a rappelé l'importance que revêt désormais pour nos concitoyens la construction de l'Europe sociale. S'ils ont eu parfois tendance à s'en désintéresser par le passé, ils découvrent soudain, non sans anxiété, l'impact que l'ouverture du marché peut avoir sur leurs emplois et leurs conditions de travail : c'est ainsi que naît le sentiment que l'Europe ne les protège pas assez. L'année 2006 a été riche en dossiers importants pour l'Europe sociale et pour notre pays ; des évolutions ont concerné l'ouverture progressive et maîtrisée du marché européen aux travailleurs des nouveaux Etats membres, d'autres sont liées à la protection des salariés.
La liberté de circulation des travailleurs fait en effet partie des quatre grandes libertés fondamentales qui sont à la base du marché européen : liberté de circulation des capitaux, des biens et produits, des services, des personnes. En ce qui concerne les travailleurs, les citoyens de chacun des Etats peuvent aller librement travailler dans les autres Etats. Quand on parle des travailleurs tchèques, hongrois, polonais, demain roumains, il ne s'agit pas d'un débat sur l'immigration. Ce sont des citoyens à part entière de l'Union européenne. La mobilité des travailleurs au sein de l'Union européenne est donc une liberté, un droit fondamental des citoyens européens. C'est aussi une richesse commune qu'il faut conforter.
Dans cet objectif, la France a assoupli cette année les règles de délivrance des autorisations de travail et ouvert partiellement son marché du travail aux ressortissants des huit nouveaux Etats membres de l'Europe centrale et orientale entrés en 2004. Entre 2004 et 2006, son taux de chômage élevé l'avait conduite à maintenir un régime des autorisations de travail, ce qui était, à son sens, restrictif.
Le débat devant la délégation de février dernier et celui organisé en mars avec les partenaires sociaux, dans le cadre du comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales, ont fortement contribué à la décision du Gouvernement d'ouvrir de manière progressive et maîtrisée le marché du travail aux ressortissants des nouveaux Etats membres européens pour la période allant jusqu'en 2009.
Certains pays européens ont décidé une totale liberté d'accès : le Royaume-Uni, l'Irlande, la Suède l'ont fait dès 2004 ; l'Espagne, le Portugal, la Grèce et la Finlande ont, depuis le 1er mai 2006, levé toutes les restrictions. A l'inverse, d'autres pays - l'Allemagne et l'Autriche - pratiquent encore une restriction totale. Entre ces deux positions, l'Italie, le Danemark, la Belgique et la France ont choisi de lever progressivement les restrictions au cours des trois prochaines années.
a indiqué avoir établi une liste de soixante et un métiers rencontrant des difficultés de recrutement. Si la procédure des autorisations de travail est maintenue, pour s'assurer de l'absence d'abus et de déstabilisation du marché du travail dans ces secteurs, elle est désormais plus légère pour ces métiers. En pratique, les services de main-d'oeuvre n'ont plus à rechercher si ces emplois peuvent trouver preneur à l'agence locale pour l'emploi ; l'ouverture aux salariés européens se fait sur des contrats de travail de droit français, donc en pleine égalité de traitement : il n'y aura ni dumping ni concurrence sociale à la baisse.
Six mois plus tard, les premiers résultats montrent que l'objectif de maîtrise a été atteint : la progression est de 35 %, mais elle reste très raisonnable en volume avec la signature de 2.761 contrats de travail, permanents ou temporaires, hors travailleurs saisonniers. Ce chiffre comprend pour un tiers des régularisations de travailleurs qui étaient déjà sur le territoire. Pour les contrats saisonniers - en agriculture notamment - on atteint 8.215 contrats sur les neuf premiers mois de 2006, soit une augmentation de plus 27 %. Mais cela résulte surtout d'un transfert vers les ressortissants des nouveaux pays de l'Union.
Les Roumains et les Bulgares vont à leur tour se trouver dans une période transitoire de sept ans qui commencera le 1er janvier 2007. Les facilités offertes aux huit pays pour les métiers figurant sur la liste établie en mai 2006 leur seront appliquées, suivant le même scénario prudent.
Puis M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a souhaité que ce marché du travail, ouvert à l'ensemble de l'Union, soit aussi un espace où les droits des salariés sont protégés et respectés grâce à l'affirmation d'un ordre public social européen. Outre le principe de liberté du marché européen, un autre principe fondateur de l'Europe, tout aussi important, est inscrit dans les traités : celui de l'harmonisation dans le progrès social. Cet objectif d'harmonisation se concrétise à trois niveaux :
- d'abord, par la construction d'un socle juridique commun social et de règles anti-dumping dans le cadre du marché intérieur ;
- ensuite, par la solidarité financière qui joue au travers des fonds sociaux et structurels ;
- enfin, par des mécanismes de coordination et de comparaison des politiques sociales et de l'emploi.
Le développement de normes sociales européennes, notamment sur la protection de la santé et de la sécurité au travail ou sur le temps de travail, doit offrir à tout salarié de l'Union une protection minimale décente.
a rappelé que lors du Conseil des ministres de l'emploi du 7 novembre dernier, entièrement consacré à la révision de la directive sur le temps de travail, la France a exhorté les Etats membres à faire un dernier effort pour parvenir à un compromis acceptable, c'est-à-dire qui débouche sur une révision prévoyant la fin de la dérogation générale aux quarante-huit heures et une solution à la question des temps de garde. A la lumière de l'avis du Parlement européen, il a indiqué avoir déposé avec ses collègues italien et espagnol un amendement commun à la proposition de compromis de la présidence, qui proposait de fixer, dans la clause de révision, une date certaine à la fin de l'opt-out. Dans un esprit de compromis, cette date était fixée au terme d'une période de transition de dix ans, l'important étant que cette date soit finale, certaine et inscrite dans le texte même de la directive.
Cette proposition, comme la proposition de compromis finlandais, n'ayant pas obtenu de majorité qualifiée au Conseil, celle-ci se trouve désormais dans une situation de blocage.
En ce qui concerne la santé et la sécurité des travailleurs, le règlement REACH doit être adopté aujourd'hui même en deuxième lecture par le Parlement européen. Ce règlement vise à améliorer la connaissance et la maîtrise des risques des substances chimiques, en demandant en particulier aux producteurs et importateurs d'apporter la preuve, selon un calendrier étalé sur onze ans, de l'innocuité pour la santé ou de la maîtrise des risques des 30.000 substances chimiques les plus utilisées parmi les 100.000 présentes sur le marché communautaire. Il sera adopté par le Conseil européen dans les jours qui viennent. M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a considéré qu'il s'agit d'un tournant majeur après trois ans de négociations européennes dans lesquelles la France s'est beaucoup investie, notamment pour demander le renforcement du rôle de l'agence européenne des produits chimiques créée par le règlement, et pour intégrer le principe de substitution. Le ministère du travail a d'ailleurs particulièrement défendu l'intégration du principe de substitution, qui consiste à prendre en compte les solutions de remplacement par des substances moins dangereuses lors de l'examen de la demande d'autorisation des substances. Il faut se réjouir de l'adoption de ce texte dont les enjeux sont essentiels pour la protection de la santé et de l'environnement. REACH sera pleinement opérationnel mi-2008. Le Gouvernement a décidé de lancer dès à présent des actions pour préparer sa mise en oeuvre en France dont la coordination reposera sur l'agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (Afsset).
La deuxième voie vers l'harmonisation dans le progrès consiste à appliquer le droit du travail du pays d'accueil dans le cadre de la prestation de service. En ce sens, l'objectif de la directive « services » consiste à faire appliquer le droit du travail français à ceux qui viennent sur les chantiers dans le cadre d'une prestation de service, que l'on appelle travailleurs détachés parce qu'ils sont détachés en France par une entreprise étrangère pour faire un travail mais qu'ils restent salariés de cette entreprise étrangère.
Considérant qu'il s'agissait là d'une victoire pour la France, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a salué le travail exceptionnel effectué à cet égard par le Parlement européen. Le texte adopté par les députés européens coupe court à tout risque de dumping social et précise que « la directive ne s'applique pas ou n'affecte en rien le droit du travail, notamment les dispositions légales ou contractuelles concernant les conditions d'emploi, les conditions de travail ». Il réaffirme aussi « le droit de négocier, de conclure, d'étendre et d'appliquer les accords collectifs, et le droit de grève ». Ce vote a indéniablement contribué à rééquilibrer les rapports entre les tenants d'une approche économique de la question et ceux qui, à l'instar de la France, considèrent qu'on ne peut faire l'impasse sur un juste équilibre entre des considérations économiques et sociales.
