On constate que la DATAR est donc bien au coeur d'un vaste dispositif tendant à la lutte contre les inégalités territoriales. Pour ma part, je souhaiterais que vous puissiez nous donner votre sentiment sur deux points.
D'abord, est-ce qu'en France, selon vous, nous avons exploité au maximum les possibilités offertes par les nouvelles technologies en matière de médecine dans les territoires ? Je pose cette question car je remarque qu'aujourd'hui notre approche territoriale est plutôt simple : elle repose sur la présence d'un médecin capable d'intervenir en quelques minutes dans chaque domicile et sur celle d'un hôpital à faible distance des lieux d'habitation disposant de tous les instruments nécessaires pour traiter un patient. Or, j'ai eu l'occasion d'assister, lors d'un déplacement dans la municipalité québécoise de l'Isle-aux-Coudres, pourtant dépourvue de médecin, au déploiement d'un système particulièrement efficace : par télétransmission, un simple infirmier a pu apporter les premiers secours à un patient victime d'un infarctus, puis se mettre en relation avec le centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec, lequel a pu réaliser un premier diagnostic et donner les instructions nécessaires d'urgence à distance.
Malheureusement, nous ne sommes pas encore en mesure de réaliser de telles performances en France alors même que notre niveau technologique n'est pas éloigné de celui du Canada. Pire : rien n'indique que nous nous engageons dans cette voie. Nous raisonnons encore trop en termes de présence matérielle sur le terrain alors même que cela ne résout pas forcément les difficultés.
Ensuite, je remarque, à la lumière de mon expérience en tant que maire, qu'en matière d'aménagement du territoire dans le domaine de la santé, nous sommes confrontés à de véritables dysfonctionnements administratifs.
En effet, pendant des années j'ai pu constater que le centre hospitalier de Jonzac, commune dont j'ai l'honneur d'être le maire, accueillait sans difficulté des médecins en internat formés à Bordeaux, c'est-à-dire dans la région limitrophe de la nôtre. Or, la logique de régionalisation a cloisonné les choses : les internes formés en Aquitaine doivent accomplir leurs stages dans cette région ; ils ne viennent donc plus à Jonzac, dont le CHU est désormais formellement rattaché à la région Poitou-Charentes ; le problème, c'est que les étudiants formés à Poitiers ne viennent pas pour autant à Jonzac, qui se trouve à plus de 200 kilomètres. Aujourd'hui, cette situation n'est plus possible et je milite activement pour que les bourses d'études attribuées par une région soient allouées également sur la base de critères d'éligibilité géographiques susceptibles d'inciter les internes à sortir du cadre de leur région. Les quatre cinquièmes des médecins actuellement en exercice au centre hospitalier de Jonzac ont suivi leur cursus d'études à Bordeaux ; dès lors que les étudiants de Bordeaux ne peuvent plus venir à Jonzac, cela va inéluctablement poser un gros problème à terme.
En définitive, je suis convaincu que la solution en matière d'aménagement du territoire dans le domaine de la santé ne réside pas dans la multiplication des implantations de maisons de santé, mais dans la capacité retrouvée pour les territoires de faire prévaloir la liberté qui existait antérieurement à la logique de régionalisation des agences régionales de l'hospitalisation (ARH).