La commission d'enquête a tout d'abord entendu Mme Marianne Fleury, médecin urgentiste, et M. Olivier Patey, médecin infectiologue, chef de service des maladies infectieuses et tropicales, du centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges, membres du comité de lutte contre la grippe.
a précisé n'avoir aucun lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique. Elle est médecin, spécialiste en anesthésie-réanimation et praticien hospitalier au service d'aide médicale urgente (SAMU) de Seine-Saint-Denis, rattaché à l'hôpital Avicenne à Bobigny.
Au mois de mars 2003, Mme Marianne Fleury a été nommée chef de l'équipe médicale « SAMU », missionnée par le Gouvernement, avec M. Jean-Claude Manuguerra, virologue à l'Institut Pasteur, pour aider à la prise en charge des patients atteints du SRAS à l'hôpital français d'Hanoï.
Elle est également membre, depuis 2004, du comité local de lutte contre les infections nosocomiales à l'hôpital Avicenne et, depuis 2005, de la cellule de lutte contre la grippe, devenue Comité de lutte contre la grippe (CLCG) en 2008.
Elle a en outre participé aux formations de formateurs des établissements de santé publics et privés de Seine-Saint-Denis dans le cadre du plan de lutte contre la pandémie grippale, ainsi qu'aux réunions relatives à la grippe organisées par les instances départementales et l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP).
a indiqué pour sa part qu'il était diplômé de bactériologie et de virologie systématique à l'Institut Pasteur et titulaire d'un diplôme d'études approfondies (DEA) de santé publique obtenu à l'hôpital de la Pitié Salpétrière auprès du Professeur Marc Gentilini. Il est chef du service des maladies infectieuses et tropicales du Centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges (CHIV) depuis 1998.
Il est membre de la Ligue française pour la prévention des maladies Infectieuses (LFPMI) et participe aussi aux travaux du Groupe d'études épidémiologiques et prophylactiques (GEEP).
a, en ce qui concerne ses liens d'intérêts, dit avoir organisé, depuis 1992, avec le GEEP, la LFPMI et l'Institut Pasteur, de nombreux colloques sur le contrôle épidémiologique des maladies infectieuses (CEMI), qui ont porté sur divers sujets de santé publique. Les industries pharmaceutiques ont pu occasionnellement apporter un soutien financier à l'organisation de ces colloques. Il n'y eu cependant aucun lien financier direct, ni aucune influence de leur part sur les programmes et le choix des orateurs, qui résultaient de décisions du comité scientifique d'organisation, composé de membres de l'Institut Pasteur, de l'INVS et du service de santé des armées. Ces colloques étaient, par ailleurs, parrainés par la direction générale de la santé (DGS) et l'INVS. Il n'en a donc pas fait état dans la déclaration publique d'intérêt (DPI) qu'il a remplie, en urgence, au titre de sa qualité de membre du CLCG.
En réponse à M. François Autain, président, qui souhaitait connaître la date à laquelle il a été demandé aux membres du CLCG de remplir une DPI, M. Olivier Patey a indiqué que cette demande avait été faite vers le mois d'octobre ou novembre 2009, ce que Mme Marianne Fleury a confirmé, précisant pour sa part avoir rempli auparavant deux DPI lorsqu'elle a été amenée à participer à des groupes de travail du Haut Conseil de la santé publique (HCSP).
a observé que même si la création du CLCG n'a été officialisée que par un décret en date du 25 juillet 2008, les DPI auraient dû être demandées plus tôt.
a estimé qu'il serait souhaitable que les formulaires de DPI soient harmonisés et que la façon de les remplir soit précisée par une notice d'explication. Il a ensuite indiqué que pour l'organisation des deuxièmes rencontres parlementaires sur les vaccins, consacrées à la pandémie, l'ensemble des industriels impliqués dans la grippe ont été sollicités.
a dit qu'il avait lui-même été invité à participer à cette manifestation, mais qu'il avait décliné cette invitation, en raison du fait qu'elle était « sponsorisée » par les fabricants de vaccins. Il aurait souhaité savoir si chacun des intervenants avait respecté son obligation de déclarer ses liens éventuels avec l'industrie.
a précisé que le dernier colloque CEMI, organisé au mois de mai 2010, n'a, quant à lui, bénéficié d'aucun soutien de la part de l'industrie pharmaceutique. Ce colloque, « L'eau et les maladies infectieuses, enjeux du 21ème siècle », a fait intervenir des anthropologues afin de mieux saisir le comportement des individus dans le cadre de la mise en place de programmes de prévention, sujet qui n'est pas sans lien avec celui des difficultés rencontrées lors de la campagne de vaccination contre la grippe A.
a indiqué avoir également participé, depuis 2004, à différents groupes de travail sur la grippe constitués par le ministère de la santé, ainsi qu'à l'organisation de formations dans le cadre du plan de lutte « pandémie grippale », en collaboration avec l'AP-HP et le ministère de la santé.
Selon lui, l'échec de la campagne de vaccination est la principale leçon à tirer de la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1)v.
Il a ensuite précisé la nature et le rôle du CLCG, mis en cause aujourd'hui.
Le comité est rattaché au ministère de la santé et n'est qu'un des nombreux acteurs concernés par la mise en oeuvre du plan « pandémie grippale », celui-ci étant géré de façon interministérielle. Sa création répondait au souci de l'OMS que tous les Etats membres se dotent d'un groupe d'experts national, ce qui a été fait en 1995, l'existence du CLCG ayant ensuite été officialisée par décret en 2008.
Le CLCG n'est pas un comité décisionnel. Le travail du comité technique des vaccinations (CTV) est effectué en partenariat avec le CLCG. Les avis du HCSP étaient dans un premier temps discutés par le CLCG, puis formalisés et votés par le CTV et validés par la commission « maladies transmissibles » du HCSP.
Le CLCG n'a participé qu'aux aspects médicaux du plan et n'a eu pour rôle que de donner des avis techniques médicaux et scientifiques, à l'exclusion de tout aspect économique, logistique et de communication. Ni les décisions, ni l'application des avis qu'il donnait n'étaient du ressort du CLCG.
Ce comité est multidisciplinaire : il rassemble des virologues, des épidémiologistes, des immunologistes, des pédiatres, des infectiologues, des médecins généralistes, des membres de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), des membres du comité technique des vaccinations (CTV), et comprend donc un certain nombre de cliniciens.
