Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 24 février 2006 à 22h20
Égalité des chances — Article 1er

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

L'article 1er, qui crée l'apprentissage junior, est à la fois dangereux et difficilement applicable. Sous couvert de pragmatisme, il constitue, avec le contrat première embauche, l'une des mesures les plus idéologiques de votre projet de loi. Il s'agit d'une mesure populiste de pseudo-revalorisation du travail, alors même que vous vous acharnez à précariser ce dernier toujours plus.

Avec ce projet de loi, et cette mesure en particulier, vous allez encore plus loin dans la destruction de notre système éducatif. Vous faites ce que vous n'aviez pas osé accomplir avec la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dite loi Fillon. En réalité, derrière les bonnes intentions de façade que vous vous plaisez à afficher se cache la remise en cause de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, instaurée en 1959. Preuve du danger de cette mesure, le Conseil supérieur de l'éducation a massivement rejeté le projet d'institution de l'apprentissage junior, par trente-neuf voix contre et seulement douze voix pour. Mais vous n'en avez pas tenu compte !

Bien sûr, il ne suffit pas de prolonger la scolarisation pour résoudre le problème de la réussite et de l'emploi des jeunes. Mais la lutte contre l'échec scolaire et la promotion d'une orientation choisie et non contrainte ne passent surtout pas par la remise en question des acquis positifs des dernières décennies, qui ont permis la généralisation de l'accès à l'enseignement secondaire. Nous l'avons également démontré.

L'école ne doit pas être réduite à un outil de production de main-d'oeuvre malléable et corvéable dès le plus jeune âge. Or c'est bien d'une telle vision que relève l'apprentissage junior !

Outre qu'il est dangereux, votre projet me paraît difficilement applicable. Des formules similaires existent déjà, et elles ont échoué. Ainsi, le Centre de formation d'apprentis permet aux jeunes de quatorze à quinze ans de mettre à niveau leurs connaissances pour mieux préparer leur apprentissage en intégrant une classe préparatoire à l'apprentissage sous statut scolaire, sans rémunération. Pendant cette année de préapprentissage, le jeune effectue deux semaines de stage par mois en entreprise. Mais, pas plus que les classes d'initiation professionnelles en alternance, les CLIPA, les CPA ne fonctionnent : 10 000 élèves seulement ont intégré ces dispositifs, bien moins qu'au moment de leur création dans les années soixante-dix. Votre nouveau dispositif n'est que la suppression de ces deux-là.

M. le rapporteur signale déjà un taux de rupture des contrats d'apprentissage de l'ordre de 25 %. Pourquoi orienter contre leur volonté vers l'apprentissage les jeunes élèves en difficulté ? Une orientation aussi contrainte ne pourra pas fonctionner.

Votre proposition n'est évidemment pas le meilleur moyen de revaloriser l'enseignement manuel. Il faut une véritable culture technologique permettant une orientation en connaissance de cause après seize ans, ce qui exige un grand plan pour l'enseignement professionnel permettant la formation en alternance. Tant la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment que les responsables des chambres de métiers et de l'artisanat se montrent circonspects devant vos mesures. L'Union professionnelle artisanale déplore, quant à elle, l'association entre échec scolaire et apprentissage. Elle estime que l'orientation des jeunes vers les métiers de l'artisanat ne doit pas être un choix par défaut.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion