a rappelé que le Sénat a beaucoup travaillé sur l'outre-mer, notamment lors de l'examen du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (Lodeom), en février et mars 2009, et dans le cadre de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer (Dom), créée à l'initiative du Président Gérard Larcher.
L'actualité récente a été marquée par les événements, parfois violents et dramatiques, qui ont secoué les Dom début 2009, par la décision consécutive de réunir des Etats généraux de l'outre-mer et par la première réunion, le 6 novembre, du nouveau conseil interministériel de l'outre-mer présidé par le Président de la République.
La situation économique et sociale de l'outre-mer est extrêmement tendue et la crise financière actuelle l'aggrave : le taux de chômage a recommencé à augmenter, il atteint 27 % à La Réunion et 24 % à 25 % en moyenne dans les autres Dom ; un jeune sur deux est au chômage, le taux d'illettrisme est très élevé, les infrastructures publiques sont nettement insuffisantes, notamment dans les territoires soumis à une pression démographique forte comme la Guyane, le nombre de dossiers de surendettement déposés atteint un niveau historique.
L'un des ressorts de la crise sociale a été le prix des carburants, et plus globalement, les abus constatés en matière de concurrence et d'organisation des marchés. La mission d'information du Sénat a d'ailleurs effectué un relevé de prix sur des produits de consommation courante lors de chacun de ses déplacements, qui a confirmé, à l'instar de plusieurs autres études, qu'ils sont nettement plus élevés outre-mer qu'en métropole. Ainsi, selon l'autorité de la concurrence, ils sont supérieurs de 55 % à La Réunion à ceux observés en métropole pour plus de la moitié des produits : pour le café, le thé, le sucre, l'écart atteint même 66 %. Dans le même ordre d'idées, des associations de consommateurs ont mesuré que les frais bancaires sont trois fois plus élevés à La Réunion qu'en métropole, ce qui n'est naturellement pas justifié.
Face à ce constat maintenant partagé, le Président de la République a procédé à une série d'annonces lors du premier conseil interministériel, concrétisées par un « coup de pouce » donné aux crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010 : à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a ainsi décidé, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, le 13 novembre dernier, en seconde délibération, une enveloppe supplémentaire de 83 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 33 millions en crédits de paiement (CP). S'y est ajoutée l'ouverture de 40 millions d'AE et de 20 millions de CP sur la mission « Agriculture » pour améliorer la compétitivité économique des filières agricoles.
En ce qui concerne la mission « Outre-mer » proprement dite, ses crédits s'élèvent à environ 2,1 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2010 ; ils sont en progression de 10,6 % en AE et de 8,1 % en CP.
Cependant, environ la moitié de ces crédits (1,1 milliard) est constituée de la compensation versée par l'Etat aux organismes de sécurité sociale au titre des exonérations de charges spécifiques à l'outre-mer. Malgré l'augmentation de cette compensation de 8,9 % en 2010, la dette de l'Etat envers les régimes de sécurité sociale restera à un niveau extrêmement élevé, puisqu'elle est estimée à 610 millions à la fin de 2009 et à 665 à la fin de 2010.
Hors compensation, laquelle n'est pas en elle-même destinée aux territoires ultramarins, les crédits de la mission augmentent fortement : 12 % en AE et 7 % en CP. Cette progression, notable dans le cadre contraint des finances publiques, veut répondre aux besoins et aux déficits structurels de l'outre-mer, notamment sur quatre points essentiels :
- la montée en charge du service militaire adapté (SMA), dont les crédits augmentent de 24 % pour prendre en compte l'engagement du Président de la République, en février dernier, de doubler le nombre de volontaires en trois ans. Cette décision est positive car elle entérine les bons résultats d'un dispositif unanimement salué comme exemplaire : 80 % des jeunes qui sortent du SMA trouvent rapidement un emploi.
Pour autant, le nombre de stagiaires n'augmentera que de 1,9 % en 2010. Plus encore, la possible dégradation des conditions de formation est inquiétante : pour des raisons qui semblent être budgétaires, le Gouvernement a en effet décidé de réduire la durée de formation des stagiaires. Elle sera ramenée de douze à dix mois pour le public « cible » actuel du SMA, c'est-à-dire les jeunes particulièrement marginalisés, et elle ne durera que six mois pour le nouveau public, c'est-à-dire des jeunes moins éloignés du travail. Or, la durée de douze mois est déjà courte pour remettre un jeune « dans le circuit » car le rôle du SMA est aussi de sociabiliser un certain nombre de jeunes en perte de repères ;
- l'inscription de 27 millions d'euros pour la nouvelle aide au fret, créée par la Lodeom pour abaisser le coût des matières premières ;
- le « coup de pouce » donné au logement par l'Assemblée nationale, qui a porté les AE à 275 millions d'euros en 2010, en progression de 7,6 % et les CP à 217 millions, soit une hausse de 4,9 %.
Le logement nécessite clairement l'adoption d'un véritable plan Marshall ; cette expression, souvent galvaudée, est totalement adaptée pour tenter de résorber la crise aiguë du logement outre-mer. Les besoins sont en effet très importants : 26 % des logements sont insalubres, contre 8 % en métropole ; les prix du secteur libre sont élevés, ils équivalent à ceux de l'Ile-de-France en Guyane et à ceux des grandes villes de province à La Réunion ; les revenus de la population sont faibles, si bien qu'environ 80 % des habitants sont éligibles à un logement social en Guyane ou à La Réunion.
Il est en conséquence nécessaire de mobiliser l'ensemble des capacités d'action en faveur du logement : libérer du foncier, donner les moyens juridiques ou financiers aux collectivités locales ou aux bailleurs de le viabiliser et mettre en oeuvre rapidement les dispositifs adoptés dans le cadre de la Lodeom, dont les décrets d'application ne sont toujours pas pris alors que le secteur du BTP est presque à l'arrêt.
- le renforcement du rôle de l'agence française de développement : 38 millions supplémentaires en moyens d'engagement ont été inscrits lors des débats à l'Assemblée nationale pour accroître le volume de prêts à taux bonifiés pour les petites et moyennes entreprises et les collectivités locales. Pour autant, les crédits de paiement afférents progressent peu et ne s'élèvent qu'à 7 millions d'euros.
En dépit de ces motifs de satisfaction, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a vivement regretté que les moyens dédiés à la santé ne soient pas à la hauteur des besoins. Les crédits de l'action « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » diminuent de 1,6 % en 2010 et la chute est même de 4,6 % en excluant le financement de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna. En volume, les engagements sont de 23 millions d'euros pour cette agence et de 12 millions sur le reste de l'action, ce qui est évidemment trop faible pour répondre aux enjeux.
Le Gouvernement a bien annoncé, le 22 juillet dernier, un « plan santé outre-mer », qui reprend largement les conclusions et les propositions de la mission d'information du Sénat, mais il n'en existe aucune traduction budgétaire à ce jour, que ce soit dans les crédits de la mission « Outre-mer », dans ceux de la mission « Santé » ou dans les financements de la sécurité sociale.
Pourtant, les statistiques sont inquiétantes : l'espérance de vie est nettement plus faible outre-mer qu'en métropole, principalement à La Réunion, en Guyane ou à Mayotte, le taux de mortalité infantile y est en moyenne le double de celui de métropole, certaines pathologies, qui n'existent pas en métropole, sont peu combattues et d'autres, qui ont des prévalences différentes (sida, mais aussi diabète, hypertension) ne le sont pas assez. De plus, les phénomènes d'addiction sont beaucoup plus répandus outre-mer, que ce soit pour le tabac, l'alcool ou les drogues.
Enfin, 2010 sera l'année de l'évaluation précise de l'impact du revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) mis en place par les accords de sortie de crise au printemps car, parallèlement, le RSA doit entrer en vigueur dans les Dom, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon « au plus tard » le 1er janvier 2011. Cette évaluation sera d'autant plus nécessaire que le projet de loi de finances propose, dans sa première partie, d'imputer le RSTA sur la prime pour l'emploi, ce qui aura sans doute des conséquences inattendues et difficilement chiffrables, à ce stade, pour la population. En tout état de cause, il convient de clarifier ces différents éléments et d'adopter le plus rapidement possible, dans les Dom, un dispositif inspiré à la fois du RSA et du RSTA et adapté aux territoires.
En conclusion, et pour tenir compte des nouveaux aspects positifs des mesures proposées qui consacrent un engagement fort de l'Etat, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de se prononcer en faveur de l'adoption des crédits 2010 de la mission « Outre-mer ».