Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a examiné le rapport présenté par M. Jean Boyer sur le projet de loi n° 10 (2007-2008) relatif au Parc naturel régional de Camargue.
a souligné la spécificité du projet de loi examiné, qui avait pour objet de régler un cas d'espèce, à savoir le statut juridique du Parc naturel régional de Camargue, victime d'un contexte juridique incertain et très complexe, menaçant son existence même.
Il a tout d'abord fait valoir la très grande richesse biologique de la Camargue, située dans le delta du Rhône, considérée comme l'une des plus vastes zones humides d'Europe, sur l'axe de migration des oiseaux du Nord de l'Europe.
Après avoir évoqué la variété des espaces naturels présents, il a relevé que ces derniers avaient été très largement façonnés par la main de l'homme, à partir du milieu du XIXe siècle, avec l'endiguement des bras du Rhône et la construction de digues à la mer pour se protéger des inondations, puis la mise en place d'un réseau hydraulique complexe avec l'installation de stations de pompage et le creusement de canaux d'irrigation et d'assainissement.
La Camargue, site naturel d'intérêt majeur, a-t-il ajouté, est en réalité un milieu artificiel géré par l'homme et dépendant étroitement des activités qui y sont pratiquées : la riziculture, l'élevage et aussi la saliculture. Au sein du PNR, des démarches de qualité sont développées et reconnues à travers notamment une appellation d'origine contrôlée (AOC) « riz de Camargue » et une AOC « Taureau de Camargue ».
Il a ajouté que la Camargue bénéficiait de nombreuses protections et reconnaissances tant nationales qu'internationales, confirmant ainsi son caractère emblématique. Ainsi, depuis 1927, le site de Vaccarès -13.000 hectares- est protégé et est devenu site classé en 1942, puis réserve nationale en 1975.
La protection de la Camargue se traduit également par des acquisitions foncières, du département des Bouches-du-Rhône, utilisant la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles et du Conservatoire du littoral, propriétaire ou affectataire de plus de 15.000 ha sur le territoire du PNR. La quasi-totalité du parc est également désigné au titre de Natura 2000 et le PNR est responsable de l'élaboration d'un document d'objectifs.
Sur le plan international, M. Jean Boyer, rapporteur, a évoqué le classement, en 1977, de la Camargue en réserve de biosphère, réseau coordonné par l'UNESCO et l'adhésion à la Convention Ramsar sur les zones humides en 1986.
Pour présenter le contexte juridique complexe justifiant le projet de loi, le rapporteur a fait valoir que la structure gestionnaire du parc aurait dû voir évoluer ses statuts, mais que de fortes oppositions de personnes avaient entraîné une série de recours contentieux, successivement perdus par le PNR.
Il a indiqué que le PNR de Camargue, troisième quant à l'ancienneté, avait été créé en 1970 et géré par une fondation, reconnue d'utilité publique en 1972, permettant d'associer à part entière les grands propriétaires, mais aussi l'ensemble des collectivités et acteurs locaux, exploitants, pêcheurs, chasseurs soucieux de préserver la qualité emblématique d'un territoire face à de grands projets d'aménagement, comme Fos-sur-Mer ou le Cap d'Agde. On parlait alors du « Parlement de Camargue » et son rôle a été essentiel dans la mise en valeur du territoire, permettant ainsi le renouvellement du classement du Parc, en 1998, pour dix ans, avec une charte révisée.
Le rapporteur a ensuite indiqué que la Fondation avait été confrontée à de multiples difficultés juridiques, comptables et budgétaires, et qu'il était apparu très difficile de maintenir le statut privé d'un organisme, ne bénéficiant quasiment que de fonds publics, d'autant plus que la loi du 2 février 1995 dite « loi Barnier » avait posé le principe -pour les nouveaux PNR- du recours à un syndicat mixte pour leur gestion.
Tant l'administration centrale que la majorité des acteurs locaux ont tenté de faire évoluer le statut de l'organe gestionnaire du parc, tout en préservant sa spécificité historique, à savoir la très forte implication des propriétaires fonciers, notamment à travers la création, en décembre 2001, d'un groupement d'intérêt public (GIP) par arrêté préfectoral, repris par un arrêté ministériel en janvier 2003, à qui le budget et le personnel de la Fondation avaient été transférés. Mais le rapporteur a déploré que la procédure de retrait d'utilité publique, puis de dissolution de la Fondation n'ait pas été engagée, laissant coexister deux structures sur le même territoire et pour exercer des compétences identiques.
