécurité ;
- le raccourcissement des délais pour l'enlèvement et la destruction des voitures abandonnées et des épaves.
a alors présenté le dispositif retenu par le projet de loi pour renforcer la lutte contre les violences conjugales. Il a relevé l'incrimination des violences habituelles au sein du couple, l'application du suivi socio-judiciaire aux auteurs de violences conjugales, la possibilité pour le médecin d'informer le procureur de la République des violences conjugales dont son patient aurait pu être victime sans que celui-ci donne son accord et, enfin, la possibilité pour les associations de se porter partie civile en cas de délit de provocation aux crimes ou délits d'agressions sexuelles ou commis dans le couple.
Le rapporteur a également évoqué deux dispositions destinées à compléter la lutte contre la récidive :
- l'obligation de pointage de certaines personnes inscrites au fichier des auteurs d'infractions sexuelles une fois par mois (au lieu d'une fois tous les six mois) ;
- le doublement du délai de réhabilitation de droit pour les personnes condamnées en l'état de récidive légale et le maintien de la mention de la condamnation réhabilitée au bulletin n° 1 du casier judiciaire.
a relevé que le projet de loi affirmait plusieurs priorités parmi lesquelles, en premier lieu, la prise en compte des enjeux d'ordre public soulevés par la maladie mentale. Il a souligné que le texte modifiait plusieurs aspects de la procédure concernant l'hospitalisation d'office : la décision d'hospitalisation d'office serait initialement prise par le maire puis validée par le préfet ; le critère de notoriété publique serait supprimé, l'hospitalisation d'office pouvant être décidée sur la base d'un certificat médical -en cas d'urgence, d'un avis médical- à la double condition que les soins soient nécessaires et que les troubles mentaux dont souffre la personne compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public. En outre, un délai maximal de 72 heures serait fixé entre la décision du maire et celle du préfet, permettant de renforcer les modalités de diagnostic puisque deux certificats médicaux seraient établis successivement au cours de cette période. Par ailleurs, les personnes dont les troubles mentaux constitueraient un risque pour la société relèveraient exclusivement du régime de l'hospitalisation d'office afin d'éviter les confusions actuelles entre ce régime et celui d'hospitalisation sur demande d'un tiers.
Le rapporteur a ajouté que les modalités de contrôle et de suivi des personnes hospitalisées seraient renforcées à travers trois séries de mesures : une information plus précise sur les sorties d'essais, la mise en place d'un fichier des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office, la possibilité pour le préfet d'ordonner à tout moment l'expertise médicale des personnes relevant soit de l'hospitalisation sur demande d'un tiers, soit de l'hospitalisation d'office.
a rendu compte des critiques qui avaient été exprimées sur ce dispositif lors des auditions auxquelles il avait procédé. Il a précisé que ces réserves portaient moins sur le fond des mesures que sur le choix de la méthode. Il a indiqué que plusieurs de ses interlocuteurs s'étaient émus de l'insertion de dispositions concernant l'hospitalisation d'office dans un projet de loi portant sur la prévention de la délinquance avec le risque de stigmatisation qui pouvait ainsi s'attacher à la maladie mentale. Il a relevé que les inquiétudes portaient également sur le caractère partiel de la réforme qui ne traitait de l'hospitalisation sous contrainte que sous l'angle de l'ordre public alors que, de l'avis général, l'ensemble de ce dispositif justifierait une réforme globale. Il a toutefois rappelé que M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, s'était engagé lors de son audition devant la commission à ouvrir le chantier d'une révision des dispositions existantes en tenant compte des différentes recommandations formulées par les missions d'inspection conduites sur la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.
Le rapporteur a ensuite présenté les dispositions du projet de loi relatives à la lutte contre les toxicomanies.
Il a indiqué qu'elles visaient tout d'abord à renforcer l'efficacité des injonctions thérapeutiques, notamment en instaurant un médecin relais et en les étendant aux personnes ayant une consommation habituelle excessive d'alcool.