Il a émis des recommandations, sur saisine du ministère de la santé, à partir des données internationales disponibles. Ces avis, pris collectivement, étaient ensuite transmis aux autorités de tutelle. Il était précisé à chaque fois qu'ils étaient valables le jour de leur mise à disposition et susceptibles d'évoluer à tout moment en fonction de l'évolution de la pandémie.
Le CLCG n'était pas un comité des vaccinations, et il a travaillé principalement sur trois sujets : les mesures barrières, les traitements antiviraux et les vaccins.
a souligné que, comme cela a déjà été dit devant la commission d'enquête, un certain délai a pu s'écouler entre les avis et la prise des décisions, fondées sur ces avis, ce qui a pu conduire à certaines incompréhensions. Il a également regretté le manque de retour d'information sur les décisions prises à la suite des avis du comité.
Abordant ensuite l'action du CLCG pendant le déroulement de la pandémie, M. Olivier Patey a rappelé que c'était la première fois que l'on vivait une pandémie en temps réel, avec ses incertitudes et la nécessité d'adapter au jour le jour les stratégies de lutte.
La situation au début du mois de mai était encore confuse et les données disponibles parcellaires. On savait que l'on avait affaire à un virus de type H1N1, mais dont la composition génétique était une recombinaison inconnue à ce jour.
Pouvait-on par ailleurs parler d'un virus responsable de « grippettes », alors que des cas sévères nécessitaient la mise en place de techniques de réanimation particulièrement sophistiquées pour tenter de sauver des patients souvent jeunes ? Le virus a en effet aussi eu cette spécificité de toucher des patients jeunes ne présentant pas de facteurs de risques (20 % environ). Or les formes graves des grippes saisonnières concernent plutôt les sujets âgés. Dans le cas de la grippe A(H1N1)v, les personnes âgées, bien que semblant moins sensibles au virus pandémique, ont représenté près de 10 % des formes graves nécessitant une hospitalisation en réanimation.
a ajouté que certaines études expérimentales montraient que le virus A(H1N1)v atteignait l'arbre respiratoire inférieur, ce qui pouvait expliquer la gravité des formes pulmonaires observées chez certains patients. C'était la première fois que des atteintes respiratoires aussi sévères étaient observées au cours d'infections grippales.
Par ailleurs, certaines résistances à l'oseltamivir pouvaient également être craintes.
C'est donc dans ce contexte qu'il a fallu faire évoluer les propositions vaccinales du CLCG qui, a-t-il souligné, sont à distinguer des décisions politiques qui font intervenir bien d'autres éléments, notamment sociétaux et économiques.
notant que le CLCG, dans un avis rendu le 12 mai 2009, sur saisine de la DGS, avait recommandé que le vaccin puisse être mis à la disposition de l'ensemble de la population, a demandé confirmation du fait que le comité avait bien proposé de recourir à une vaccination de masse.
a précisé que le CLCG n'émettait que des avis et que la décision politique finale ne relevait pas de sa compétence.
a ajouté que le CLCG a été contraint de répondre très rapidement à cette saisine, en date du 8 mai, sur la base d'informations très parcellaires. Le CLCG s'est ainsi appuyé sur les conclusions rendues au mois de décembre 2008 sur le virus H5N1, ainsi que sur l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE).
s'est interrogé sur le fait que le CLCG, appelé à rendre un avis scientifique et technique, se soit fondé sur l'avis du CCNE qui, de plus, concernait une éventuelle pandémie de virus H5N1 et non la grippe H1N1.
a répondu que le modèle développé pour le virus H5N1 avait été retenu pour les décisions concernant le H1N1 en raison de l'absence d'éléments permettant de caractériser précisément le nouveau virus.
s'est ensuite interrogé sur le fonctionnement du CLCG qui, contrairement à la commission spécialisée « maladies transmissibles » du HCSP et au comité technique des vaccinations (CTV), n'a semblé procéder à aucun vote sur ses avis ni exclure de la participation à certains débats ceux de ses membres qui pouvaient avoir des conflits d'intérêt. Il a regretté que les avis du CLCG n'aient pas été publiés, contrairement à ceux du HCSP.
a indiqué qu'elle avait transmis sa déclaration publique d'intérêt à la DGS et n'avait reçu aucune instruction particulière quant à la manière dont le CLCG devait conduire ses débats et adopter ses avis.
a relevé que la couverture vaccinale préconisée par le CLCG concernait la population de six à soixante-cinq ans et excluait donc les personnes plus âgées dont les données observationnelles disponibles tendaient à montrer qu'elles étaient partiellement protégées contre le virus. Il est important de se replacer dans le contexte de l'époque marqué par l'évolution rapide des informations relayées, pour l'épidémiologie, par l'InVS et, pour l'évolution du virus, par les réseaux de virologues. Les personnes de moins de soixante-cinq ans étaient en effet plus susceptibles de contracter la grippe et de développer des formes graves pouvant aboutir à la mort. Il a par ailleurs relevé que, même si les données sont encore incomplètes, il ne semble pas que les personnes vaccinées aient développé des formes graves de la maladie.
a demandé à partir de quelle date les premières personnes vaccinées étaient susceptibles d'être protégées.
a rappelé qu'après la vaccination, une quinzaine de jours au moins sont nécessaires pour que la protection clinique soit effective et qu'aucune personne vaccinée n'avait développé de forme grave de la grippe.
a fait état des données de l'InVS selon lesquelles 18 personnes vaccinées figuraient parmi les quelque 1 350 cas graves recensés.
a observé que ces données demandaient des études complémentaires car il est possible que des personnes aient été infectées par le virus avant que la vaccination ait pu produire ses effets.
a estimé que la vaccination n'avait pas été en mesure de remplir son rôle de protection contre le virus.
a souligné que les vaccins étaient arrivés tardivement et que la mise en place de la vaccination, tant pour les professionnels de santé que pour la population générale, avait été plus difficile que prévu. Ainsi par exemple, l'envoi des convocations avait été imparfait et les hôpitaux avaient eux-mêmes convoqué, pour les vacciner, certaines personnes à risque, comme les patients atteints du VIH.
