On entendait beaucoup dire à l'époque qu'il y avait un bénéfice de ce produit. L'HTAP est une maladie rare : elle survient chez deux personnes sur 500 000 et, dans notre étude, nous montrions que, sous fenfluramine, le risque pouvait être de 1 sur 10 000 ou 1 sur 20 000. Tandis que les valvulopathies sur lesquelles les produits ont été retirés en septembre 1997 avaient des pourcentages rapportés entre 1 % et 30 % parmi les personnes qui les prenaient. Donc, c'était considéré comme un phénomène très rare, comme le choc anaphylactique dans la pénicilline, imprévisible comparable à des réactions immunologiques compensées par des « bénéfices » en termes d'obésité. A l'époque, de savants calculs ont été effectués aux Etats-Unis et, en France, de grands experts, dont certains encore actifs, affirmaient que le bénéfice dans le traitement de l'obésité compensait le risque de la maladie mortelle qu'était l'HTAP, très rare, tandis que pour les valvulopathies, ce modèle ne fonctionnais plus du tout puisqu'on parlait de 1 % à 30 % des personnes. Même s'il a été démontré ensuite que le chiffre de 30 % était faux, la proportion de 1 % était déjà trop élevée, alors qu'il y avait des millions d'utilisateurs.
Personnellement, je n'étais pas convaincu de l'argument de la rareté de l'événement. J'ai alerté la FDA sur le risque qui pouvait être plus important que le bénéfice. On peut perdre du poids pour de mauvaises raisons, y compris quand on est malade. Or à l'époque nous n'étions pas entendus ; les Etats-Unis vivaient les débuts de l'épidémie d'obésité, ce qui créait une grande peur. Pour notre part, nous sentions que, avant les valvulopathies, les choses commençaient à sentir le « roussi » pour le produit. Dans la surveillance que nous menions, des cas apparaissaient : pour le premier cas, la firme a été condamnée à 1 milliard de dollars d'indemnisation de la victime, notamment avec des dommages punitifs du fait des pressions que nous avions subies. Il y a eu un règlement hors cour.
Tout le monde avait peur d'une épidémie d'hypertension artérielle pulmonaire primitive semblable à celle qui avait eu lieu en Suisse. Mon maître, Paul Montastruc de Toulouse, disait toujours que « si vous voulez savoir si un produit a des effets secondaires, regardez la bourse ».