Il s'est ensuite félicité de la possibilité de prononcer l'injonction thérapeutique à tous les stades de la procédure, ainsi que de l'instauration d'une nouvelle peine complémentaire de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.
Le rapporteur a ensuite jugé adaptée l'extension de la procédure d'ordonnance pénale -sans audience et donc beaucoup plus rapide- au délit d'usage illicite de stupéfiants, s'agissant d'un contentieux de masse. Il a observé que cette réforme allait dans le sens d'une contraventionnalisation de l'usage des stupéfiants, cette procédure ne permettant pas le prononcé de peines d'emprisonnement.
s'est cependant interrogé sur la pertinence du champ de la nouvelle circonstance aggravante applicable en cas d'usage de stupéfiants dans l'exercice de leurs fonctions par des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public, la jugeant très extensive.
Il a en outre rappelé que le projet de loi prévoyait de durcir la répression des provocations à l'usage ou au trafic de stupéfiants dirigées vers des mineurs, puis a indiqué que le fait de commettre certaines infractions (notamment des violences volontaires et des agressions sexuelles) en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de stupéfiants serait désormais constitutif d'une circonstance aggravante, en soulignant la novation de cette disposition, cet état ayant au contraire longtemps été considéré comme une circonstance atténuante.
a souligné que la lutte contre la délinquance des mineurs constituait un autre axe prioritaire du projet de loi. Il a relevé à cet égard l'application de la composition pénale aux mineurs de treize à dix-huit ans ainsi que l'assouplissement des possibilités de contrôle judiciaire étendu aux mineurs de treize à seize ans passibles d'une peine de sept ans d'emprisonnement, même si ces derniers n'avaient pas fait l'objet de mesures éducatives antérieures. Il a ajouté que les conditions de mise en oeuvre de jugements rapides seraient élargies à travers d'une part, l'abaissement des seuils de peines encourues permettant la mise en oeuvre de cette procédure et, d'autre part, la faculté donnée aux mineurs de renoncer au délai actuel de comparution minimal de dix jours pour être jugé à la première audience du tribunal.
Le rapporteur a ensuite indiqué que l'éventail des sanctions éducatives applicables aux mineurs à partir de 10 ans serait élargi afin de prévoir notamment le placement dans une structure éloignée du domicile pendant un mois. Il a en outre précisé que le nombre d'admonestations ou de remises à parents pouvant être prononcées à l'égard d'un mineur au cours d'une année serait limité à un s'agissant d'infractions identiques ou assimilées au regard des règles de la récidive.
a ajouté qu'une mesure d'activité de jour consistant en des activités de soutien scolaire ou d'insertion professionnelle pourrait être prononcée à tout stade de la procédure, et que les mineurs condamnés à des peines d'emprisonnement ferme pourraient désormais être placés dans des centres éducatifs fermés, afin d'éviter des ruptures de prise en charge éducative.
Enfin, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a marqué le souci du projet de loi de créer des sanctions plus adaptées.
Ainsi, il a approuvé la consécration par la loi du rappel à l'ordre par le maire, ce qui devrait permettre au maire d'y recourir sans craindre les reproches du procureur de la République. Remarquant que certaines personnes entendues avaient souhaité que le rappel à l'ordre soit entouré de garanties plus fortes, par exemple la présence d'un avocat ou l'information du procureur, il a déclaré avoir écarté ces propositions estimant que cela reviendrait à tomber dans l'écueil consistant à faire de ce rappel à l'ordre une phase préjuridictionnelle.
Il a également indiqué que le projet de loi réaménageait les procédures de contrôle des documents à caractère pornographique ou violent en privilégiant l'autorégulation par les éditeurs et les distributeurs.
Le projet de loi, a conclu M. Jean-René Lecerf, rapporteur, instituait également une nouvelle peine, la sanction réparation destinée à garantir l'indemnisation de la victime par l'auteur des faits, et assouplissait les conditions applicables aux travaux d'intérêt général afin de permettre que le travail s'effectue au sein d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public.