Il ne faut pas non plus minimiser le poids de la désinformation propagée au sein de l'opinion publique et qui tendait à remettre en cause l'efficacité et l'innocuité des vaccins. Ceci a certainement empêché la France d'atteindre un taux de vaccination plus élevé de la population, à l'instar d'autres pays.
s'est demandé si la perception qu'ils pouvaient avoir de la réalité du risque n'avait pas aussi dissuadé les Français de se faire vacciner. Il a également noté que dans certains pays, la population n'avait pas été vaccinée du tout et que cela ne semblait pas avoir eu de conséquences notables sur l'impact de la grippe.
a estimé que la vaccination avait commencé tardivement et en fin d'évolution du pic pandémique.
a demandé si cette vaccination tardive était assimilable à l'absence totale de vaccination.
a considéré qu'il y avait eu un phénomène cumulatif, la vaccination ayant débuté tardivement et peu de gens s'étant ensuite fait vacciner, en partie en raison du discours antivaccin tenu par certains, en particulier sur le risque allégué de syndrome de Guillain-Barré, ajoutant que les données actuellement disponibles montrent que ces craintes étaient infondées.
a jugé que la perception du risque sanitaire au sein de la population avait été en fait meilleure que celle du Gouvernement, des médias et des experts, et souligné qu'il conviendrait à l'avenir de mieux évaluer les risques avant de préconiser le recours à une vaccination universelle.
a observé qu'on ne pouvait établir de comparaison épidémiologique qu'entre la France et des pays ayant des capacités de prise en charge et de veille sanitaire comparables.
a souhaité savoir si les tests conduits sur les animaux pour l'étude du virus l'avaient été au sein de l'INSERM ou de laboratoires spécialisés en santé animale.
a indiqué s'être référé sur ce point à une étude parue au début de la pandémie dont il communiquerait les références.
a souhaité savoir quelle avait été la méthode de remontée statistique des cas graves et atypiques de grippe souvent cités devant la commission d'enquête.
a expliqué que l'InVS a modifié sa méthodologie de surveillance des cas de grippe au cours du temps, ce qui a suscité des interrogations au sein de la population. Il est en effet impossible, quand le nombre de cas de grippe devient trop important, de continuer à faire un relevé individuel, car tous les cas ne sont plus traités à l'hôpital ; on est alors passé à une observation de type populationnel au travers des réseaux GROG et Sentinelle qui s'appuient sur des médecins de ville. Les hôpitaux ont cependant continué à transmettre à leur tutelle, et à travers elle à l'InVS, les cas de grippe puis uniquement les cas graves, et ce au jour le jour.
a demandé confirmation du fait que le nombre de cas graves était décompté chaque jour dans tous les établissements.
l'a confirmé, précisant qu'au sein de l'AP-HP des questionnaires permettant de recenser les cas graves étaient remplis chaque jour pendant la pandémie.
a demandé si les femmes enceintes qui avaient été vaccinées devraient l'être à nouveau et si les enfants dont la mère s'était fait vacciner seraient suivis.
a indiqué que des études sur les enfants dont la mère avait été vaccinée pendant sa grossesse étaient prévues par l'AFSSAPS et par l'Institut des maladies infectieuses de l'INSERM.
En ce qui concerne la nécessité d'une nouvelle vaccination, il faut mener des études sur la décroissance des anticorps avant de pouvoir se prononcer. Il semble déjà que la décroissance soit plus faible pour les personnes ayant été vaccinées avec un vaccin adjuvanté. Il est proposé de conduire des études sérologiques sur les populations affectées par le virus et de revacciner les populations à risque. Des recommandations du HCSP en ce sens ont été émises fin avril 2010.
a demandé si les avis du CLCG avaient été influencés par les décisions prises par l'Organisation mondiale de la santé et s'il y avait eu des pressions quelconques des laboratoires. Il a relevé le nombre de cas graves au sein de la population âgée de dix à vingt-cinq ans, qui a rendu nécessaire l'achat en urgence d'appareils de réanimation pour les unités pédiatriques. Il a aussi voulu savoir quelle proportion de la population doit être vaccinée pour obtenir un effet barrière contre un virus.
a affirmé qu'aucune pression n'avait été exercée sur le CLCG. S'agissant de la vaccination, le comité avait proposé plusieurs scénarios en fixant des priorités de vaccination prenant en compte la date d'arrivée des vaccins. La modélisation menée sur le virus H5N1 avait montré que la vaccination des enfants pouvait entraîner une réduction très importante de la circulation des virus.
a noté que les laboratoires pharmaceutiques n'avaient aucun besoin d'exercer des pressions sur le CLCG dès lors que celui-ci avait préconisé de vacciner l'intégralité de la population et même de vacciner les personnes deux fois.
a rappelé que les personnes âgées n'étaient pas incluses dans les recommandations de vaccination du CLCG, et que la vaccination à deux doses demeure indiquée pour certaines catégories, notamment pour les enfants. La recommandation de passage à une dose a été émise dès lors que les données immunologiques permettant de le faire ont été disponibles.
Il a ensuite estimé que, concernant l'effet barrière, sur lequel l'avait interrogé M. Gilbert Barbier, la réponse était variable en fonction de l'efficacité vaccinale sur les plans immunologique et clinique. Il est certain que le vaccin grippal n'est pas aussi efficace que d'autres vaccins, comme celui contre la poliomyélite ou le tétanos par exemple.
a relevé à cet égard qu'il est nécessaire de se faire vacciner contre la grippe chaque année.
a insisté sur la différence qui existe entre la vaccination au long cours contre un virus grippal devenu saisonnier et la vaccination contre un virus pandémique dont l'épidémiologie était distincte puisqu'il s'attaquait aux sujets jeunes.
a noté le manque de statistiques fiables permettant d'apprécier l'impact des grippes saisonnières.
a souligné que l'InVS dispose de moyens de surveillance des syndromes grippaux et de leur évolution. Ainsi, en septembre 2009, on a pu établir que les pathologies recensées étaient majoritairement des pseudo-grippes et comptaient peu d'infections par le virus H1N1. Quand le taux d'infections grippales a augmenté, il a été possible de préconiser la prise en charge systématique des personnes présentant des symptômes grippaux par un traitement antiviral. En effet, la probabilité qu'il s'agisse d'une grippe était suffisamment forte pour minimiser le risque d'erreur de diagnostic.
a rappelé qu'il n'avait pas été répondu à la question sur la proportion de la population à vacciner pour obtenir un « effet barrière ».
s'est dit incapable de répondre à cette question, n'étant pas épidémiologiste.
a jugé que, pour le CLCG, l'effet barrière ne semblait pouvoir être atteint qu'avec une vaccination de l'intégralité de la population, ce qui pose un problème de faisabilité.
a noté que l'apport des sciences humaines, comme l'anthropologie et la sociologie, ainsi que la dimension financière des décisions prises, n'avaient pas suffisamment été pris en compte et avaient provoqué des réactions irrationnelles de la population conduisant à l'échec de la campagne de vaccination. Il est important d'analyser ces éléments et de ne pas se concentrer exclusivement sur le problème de la commande de vaccins.
