a précisé que le HCSP avait en effet entériné, en l'occurrence, l'avis du CTV. Il a aussi rappelé que cette instance avait été en « désaccord amical » avec le Sénat qui avait souhaité rendre obligatoire en 2006 la vaccination contre la grippe saisonnière de tous les professionnels exerçant en établissement de santé. Cette solution pouvait être recommandée en cas de pandémie sévère. Sinon, il ne paraissait pas utile de vacciner tous les ans des milliers de personnes, y compris les personnels techniques et administratifs des hôpitaux. Le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, avait admis ces arguments et avait suspendu par voie réglementaire l'application du texte adopté à l'initiative du Sénat.
Revenant à la pandémie grippale, M. Christian Perronne a rappelé que toutes les maladies infectieuses sont imprévisibles, et plus encore la grippe. La pandémie de 1918 fut très sévère. D'autres le furent moins au cours du XXe siècle et pourraient passer pour des « pandémiettes ». Un virus paraît souvent « gentil » au départ, mais il peut aussi muter et aucun expert au monde ne peut prédire son évolution.
L'évolution de la grippe A(H1N1)v était particulièrement incertaine à ses débuts. On avait peu de données ; les estimations de mortalité variaient de un pour dix mille à un pour cent. En effet, le nombre de morts était à peu près connu, mais pas le nombre de cas. Autrement dit, le dénominateur était incertain, alors qu'il est capital pour évaluer la mortalité. En juillet, l'OMS se refusait à exclure une fourchette supérieure de mortalité de 1 %. Pour un pays de plus de 60 millions d'habitants comme le nôtre, cela aurait fait beaucoup de monde.
Fin août, début septembre, on a pu disposer du retour de l'hémisphère sud et être en partie rassuré. La mortalité apparaissait proche de celle observée pour la grippe saisonnière. Mais le caractère pandémique était confirmé et le virus tuait des jeunes. Les données virologiques montraient un comportement inhabituel du virus. Il fallait donc rester en alerte. L'Australie et l'Argentine avaient connu des périodes très difficiles, avec des cas très graves, des services de réanimation saturés, des actes de chirurgie déprogrammés pour gérer l'affluence des malades de la grippe A... Heureusement cette situation n'a pas duré trop longtemps. On a compté 200 décès en Australie, pour environ 20 millions d'habitants. M. Christian Perronne a noté que sur la base de ce chiffre, il lui avait semblé raisonnable de s'attendre à au moins 600 morts en France, peut-être 800 car dans l'hémisphère nord l'hiver est plus froid, plus long. En fait, il y a eu finalement un peu plus de 300 décès. Il a souligné que, quand le HCSP avait été saisi, il avait insisté sur la nécessité de vacciner d'abord les populations prioritaire. On lui a demandé une grille de priorités qui a été affinée grâce aux données parvenues du Canada et de l'hémisphère sud.
Puis il a fallu se prononcer sur l'éventualité d'une vaccination générale de la population. La question est plus du ressort des politiques que de celui des experts : la réponse dépend de ce qu'un pays peut dépenser, de la marge de risque que peut accepter la société...C'est donc une question qui dépasse l'expertise scientifique Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait estimé que tout Français devait avoir accès à la vaccination s'il le souhaitait. La directrice générale de l'OMS, le Dr Margaret Chan, insistait sur l'équité nord-sud : les pays du nord devaient donner une partie de leur production aux pays pauvres. La solidarité poussait les pays riches à produire plus. De telles considérations ne sont pas non plus du ressort des infectiologues.