Intervention de Claude Allègre

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 octobre 2007 : 1ère réunion
Environnement — Changements climatiques - Audition de M. Claude Allègre membre de l'institut professeur à l'université de paris vii

Claude Allègre :

A titre liminaire, M. Claude Allègre a estimé que les problèmes écologiques devaient constituer des moteurs de croissance, et non des freins, et a fortement critiqué la théorie de la décroissance. Reconnaissant l'existence d'un changement climatique, il a contesté en revanche la certitude d'un réchauffement de 2 degrés dans les années à venir et mis en doute les prévisions de températures de Météo France pour les cinquante prochaines années, celles établies pour l'été 2007 s'étant d'ores et déjà révélé erronées. A l'appui de ces propos, il a cité deux affirmations longtemps établies comme évidentes et aujourd'hui fortement remises en cause. La première était celle d'une élévation de la température moyenne du globe de 0,6 degré depuis 1850 : cette affirmation est sujette à caution du fait, d'une part, de la grande difficulté à définir la notion de « température moyenne » du globe, celui-ci connaissant des écarts de 100 degrés entre les pôles et l'équateur et de 10 degrés entre le jour et la nuit et, d'autre part, du très faible nombre de relevés de températures il y a plus d'un siècle, époque à laquelle les océans représentaient les deux tiers de la surface du globe. Le fait le plus établi concerne la seule Europe, où des mesures journalières sont effectuées depuis 1830, et on n'y constate pas de grande modification, à l'exception d'un léger, mais brutal, réchauffement depuis 1987. La deuxième « évidence » concernait la variation des teneurs en gaz carbonique des bulles enfermées dans la glace entre les périodes glaciaires et interglaciaires : on s'est rendu compte à ce sujet que la variation de température précédait de 900 ans l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère.

Après avoir indiqué qu'on observait, depuis une dizaine d'années, une augmentation des phénomènes extrêmes, M. Claude Allègre a déploré l'inaction actuelle sur ce sujet, notamment s'agissant des inondations, qui risquent de se multiplier. Il a cité deux actions urgentes à entreprendre : le dragage des fleuves, notamment le Rhône, dont l'état de sédimentation risque d'entraîner des crues dès la survenue de précipitations, et le stockage d'eau en vue de sa réinjection dans les sous-sols. Il a ensuite expliqué que la hausse du gaz carbonique dans l'atmosphère avait deux effets nocifs. Le premier, avéré, est un phénomène d'acidification des océans. Le second est en cours de démonstration, mais apparaît plausible : il s'agit de l'accroissement du nombre de feux de forêts, la photosynthèse étant favorisée par la hausse du gaz carbonique dans l'atmosphère et pouvant entraîner une combustion spontanée.

Abordant la question de la séquestration du gaz carbonique, M. Claude Allègre a précisé qu'un site pilote allait être créé à Massy, une centrale thermique devant permettre de piéger le gaz carbonique et de le transformer en calcaire, reproduisant ainsi le processus naturel qui s'est déroulée au début de l'histoire de la planète. Il a ensuite estimé que dans 15 ans, la séquestration du carbone pourrait représenter un chiffre d'affaires mondial de 600 milliards de dollars, soit le quart de l'activité pétrolière, et a souligné que de très nombreuses embauches étaient en jeu.

Après avoir évoqué le film réalisé par Al Gore et relevé que celui-ci comportait quelques erreurs, M. Claude Allègre a estimé que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) était un organisme politique, et non scientifique. Il a ensuite précisé que les glaciers fondaient depuis 1790 et que cette évolution était limitée à l'hémisphère Nord, les glaciers de l'Antarctique, qui représentent 92 % des glaces, n'étant pas touchés par ce phénomène. Il s'est ensuite dit davantage préoccupé par les changements concernant le cycle de l'eau et a rappelé que le réchauffement était lié pour 83 % à la vapeur d'eau et pour 13 % au gaz carbonique. Il a expliqué que, du fait de l'importance des fluctuations de la vapeur d'eau, qui varie de 0 % dans l'atmosphère à 30-40 % dans la zone équatoriale, il était difficile d'appréhender ce phénomène et que l'hypothèse dominante était l'absence d'influence de l'homme sur celui-ci, hypothèse contestable au regard, par exemple, des effets du pompage des fleuves pour l'irrigation agricole. M. Claude Allègre a ensuite souligné que la première urgence pour l'homme était de s'adapter, comme il l'avait fait lors des précédents changements climatiques. A titre d'exemple, des mesures devraient, selon lui, être prises sur la partie côtière de l'Atlantique Nord afin d'anticiper sur les tempêtes qui pourraient y survenir. En outre, du fait de la possibilité d'inondations et de sécheresses concomitantes, il serait opportun d'équiper, en France, toutes les routes à goudron et ciment afin qu'elles soient perméables, même si de tels équipements coûtent 20 % plus cher.

Rappelant, en conclusion, qu'à la suite de l'annonce par le club de Rome, en 1970, de l'épuisement des matières premières, le président Valéry Giscard d'Estaing avait fait de l'écologie une priorité, priorité ensuite oubliée du fait de la non-réalisation des prédictions du club, il a jugé impératif d'établir les vraies priorités et d'éviter de jouer les « Nostradamus modernes ».

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