De plus, a-t-il relevé, les deux arrêtés de création du GIP ayant fait l'objet de recours contentieux ont été tous les deux annulés, l'arrêté préfectoral pour vice de forme et l'arrêté interministériel au moyen qu'en cas de changement de l'organe gestionnaire du parc, le nouvel organisme devait être impérativement un syndicat mixte.
a alors indiqué qu'un décret du 9 novembre 2004 transférait la gestion du PNR à un syndicat mixte créé par l'arrêté préfectoral du 1er décembre 2004.
Les deux structures -Fondation et syndicat mixte- continuaient de coexister, la première dans des conditions de régularité douteuses et sans moyens et la seconde, dotée d'un budget et de personnel, mais les difficultés quotidiennes de fonctionnement étaient permanentes, les locaux du PNR étant propriété de la Fondation et sans convention de mise à disposition.
En outre, a-t-il souligné, le feuilleton judiciaire s'est poursuivi, avec l'annulation du décret du 9 novembre 2004 par le Conseil d'Etat en février 2007, au moyen que le changement d'organisme gestionnaire d'un PNR constituait une révision de la charte et devait donc être assurée par l'organisme gestionnaire historique, en l'occurrence la Fondation.
Le recours contre l'arrêté préfectoral de création du syndicat mixte est pendant devant le tribunal administratif de Marseille, mais selon toute vraisemblance, il sera aussi annulé et la décision peut intervenir avant la fin de l'année.
Depuis février 2007, le rapporteur a indiqué que le PNR expédiait les affaires courantes, le trésorier payeur général ayant notamment accepté de payer les 37 salariés du parc. Mais, si l'arrêté de création du syndicat mixte est annulé, celui-ci devra être mis en liquidation, ce qui entraînera le licenciement du personnel, avec un coût social d'autant plus inacceptable que les salariés sont très attachés au PNR et à son développement. Il a également souligné que toutes les conventions de gestion signées par le PNR, en matière agricole, dans la lutte contre les inondations, ou encore l'accueil du public tomberaient, ce qui porterait gravement préjudice à la Camargue.
En outre, il a rappelé que le classement du PNR avait été renouvelé jusqu'au 20 février 2008 et que si, à cette date, aucune procédure de révision de la Charte n'était en cours, le Parc perdrait son label de « parc naturel régional ».
Il a fait valoir que le projet de loi prenait acte de cette impasse juridique interdisant de recourir à la procédure de droit commun pour réviser la Charte du parc et modifier le statut de la structure gestionnaire et de l'accord auquel étaient parvenues l'ensemble de parties prenantes réunies sous l'égide de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, le 2 août dernier, pour stabiliser la situation juridique du PNR de Camargue.
Le dispositif proposé prévoit la validation des actes juridiques passés par le syndicat mixte depuis sa création, la reconnaissance du syndicat mixte comme unique organe gestionnaire du PNR, nonobstant toute disposition contraire, la désignation de trois délégués par le syndicat mixte de gestion des associations syndicales des propriétaires du Pays d'Arles, représentant les associations de propriétaires gérant le système hydraulique en Camargue et la prolongation, jusqu'au 18 février 2011, de la durée de validité du classement du PNR de Camargue, afin de laisser au syndicat mixte le délai nécessaire pour réviser sa Charte.
a recommandé l'adoption de ce projet de loi assorti d'un amendement rédactionnel, après avoir indiqué avoir reçu tous les acteurs concernés, qui dans leur quasi-majorité, souhaitent qu'une solution pérenne soit mise en place pour doter le Parc d'une structure juridique incontestable.
Il a considéré que les aménagements proposés pour la composition du syndicat mixte permettaient de ménager les susceptibilités, encore à fleur de peau pour certains, et d'assurer la représentation des propriétaires, dans l'esprit de la Fondation.
Il a souhaité que la dévolution des biens de la Fondation, en particulier de ceux acquis sur des fonds publics puissent être utilisés pour répondre aux missions du Parc et s'est déclaré favorable à la solution permettant au Conservatoire du littoral d'être affectataire des biens de la Fondation, pour les donner en gestion au PNR de Camargue.
En revanche, a-t-il précisé, une solution spécifique devra être trouvée pour les biens reçus par donation.
En conclusion, le rapporteur a considéré qu'en apportant son soutien sans réserve à ce projet de loi, la commission marquait sa volonté de voir gérer et mis en valeur cet espace emblématique qu'est la Camargue dans une démarche concertée associant l'ensemble des acteurs locaux et économiques concernés. Il est de l'intérêt de tous que le label « Parc naturel régional » soit maintenu au-delà de 2008.