La commission d'enquête a ensuite entendu M. Christian Perronne, président de la commission spécialisée maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique.
Après avoir indiqué qu'il n'avait pas de lien d'intérêt, en dehors d'invitations à des congrès qu'il avait déclarées, M. Christian Perronne s'est félicité que les travaux de la commission d'enquête soient l'occasion d'un « retour d'expérience » sur la pandémie grippale. Il a rappelé qu'il était professeur en maladies infectieuses, qu'il avait siégé depuis 1997 au Conseil supérieur d'hygiène publique (CSHP) où il avait pris en 2001 la présidence de la section maladies transmissibles. Il était alors également en charge du comité technique des vaccinations (CTV). Après la création du Haut Conseil de la santé publique, il a été élu en 2007 président de sa commission spécialisée maladies transmissibles et a alors démissionné de la présidence du CTV. Avant la pandémie, il avait donc eu à connaître de différents problèmes aigus - bioterrorisme, épidémies de méningite et de SRAS - touchant aux maladies infectieuses ou concernant la politique vaccinale.
Il a souligné que les problèmes de conflits d'intérêt étaient également depuis longtemps pris en compte dans le cadre du CHSP, puis du HCSP et de leurs commissions ainsi que du CTV. Il a notamment rappelé qu'avec d'autres il avait travaillé sur ces questions à l'époque du CHSP, notamment en étudiant les solutions retenues en ce domaine par l'instance britannique homologue. Cela a conduit, par exemple, à systématiser les déclarations périodiques d'intérêt. M. Christian Perronne a précisé qu'au début de chaque séance du Conseil supérieur d'hygiène publique, comme du Haut Conseil à présent, les membres étaient invités à signaler leurs éventuels conflits d'intérêt sur les sujets inscrits à l'ordre du jour. En s'inspirant de la grille de l'AFSSAPS, une distinction est faite entre les conflits majeurs et les conflits mineurs, les premiers justifiant une abstention lors de la délibération finale et du vote.
En outre, il avait voulu que le comité des vaccinations ne comprenne pas uniquement des pédiatres mais s'ouvre à des sociologues, des juristes, des économistes de la santé, des généralistes, des sages-femmes. Ceux qui voudraient dissimuler des conflits d'intérêt seraient donc, en tout état de cause, minoritaires. L'organisation « en étages » du HCSP, de ses commissions spécialisées et du CTV va dans le même sens.
On ne peut d'ailleurs reprocher à ces structures d'avoir fait preuve d'une quelconque souplesse vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique, au contraire : elles ont été plus circonspectes, quand il s'est agi de recommander certains vaccins, tels le vaccin contre le pneumocoque des nourrissons ou les vaccins contre le zona, la varicelle ou le rotavirus, que l'agence européenne du médicament ou l'administration américaine. Ainsi, le CTV n'a pas la réputation d'être très perméable aux voeux des industries.
Il a douté de l'existence d'un complot de l'industrie à propos de la pandémie grippale : les industriels sont plus intéressés par les vaccins pérennes, vendus en grandes quantités pendant dix ou quinze ans, que par un vaccin destiné à faire face à une crise ponctuelle - situation difficile à gérer aussi au sein des laboratoires. Les industriels sont des gens sérieux, et produisent des vaccins de bonne qualité. Cependant, les firmes n'ont pas une vocation philanthropique, c'est pourquoi elles avaient demandé des subventions de production car leur fonctionnement habituel était bouleversé ; elles avaient aussi exercé des pressions pour modifier les cibles de la recommandation vaccinale saisonnière afin d'augmenter leurs capacités de production. Ainsi, elles avaient souhaité abaisser de 65 à 55 ans l'âge des cibles prioritaires et elles avaient officiellement demandé que tous les enfants soient vaccinés : cette extension n'avait pas paru justifiée et avait fait l'objet d'un avis défavorable.
a précisé que le HCSP avait en effet entériné, en l'occurrence, l'avis du CTV. Il a aussi rappelé que cette instance avait été en « désaccord amical » avec le Sénat qui avait souhaité rendre obligatoire en 2006 la vaccination contre la grippe saisonnière de tous les professionnels exerçant en établissement de santé. Cette solution pouvait être recommandée en cas de pandémie sévère. Sinon, il ne paraissait pas utile de vacciner tous les ans des milliers de personnes, y compris les personnels techniques et administratifs des hôpitaux. Le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, avait admis ces arguments et avait suspendu par voie réglementaire l'application du texte adopté à l'initiative du Sénat.
Revenant à la pandémie grippale, M. Christian Perronne a rappelé que toutes les maladies infectieuses sont imprévisibles, et plus encore la grippe. La pandémie de 1918 fut très sévère. D'autres le furent moins au cours du XXe siècle et pourraient passer pour des « pandémiettes ». Un virus paraît souvent « gentil » au départ, mais il peut aussi muter et aucun expert au monde ne peut prédire son évolution.
L'évolution de la grippe A(H1N1)v était particulièrement incertaine à ses débuts. On avait peu de données ; les estimations de mortalité variaient de un pour dix mille à un pour cent. En effet, le nombre de morts était à peu près connu, mais pas le nombre de cas. Autrement dit, le dénominateur était incertain, alors qu'il est capital pour évaluer la mortalité. En juillet, l'OMS se refusait à exclure une fourchette supérieure de mortalité de 1 %. Pour un pays de plus de 60 millions d'habitants comme le nôtre, cela aurait fait beaucoup de monde.
Fin août, début septembre, on a pu disposer du retour de l'hémisphère sud et être en partie rassuré. La mortalité apparaissait proche de celle observée pour la grippe saisonnière. Mais le caractère pandémique était confirmé et le virus tuait des jeunes. Les données virologiques montraient un comportement inhabituel du virus. Il fallait donc rester en alerte. L'Australie et l'Argentine avaient connu des périodes très difficiles, avec des cas très graves, des services de réanimation saturés, des actes de chirurgie déprogrammés pour gérer l'affluence des malades de la grippe A... Heureusement cette situation n'a pas duré trop longtemps. On a compté 200 décès en Australie, pour environ 20 millions d'habitants. M. Christian Perronne a noté que sur la base de ce chiffre, il lui avait semblé raisonnable de s'attendre à au moins 600 morts en France, peut-être 800 car dans l'hémisphère nord l'hiver est plus froid, plus long. En fait, il y a eu finalement un peu plus de 300 décès. Il a souligné que, quand le HCSP avait été saisi, il avait insisté sur la nécessité de vacciner d'abord les populations prioritaire. On lui a demandé une grille de priorités qui a été affinée grâce aux données parvenues du Canada et de l'hémisphère sud.
Puis il a fallu se prononcer sur l'éventualité d'une vaccination générale de la population. La question est plus du ressort des politiques que de celui des experts : la réponse dépend de ce qu'un pays peut dépenser, de la marge de risque que peut accepter la société...C'est donc une question qui dépasse l'expertise scientifique Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait estimé que tout Français devait avoir accès à la vaccination s'il le souhaitait. La directrice générale de l'OMS, le Dr Margaret Chan, insistait sur l'équité nord-sud : les pays du nord devaient donner une partie de leur production aux pays pauvres. La solidarité poussait les pays riches à produire plus. De telles considérations ne sont pas non plus du ressort des infectiologues.
a demandé si M. Christian Perronne voulait dire que la décision de vacciner l'ensemble de la population ne reposait pas sur des données scientifiques.
a rappelé que l'on ne savait pas comment allaient évoluer les choses. Lors des trois grandes pandémies du XXe siècle, la deuxième vague a été la plus sévère, ce que l'on n'a alors pu apprécier qu'a posteriori. La nouveauté de la situation, c'est que pour la grippe H1N1, on se fondait sur l'information disponible en temps réel. Quand le ministère a envisagé la vaccination de tous les Français, les experts pouvaient être en phase avec cette position.
a voulu savoir si on avait demandé au HCSP de se prononcer sur le nombre de vaccins à acheter et si l'on ne pouvait pas s'interroger sur la faisabilité de la vaccination de l'ensemble de la population, surtout selon un schéma de vaccination à deux injections.
Confirmant n'avoir pas été consulté sur les quantités à commander, M. Christian Perronne est convenu que la faisabilité de cette vaccination pouvait être un problème. Mais toutes les études, réalisées dans la perspective d'une pandémie H5N1, penchaient pour l'hypothèse d'une vaccination à deux doses.
a souligné qu'aux yeux du profane, le H1N1 paraissait plus proche d'autres H1N1 que du H5N1. Ne fallait-il donc pas plutôt se référer aux autres vaccins contre le H1N1 pour estimer le nombre de doses qui seraient nécessaires ?
a observé que dès que l'on a su qu'une dose suffisait, une recommandation du HCSP a été émise en ce sens, avant que l'Agence européenne n'ait encore modifié son avis, qu'attendait l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
a regretté que l'on ne se soit pas référé à l'expérience des autres virus H1N1, notant que si l'on avait été moins préparé à l'éventualité d'une pandémie H5N1, on aurait peut-être eu, finalement, de meilleurs réflexes.
a ensuite évoqué la question des « délires antivaccinaux » sur internet, qui étaient incontrôlables et ingérables sur le plan médiatique. Certains affirmaient que le vaccin contenait un poison, alors que les adjuvants étaient des substances lipidiques anodines. Des e-mails ont été adressés aux syndicats d'infirmiers pour les avertir que les professionnels serviraient de cobayes pour un vaccin insuffisamment étudié. Il a relevé que, dans son service, tous les médecins étaient vaccinés, mais seulement une minorité des infirmières. On a même parlé du syndrome de Guillain-Barré. Cependant, cet extrémisme antivaccinal a finalement été contreproductif et la confiance des Français dans les vaccins ne semble pas entamée. C'est heureux, car les réticences à l'égard des vaccins peuvent être parfois justifiées mais la vaccination reste tout de même, historiquement, l'une des actions de santé publique les plus efficaces.
Il a souligné que la pédagogie et les mesures d'hygiène ont joué un rôle significatif, au point qu'il y a eu cette année moins de cas de grippe saisonnière. En Ukraine, au début de l'épidémie, on a déploré le décès de nombreux médecins et infirmiers, faute de Tamiflu mais aussi faute d'hygiène. C'est la première fois que les recommandations ont aussi fortement porté sur les mesures de prévention.
Il a estimé que le Tamiflu, dont on a dit qu'il ne servait à rien, est utile s'il est administré sous 48 heures après l'apparition des symptômes. Mais on ne dispose pas pour la grippe de test de diagnostic rapide, ce qui explique la réticence à prescrire habituellement du Tamiflu. Il a rappelé les conditions dans lesquelles son usage avait été recommandé : au début de la pandémie, on a freiné l'utilisation de ce médicament car il ne fallait pas le prescrire n'importe comment et épuiser le stock pour soigner des rhumes. Mais lorsque le pic de l'épidémie a été atteint, fin novembre, le Tamiflu a été recommandé pour tous les cas de fièvre ou de toux. Ce n'était pas un revirement : au moment du pic, neuf patients sur dix présentant ces symptômes étaient bien atteints par la grippe A. Pour l'usage prophylactique, on a été très prudent, à la différence des Anglais, afin de ne pas favoriser l'apparition de résistance du virus. Il fallait réserver l'usage préventif aux personnes à risques.
a observé que les messages adressés aux généralistes n'étaient pas toujours très clairs et qu'ils ne les avaient pas toujours bien compris.
a remarqué que dès que l'on a parlé de morts à la télévision, il y eu la queue devant les centres de vaccination ; le flux s'est tari lorsque le pic est passé. Il a noté que les généralistes avaient bien pris en charge les patients, et que les hôpitaux étaient bien préparés. Cependant, les réanimateurs ont vu affluer 2 500 patients, ils n'avaient jamais vu autant de formes graves de virus, ils étaient impressionnés. Ils ont eu à traiter des encéphalites chez des enfants, des destructions de tissu pulmonaire chez des jeunes gens, qui laisseront des séquelles. Et au Congrès des maladies infectieuses qui s'est tenu en décembre dernier, tout le monde était inquiet.
Puis le soufflé est retombé de façon un peu surprenante. On s'est aperçu que nombre de ceux qui étaient touchés par le H1N1 disposaient manifestement d'anticorps, ils étaient protégés. On a observé une chute du virus, imprévisible auparavant.
