J'en viens à l'extraterritorialité. Nous ne voulons pas de cheval de Troie qui détruise notre édifice, car les mastodontes du numérique rêvent d'une liberté totale puisqu'avec le numérique, il n'y a plus de frontières. Convaincus par des lobbies puissants, les députés ont estimé que ce texte était contraire au droit européen et qu'il fallait supprimer tout ce qui avait trait à l'extraterritorialité. N'oublions pas que des inspecteurs de Bruxelles ont saisi des ordinateurs dans certaines maisons d'édition françaises !
En raison de la convention de l'Unesco et de l'exception culturelle, nous estimons que le droit est avec nous : notre dossier est plaidable. Quand l'économie de la culture sera dominée par le numérique, on ne pourra plus mener une quelconque bataille sur l'exception culturelle. Avec ce texte, nous n'en sommes qu'aux prémices : les combats majeurs sont encore à venir. Autant commencer dès maintenant à nous défendre. En outre, nous ne sommes pas les seuls concernés : beaucoup de pays le seront qui voudront préserver leurs livres, leurs musiques, leur cinéma, leurs musées, leur patrimoine.
Aujourd'hui, la fabrication des livres entre pour 15 % dans le prix total. Le stockage et le transport représentent 53 % et il reste 20 % pour l'éditeur et 10 % pour l'auteur. Si l'on enlève toute la partie qui revient au stockage, au transport et à l'imprimeur, il ne reste que ce qui revient aux maisons d'édition et aux auteurs : il y aura de la marge, même s'il n'y en a pas beaucoup au début. Il est donc indispensable de fixer un cadre pour protéger les auteurs. On me dit qu'il n'est pas possible d'entrer dans la comptabilité des entreprises pour savoir quel est leur bénéfice. Ce n'est pas ce que nous voulons : les négociations entre auteurs et éditeurs se poursuivront. Mais lorsqu'on passera du papier au numérique, avec les économies que l'on constate aux États-Unis, au Canada ou au Japon, il faudra quand même fixer un cadre, non pas pour les grands auteurs qui peuvent se défendre, mais pour les petits qui n'ont pas les moyens de négocier : il n'y a pas de livre sans auteur. Revenons-en donc au texte que nous avons adopté en première lecture et voyons si une autre proposition émerge en cours de navette.
Un regroupement de bibliothécaires et d'archivistes nous a saisis car ils se sentent menacés par la rédaction de l'Assemblée nationale. Nous avons intérêt à protéger ces personnes car certaines collectivités territoriales innovent et les contrats qu'elles signent ne sont peut être pas légalement garantis par le texte actuel. Nous déposerons peut être un amendement en séance, en accord avec la commission.