Intervention de Robert Badinter

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 mai 2008 : 1ère réunion
Droit pénal — Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale - examen du rapport

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

a rappelé qu'il était très attaché, depuis le début des années 90, à la mise en place d'une cour pénale internationale. Il a souligné que la convention de Rome à laquelle avaient oeuvré principalement les pays européens, au premier chef, desquels la France, avait pour premier fondement la volonté de lutter contre l'impunité des auteurs de crimes internationaux. Il a relevé que ce projet avait été mis en place au prix de grandes difficultés et contre l'opposition des Etats-Unis qui, estimant qu'ils assumaient de larges responsabilités dans le rétablissement de la paix à travers le monde, craignaient l'ouverture d'informations qui mettraient en cause jusqu'au chef de l'Etat qui est, comme en France, le chef des armées.

a précisé que, malgré ces résistances, le nombre d'Etats parties ayant ratifié la convention s'élevait aujourd'hui à 160. Rappelant les termes du préambule qui mettaient en avant le rôle de chacun des Etats pour réprimer les crimes internationaux, il a précisé que la Cour n'était compétente que si les Etats ne pouvaient pas -parce que leur système n'assurait pas les garanties nécessaires- ou ne voulaient pas poursuivre les auteurs de tels crimes. Il a estimé que la Cour, compte tenu du système adopté, largement inspiré de la procédure accusatoire qui rendait les procès lents et difficiles, ne pourrait juger que les principaux auteurs des crimes internationaux, laissant aux juridictions nationales le soin de juger les autres responsables.

S'agissant du plan concerté, M. Robert Badinter a rappelé que cette notion avait été élaborée dans le contexte historique très particulier de l'affaire Barbie et qu'elle ne s'imposait plus dès lors que le crime contre l'humanité se déduisait de la gravité même des actes en cause. Il a estimé par ailleurs que l'imprescriptibilité devait être réservée aux crimes contre l'humanité, compte tenu de l'extrême gravité de ces infractions qui constituaient la négation même de l'être humain. Il n'est pas possible, selon lui, de mettre sur le même plan les auteurs de tels agissements avec les criminels de guerre, si graves soient les actes perpétrés par ces derniers. Il a en outre relevé que l'allongement des délais de prescription pour les auteurs de crimes de guerre constituait déjà une avancée significative.

Revenant alors sur la question de la compétence universelle, M. Robert Badinter a estimé que, sur le fondement du préambule de la convention de Rome, la France avait l'obligation de juger un auteur de crime international, même si celui-ci ou sa victime n'avait pas la nationalité française et que l'infraction s'était déroulée à l'étranger. Il a souhaité que la jurisprudence puisse préciser la nature du lien de rattachement avec la France et qu'une personne se trouvant en simple transit ne soit pas nécessairement considérée comme « se trouvant » en France. Il a rappelé en outre qu'il était difficilement admissible d'écarter la compétence universelle pour les crimes internationaux, alors qu'elle était admise pour des infractions d'une moindre portée. Il a ajouté que les difficultés liées à l'instruction de telles affaires n'étaient pas déterminantes dès lors que les juridictions françaises avaient d'ores et déjà, sur la base de la convention contre la torture, poursuivi et condamné des personnes étrangères. Il a conclu en estimant que la reconnaissance de la compétence universelle permettrait de dissuader les auteurs de crimes internationaux de séjourner en France.

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