On ignore pourquoi la France a compté, en proportion, trois fois moins de morts que l'Australie, et 300 décès contre 10 137 aux Etats-Unis. Il y aurait une étude comparative à faire sur le recueil des données épidémiologiques.
a indiqué que lors d'une réunion récente à l'OMS il avait eu communication du retour au niveau mondial. La mortalité des 15-24 ans a été supérieure à ce qu'elle fut en 1968 et trois fois plus élevée que pour la grippe saisonnière, seulement un quart des jeunes touchés étaient des personnes à risque. Il a conclu en rappelant que les maladies infectieuses, la grippe surtout, sont imprévisibles, et que, comme le disait Dominique Dormont, plus l'incertitude scientifique est grande, plus il faut agir large, en réduisant les précautions au fil des nouvelles connaissances.
a estimé que, cette fois, on n'avait rien réduit, M. Christian Perronne relevant que les experts n'avaient pas chômé et s'étaient efforcés de faire de leur mieux.
a noté que les liens d'intérêt des membres de la commission spécialisée du HCSP n'étaient pas indiqués de façon très rigoureuse ni conforme au droit en vigueur. Pour 19 membres, seules 9 déclarations d'intérêt sont publiées. Les 10 autres membres n'ont-ils pas fait de déclaration d'intérêt, ou celles-ci n'ont-elles pas été publiées ?
a répondu que le Haut Conseil de la santé publique était naguère intégré à la Direction générale de la santé. Quand il est devenu indépendant, il n'a plus disposé des mêmes moyens et son secrétariat est très démuni pour faire face à ses tâches. Les aspects purement administratifs ne sont donc sans doute pas gérés de façon optimale. Il a dit n'avoir pas vérifié les diffusions sur internet, mais si un membre n'a pas rempli son formulaire, il doit le faire et le communiquer avant la réunion car, à chaque séance, comme il l'a indiqué, les conflits d'intérêt doivent être déclarés. Les avis mentionnent le nom de ceux qui n'ont pas pris part au vote.
a noté que seulement deux avis sur dix mentionnaient cette information.
a expliqué que ces précisions de procédure figuraient, jusqu'à une période récente, dans le compte rendu interne des réunions. Elles sont désormais diffusées sur Internet en même temps que l'avis.
a relevé que les avis ne mentionnaient pas les causes des conflits d'intérêts.
a dit qu'en effet, la cause du conflit d'intérêts n'était pas précisée par écrit. Mais celui qui a pris part à la conception d'un vaccin ne votera bien sûr pas et le compte rendu signalera qu'il y a conflit sans expliciter. Il a indiqué que la participation à un conseil scientifique pour la préparation d'un congrès ne crée pas de conflit d'intérêts, mais la participation au conseil scientifique d'une manifestation annuelle organisée par l'industrie a pu être considérée comme un conflit majeur, dans la période récente - cette interprétation plus large était due aux circonstances, à la pandémie. Il a ajouté que celui qui se retire au moment de la délibération et du vote a tout de même donné son avis auparavant- qui peut être celui d'un grand expert.
Revenant, à la demande de M. François Autain, président, aux circonstances dans lesquelles avait été prise la décision d'offrir la vaccination à tous ceux qui la souhaiteraient, M. Christian Perronne a rappelé que le HCSP était chargé d'établir les priorités de vaccination, la décision de prévoir une vaccination générale étant plutôt une décision politique et éthique. Le Président Jacques Chirac avait dans le passé déjà indiqué qu'en cas de pandémie le gouvernement ferait tout pour donner à chaque Français la possibilité d'être vacciné. Il n'appartenait pas au HCSP de se désolidariser de cette volonté politique, donc de la décision d'acheter des vaccins pour toute la population.
a fait remarquer qu'une fois les doses achetées, on pouvait certes estimer qu'il fallait vacciner tout le monde, surtout si l'on ignorait le pourcentage de vaccinations susceptible d'enrayer la pandémie. Mais ne pouvait-on aussi s'interroger sur la faisabilité d'une politique de vaccination de masse ? En outre, imaginer que 75 % des Français souhaiteraient être vaccinés n'était-il pas irréaliste ?
a rappelé, à propos du dispositif de vaccination, qu'en France, la vaccination est normalement effectuée dans le système libéral, ce qui n'est pas très courant. Mais les généralistes n'étaient pas mobilisés, ils craignaient de manquer de temps pour leurs consultations habituelles, la logistique d'une vaccination dans les cabinets était très compliquée. Si la crise s'était aggravée, l'organisation prévue aurait été adaptée, même si elle apparaît surdimensionnée après-coup.
a noté que les données de l'hémisphère sud disponibles permettaient de lever les incertitudes sur la gravité de la pandémie.
a souligné que l'on observait la saturation des services de réanimation, des décès de personnes jeunes, et que l'on ignorait si le virus allait ou non muter.
a demandé si, en cas de mutation, les vaccins seraient demeurés adaptés.
a estimé que l'on pouvait répondre globalement par l'affirmative, les vaccins adjuvantés pouvant rester efficace en cas de mutation du virus : ce fut le cas pour le H5N1, dont la souche variait. C'est précisément pourquoi il a été décidé de privilégier les vaccins adjuvantés.
a expliqué que les laboratoires américains ne possédaient pas de brevet d'adjuvant et ne voulaient pas dépendre des brevets européens et il a ajouté que, sans adjuvant, on ne pouvait produire suffisamment de vaccins pour vacciner toute la population.
a souhaité avoir le sentiment de M. Christian Perronne sur la définition de la pandémie grippale, donnée par le HCSP : « une forte augmentation au niveau mondial, dans l'espace et le temps, du nombre de cas et de leur gravité du fait de l'apparition d'un nouveau virus grippal de type A doté de caractères phénotypiques inédits, résultant d'une modification génétique majeure et contre lequel la population mondiale n'est pas protégée ».
a fait remarquer qu'il fallait gérer la crise au jour le jour et que les experts soulignaient qu'il ne fallait pas se fier au caractère bénin du virus au début. On avait aussi observé que toutes les catégories de la population étaient frappées par la grippe A, y compris des personnes jeunes en bonne santé. La grande nouveauté a été qu'à partir de la brusque alerte à Mexico, l'on a tout vécu en temps réel : les chiffres diffusés variaient considérablement, mais il y avait consensus au sujet du comportement inhabituel du virus. M. François Autain, président, demandant s'il ne serait pas opportun d'inclure des critères de gravité dans la définition d'une pandémie, M. Christian Perronne a précisé que l'on ne pouvait apprécier vraiment cette gravité qu'a posteriori, ajoutant que l'on pouvait, au début d'une épidémie, minimiser aussi bien qu'exagérer son importance, et que les prévisions en la matière étaient impossibles.
a noté que cela n'empêchait pas les experts de faire des prévisions, faisant référence à un livre publié en 2005 et cosigné par un membre de la commission des maladies transmissibles du HCSP, qui annonçait une pandémie qui ferait 500 000 morts. Il a également cité les prédictions relatives à une deuxième vague de l'épidémie avant le mois de mai, qui ne se sont pas réalisées.
a répondu que les études ont montré que beaucoup de gens disposaient d'anticorps. Ils étaient en quelque sorte déjà vaccinés. Il a donc estimé qu'il y avait peu de risque de grande deuxième vague - sauf si le virus mutait.