Il convient désormais de bien faire appliquer cette règle, comme la communication de la Commission de mars 2006 y invite :
- avoir des textes clairs et complets : la loi du 2 août 2005 en faveur des PME a introduit une nouvelle rédaction législative sur le détachement pour rendre ses règles plus lisibles et mieux adaptées à la lutte contre les pratiques transfrontalières frauduleuses. Son décret d'application est en préparation ;
- se coordonner entre pays européens pour faciliter le contrôle réciproque de la régularité du détachement dans le pays où a lieu la prestation de service. A cet égard, le ministre a indiqué être en train de négocier et d'achever l'élaboration d'arrangements administratifs avec plusieurs pays, tant de l'Ouest que de l'Est de l'Union, en vue de faciliter l'action concertée des services de contrôle en matière de lutte contre les infractions aux règles sociales et le travail illégal ;
- contrôler sur le terrain la bonne application de notre plan national de lutte contre le travail illégal, y compris à l'égard des entreprises étrangères qui n'appliqueraient pas nos règles.
a ensuite abordé la question de la solidarité financière entre les membres de l'Union européenne marquée, cette année, par la négociation d'un nouvel instrument, le fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM). Depuis longtemps, la France est très attentive à ce qu'un fonds permettant de répondre aux chocs du commerce mondial soit mis en place au niveau européen. Le Conseil européen du 17 décembre 2005 avait acté le principe de la création de ce fonds, doté d'une enveloppe annuelle maximale de 500 millions d'euros. La commission a donc élaboré, en mars 2006, une proposition de règlement pour l'instituer. Il interviendra pour aider à la reconversion de travailleurs touchés par des restructurations de dimension européenne, liées à des changements structurels dans le commerce international.
Grâce à ce nouvel instrument, la commission entend montrer qu'elle prend pleinement en compte l'impact social de la mondialisation et qu'elle ne se désintéresse pas du sort des salariés. Il ne s'agit pas de prétendre aider à la reconversion de tous les travailleurs concernés par des mutations économiques, mais d'intervenir de façon complémentaire par rapport aux obligations et aux politiques des Etats membres, en identifiant les restructurations qui affectent significativement l'emploi dans une région ou un secteur donné, et qui ont pour origine l'évolution du commerce international (importations massives, exportations en baisse, délocalisation dans les Etats tiers). L'objectif de ce fonds n'est pas de soutenir les secteurs en déclin. Il faut aider les travailleurs qui ont perdu leur emploi à la suite d'ajustements liés au commerce mondial : il ne s'agit ni de diaboliser la mondialisation, ni de retarder les adaptations nécessaires mais au contraire de les faciliter en encourageant la reconversion et le retour à l'emploi des travailleurs touchés. Le principal point d'achoppement de la négociation a porté sur les critères originels d'éligibilité au fonds qui étaient très restrictifs dans le projet initial de la commission.
La présidence finlandaise a proposé, le 8 novembre 2006, un texte de compromis de nature à satisfaire la France. En effet, le critère par entreprise est considérablement assoupli : mille licenciements dans une entreprise et ses sous-traitants mais à l'échelle de tout un pays et sur un délai de quatre mois. Le critère sectoriel est lui aussi assoupli : mille licenciements pendant neuf mois dans les PME (moins de 250 salariés selon l'UE) dans un secteur d'activité, sur deux régions contiguës. Enfin, une clause de sauvegarde est présentée pour lisser les seuils. Celle-ci ne peut émarger qu'à hauteur maximale de 15 % du fonds et le sinistre doit s'approcher, par sa nature et son ampleur, des conditions posées par les deux critères précédents.
a affirmé le soutien de la France au compromis de la présidence finlandaise en l'état, qui constitue le point d'équilibre entre les attentes des Etats membres. Ce compromis a reçu, lors du COREPER du 24 novembre et du Conseil EPSCO du 1er décembre, l'accord de principe des Etats membres. Le trilogue (discussion entre le Conseil, la Commission et le Parlement) a finalement permis au Parlement et au Conseil de se mettre d'accord sur un même texte. Le vote sur le compromis finlandais soutenu par le rapporteur, Mme Roselyne Bachelot, doit intervenir en séance plénière du Parlement, aujourd'hui 13 décembre. Si ce vote est confirmé, le règlement sur le FEM sera adopté en première lecture et pourra entrer en vigueur au début de l'année 2007. Ce sera un signal positif pour l'Europe sociale.