Se référant aux pressions exercées sur le CTV pour élargir la cible de vaccination contre la grippe saisonnière, Mme Marie-Christine Blandin a demandé si, pour les futures campagnes de vaccination contre la grippe saisonnière, M. Christian Perronne s'attendait de nouveau à des messages des laboratoires invitant à élargir la cible de cette vaccination ?
a indiqué que les mêmes cibles de populations étaient retenues pour la vaccination saisonnière 2010-2011. Il a par ailleurs précisé que le stock de vaccins pour la grippe H1N1 est encore valide. Les personnes présentant des facteurs de risques spécifiques pourront donc encore se faire vacciner.
a ensuite demandé pourquoi la France n'avait pas renoncé à administrer deux doses de vaccin avant la recommandation de l'agence européenne. Pourquoi ne pas avoir suivi le CDC d'Atlanta, qui avait constaté dès le 15 septembre 2009 l'inutilité d'une double vaccination ?
a indiqué qu'il avait paru nécessaire que cette constatation soit confirmée pour les différents vaccins.
a enfin relevé que M. Christian Perronne avait qualifié de « délires » certains arguments utilisés contre les adjuvants ou conservateurs des vaccins. Peut-on appliquer ce terme au Thiomersal, alors que le site de l'AFSSAPS avait à une certaine époque recommandé l'éradication complète de ce produit dans les vaccins ?
a rappelé que le Thiomersal, qui contient effectivement des traces de mercure, a été utilisé pendant des décennies pour stabiliser les vaccins. Des milliards d'êtres humains ont été vaccinés avec des vaccins contenant ce produit sans devenir autistes et sans qu'on ait rapporté d'effets délétères. Depuis une quinzaine d'années, les techniques de purification s'étant améliorées, on peut se passer de conservateurs et c'est une bonne chose pour l'environnement. Cependant, il s'est avéré nécessaire d'utiliser un conservateur pour les vaccins antigrippe A distribués en multidoses, et c'est pour cela que l'on a utilisé le Thiomersal, pour des raisons pragmatiques, sachant par ailleurs que son innocuité a été démontrée.
La commission d'enquête a enfin entendu M. Jean-François Delfraissy, directeur de l'Institut de microbiologie et des maladies infectieuses à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).
a tout d'abord rappelé qu'avant d'être chargé de la mission d'organiser la recherche sur la grippe H1N1, il n'était nullement spécialiste de la grippe, ses travaux portant sur le VIH. Il a déclaré que, depuis cinq ans qu'il dirige l'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), il a renoncé à toute mission d'expertise ou de conseil auprès de laboratoires pharmaceutiques nationaux. Il a cependant dit avoir maintenu des liens avec des laboratoires internationaux, ce qui lui paraît utile dans l'exercice de son métier de chercheur, et entretient actuellement des liens avec trois laboratoires : Merck, Gilead et Tibotec.
Il a précisé, en réponse à une question de M. François Autain, président, qu'il avait aussi été membre du conseil scientifique de la Fondation GSK ainsi, du reste, que de celui de la Fondation Roche, mais que ces activités n'entraînaient aucun lien, en particulier financier, avec l'industrie pharmaceutique, n'ayant trait qu'aux activités de fondations.
a ensuite exposé qu'au début du moins de mai 2009, le Gouvernement avait confié à l'Institut de microbiologie et des maladies infectieuses (IMMI) la mission d'organiser la recherche sur la pandémie H1N1. Il a rappelé qu'il n'était pas un spécialiste de la grippe, mais qu'il avait une longue expérience de la recherche sur les maladies infectieuses et que c'est, semble-t-il, comme organisateur de recherche qu'il avait été chargé de cette tâche, qui lui a permis d'apprendre beaucoup sur la grippe.
L'organisation de la recherche sur la pandémie H1N1 a dû se faire dans l'urgence et cette expérience est riche d'enseignement de méthode sur la recherche dans l'urgence en général, ainsi que sur la façon dont on pourra, à l'avenir, construire la recherche sur une autre maladie émergente.
Ainsi, il a fallu à la fois construire et animer une recherche, mais aussi trouver les financements nécessaires. Il a fallu simultanément lancer des projets ambitieux, allant des sciences humaines à la virologie, mettre en place des équipes, définir les protocoles, animer des tables rondes et multiplier les démarches pour le financement auprès des ministères, de la Direction générale de la santé, des structures d'Etat et éventuellement des laboratoires pharmaceutiques, qui ont participé à ce financement.
Dans d'autres Etats Européens, a observé M. Jean-François Delfraissy, on a procédé différemment et des moyens ont été alloués d'emblée aux programmes d'urgence, par exemple en Allemagne ou en Grande-Bretagne. En France, on a dû lancer des projets en espérant que le financement suive, ce qui n'est pas ce que l'on peut faire de mieux en matière d'organisation.
Des projets de recherche ont été menés sur différents aspects.
Sur les aspects cliniques, en particulier, des essais de vaccination sur les populations les plus fragiles, comme les transplantés rénaux, les cancéreux, les immunodéficitaires, ont été lancés. Au total, ces études cliniques ont concerné 11 00 personnes, ce qui est très important. En immunologie, les projets portaient sur la recherche des marqueurs virologiques, immunologiques et génétiques, sur la compréhension des formes graves, comme on le fait pour la tuberculose : pourquoi des personnes en bonne santé développent-elles, en 48 heures seulement, des formes graves, voire fatales, alors que le virus est plutôt bien supporté par d'autres ? En virologie, des projets sur la recombinaison de virus ont été menés avec le laboratoire P4 de Lyon.
Enfin, ont également été lancés des projets transversaux, en sciences sociales, qui ont représenté 15 % du total, avec l'équipe du professeur Jean-Paul Moatti, de l'INSERM de Marseille : ils portaient notamment sur la vaccination, sur la position des médecins généralistes, autant d'études qui dépassent, par leurs enseignements, l'épisode de la pandémie H1N1.
Ce programme a été construit dans l'urgence, entre mai et septembre 2009. Après avoir observé la pandémie entre octobre et décembre et constaté qu'elle n'était pas aussi grave qu'attendue, il a été « déconstruit » à partir de janvier, M. Jean-François Delfraissy a remarqué que c'était la première fois qu'il suivait une telle démarche.