Abordant les perspectives européennes dans le domaine social en 2007 qui seront dominées par les priorités de la présidence allemande, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a indiqué avoir eu des entretiens approfondis avec ses homologues allemands à trois reprises dans les semaines récentes : le 12 octobre à l'occasion du Conseil des ministres franco-allemands, le 22 novembre à Berlin à l'occasion de la conférence pour une mondialisation équitable, enfin à Bruxelles le 1er décembre où il a rencontré le secrétaire d'Etat parlementaire Gerd Andres à l'occasion du Conseil des ministres de l'emploi. Les Allemands entendent favoriser une dimension plus sociale de l'intégration européenne et du marché intérieur, souligner les valeurs communes sociales des Etats membres et les objectifs du traité en ce domaine, et rendre la dimension sociale de l'Union européenne plus visible.
Les responsables allemands reconnaissent que la promotion du modèle social européen est une condition essentielle pour réconcilier l'Europe et les citoyens. Ils mettent en parallèle le « non » français au référendum avec le scepticisme de l'opinion allemande vis-à-vis des orientations actuelles de la construction européenne. Concrètement, la présidence allemande souhaite :
- promouvoir la dimension sociale de l'Union européenne et une plus grande participation des partenaires sociaux. En ce sens, une réunion commune des partenaires sociaux français et allemands avant le Conseil européen de mars est envisagée. Côté français, cette réunion conjointe pourra s'appuyer sur une instance de dialogue social qui joue dans le ministère un rôle important de consultation et d'avis : le comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales. M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a assuré qu'il s'efforce d'en présider personnellement les réunions les plus importantes, comme il l'a déjà fait à quatre reprises : deux réunions d'avant Conseil des ministres de l'emploi (29 mai et 27 octobre), une réunion consacrée à la libre circulation le 3 mars et une réunion le 20 juin sur le programme national de réforme et la stratégie de Lisbonne où était invité le commissaire Spidla ;
- mettre en valeur le thème de la qualité du travail. Parmi les critères de la qualité du travail (objet d'une conférence à Berlin les 2 et 3 mai), la présidence allemande cite les revenus (« fair income »). Dans ce contexte, la présidence poursuivra la réflexion ouverte à partir du Livre vert « Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle » (vraisemblablement à l'ordre du jour du Conseil informel de Berlin les 18 et 19 janvier ; un premier tour de table a été fait sur le Livre vert au Conseil du 1er décembre). Cette réflexion sur le Livre vert est liée au débat sur la flexisécurité qui devrait se poursuivre au premier semestre ;
- enfin, l'égalité des chances sur le marché du travail est le troisième axe des priorités de la présidence, en cohérence avec l'année européenne de l'égalité des chances en 2007. Une réunion au niveau ministériel est prévue les 30 et 31 janvier.
Comme elle a commencé à le faire à l'occasion de la Conférence de Berlin sur la mondialisation et de la Conférence de Potsdam dans le cadre du dialogue entre l'Union européenne et les pays d'Asie au sein de l'ASEM, la présidence allemande déclinera ces priorités sur la dimension externe des politiques européennes en s'efforçant de les projeter vers une dimension sociale de la mondialisation.
En revanche, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a considéré qu'il est peu probable que les Allemands inscrivent la révision de la directive sur le temps de travail dans leurs priorités. Il faudra sans doute attendre soit une initiative de la commission, soit la présidence portugaise pour voir revenir ce dossier qui n'en reste pas moins urgent en raison de l'absence de solution pour le problème des gardes inactives dans les établissements du secteur sanitaire et social. La commission affirme préparer des procédures contre vingt-trois Etats membres qui ne seraient pas en conformité sur ce point de la directive, dont la France qui, à la suite de l'arrêt Dellas, a également besoin de cette révision de la définition des temps de garde.