Au total, 12 millions d'euros ont pu être mobilisés pour financer ces recherches, venus du ministère de la recherche, de l'INSERM, du ministère de la santé, de l'ANRS, mais aussi des laboratoires pharmaceutiques - dont la participation, cependant, ne dépasse pas quelques centaines de milliers d'euros.
rappelant que le débat sur l'indépendance de la recherche est très ancien, a précisé que, dès le mois de juin, il avait demandé à tous les participants à ce programme de déclarer leurs liens éventuels avec l'industrie pharmaceutique.
Il a ensuite souhaité, rétrospectivement, exprimer deux regrets. D'abord, celui de s'être trompé, non pas sur la gravité de la maladie mais sur l'importance de la désorganisation sociétale qui aurait pu en résulter, à l'exemple de ce que l'on a observé à Buenos-Aires ou à Mexico, et qu'il avait surestimée. Ensuite, il est regrettable de n'avoir pas trouvé les moyens d'associer la société civile aux démarches suivies, comme le fait couramment l'ANRS. Dans la lutte contre le sida, les patients sont représentés à tous les niveaux de la décision publique. Mais pour la grippe, qui pouvait représenter les patients à venir ? Ce point a été débattu, notamment pour les femmes enceintes, sans trouver de solution.
a interrogé M. Jean-François Delfraissy sur sa définition de la pandémie.
a cité celle donnée par l'OMS, qui associe l'apparition d'un nouveau virus et une extension géographique, sans prendre en compte la gravité. Il a précisé, à la demande de M. François Autain, président, qu'il pensait que la gravité, si elle n'entre pas dans la définition de l'OMS, est évidemment un facteur qui compte. Cependant, l'évaluation de la gravité est difficile, comme le montre l'exemple du virus H5N1, virus très virulent et grave, mais qui a n'a touché que peu de monde.
a fait remarquer que si le facteur de gravité avait été pris en compte pour H1N1, la situation aurait été bien différente et qu'on ne se serait pas mobilisé comme s'il s'était agi de la pandémie H5N1 à laquelle on s'était préparé.
a estimé que cette observation était aujourd'hui justifiée mais qu'il était difficile de la faire en mai 2009, car on ne mesurait pas alors la gravité de la pandémie H1N1 à venir. Ce n'est qu'à la mi-juillet que les premiers éléments de gravité ont été connus, à partir de cas aux Etats-Unis et au Mexique, à telle enseigne que, dans les premiers projets de recherche, les formes graves n'apparaissaient pas. En fait, à partir de l'été, on était confronté à une pandémie au sens de l'OMS, dont on savait qu'elle pouvait comporter des formes graves : le débat a porté alors sur la proportion de ces formes graves.
a estimé que si le facteur de gravité avait été pris en compte, l'alerte de niveau 6 n'aurait sans doute pas pu être déclarée.
est convenu que c'était un vrai débat : on sait désormais que la définition de l'OMS ne suffit pas et qu'il faut y ajouter des éléments médicaux.
Notant au passage que l'on était toujours, pour l'OMS, au niveau 6, M. François Autain, président, a demandé si l'on pouvait considérer que la souche H1N1 était réellement nouvelle dès lors que la population de plus de 60 ans était partiellement immunisée et que ce virus était déjà actif lors de la grippe espagnole et dans l'épidémie américaine de 1976. Il a rappelé à cet égard que, selon le Haut conseil de la santé publique (HCSP), « une pandémie grippale correspond à une forte augmentation au niveau mondial, dans l'espace et le temps, du nombre de cas et de leur gravité du fait de l'apparition d'un nouveau virus grippal de type A doté de caractères phénotypiques inédits résultant d'une modification génétique majeure et contre lequel la population mondiale n'est pas protégée ». Mais, en l'occurrence, le virus n'était pas nouveau et une partie de la population était déjà protégée...
a rappelé deux aspects des mutations des virus de la grippe : il y a, d'une part, les mutations habituelles, partiellement prévisibles et, d'autre part, des phénomènes de cassure, imprévisibles, qui peuvent se traduire par l'apparition de nouveaux variants. L'histoire de la grippe montre aussi qu'il y a à la fois de nouvelles souches et des anciennes qui peuvent circuler à nouveau en mutant légèrement. Chaque saison, il y aura un virus dominant, mais d'autres peuvent circuler.
Les souches de la grippe espagnole et de l'épidémie américaine de 1976 sont proches de celle qui a causé la pandémie que nous venons de connaître, mais sans être identiques. On peut donc dire que le virus n'était pas complètement nouveau, mais cela ne veut pas dire que nous le connaissions complètement.
En mai 2009, on s'est reporté à l'histoire et aux facteurs de la grippe espagnole, qui est plus complexe qu'on peut le croire. Par exemple, la dénutrition, due à la Première guerre mondiale, passe pour l'un des facteurs de pénétration et de gravité de la maladie, mais sa diffusion dans l'hémisphère sud oblige à nuancer cette analyse.
a par ailleurs noté que si, comme le relevait M. François Autain, président, le virus H1N1 était plus proche de celui de la grippe espagnole que du virus H5N1, ce rapprochement, à la fin d'avril 2009, n'était guère rassurant : on ne pouvait pas faire référence à la grippe espagnole et présenter l'épidémie à venir comme bénigne.
a néanmoins rappelé que les trois grandes pandémies grippales du XXe siècle ont toutes été produites par des cassures : en 1918-1920 avec H1N1, en 1958 avec H2N2, en 1968 avec H3N2. Pour 2009, il n'y a pas de cassure, mais résurgence d'H1N1 : ce fait est tout de même troublant et il pouvait faire douter de l'ampleur, voire de la réalité de la pandémie. De plus, on pouvait méditer l'exemple de l'épidémie américaine de 1976, « l'épidémie qui n'a pas existé », selon le titre du livre qui lui a été consacré.
a observé qu'il était facile de refaire l'histoire après coup. Il a rappelé qu'il était de ceux qui demandaient à disposer de chiffres pour établir la gravité de l'épidémie, mais que l'inquiétude dominait au printemps 2009, dès lors qu'on savait qu'une souche proche de celle de la grippe espagnole allait se répandre et que l'on a constaté l'apparition de formes graves de la maladie.
a souhaité savoir à partir de quel moment il a été scientifiquement établi que la grippe A serait majoritairement bénigne et pourquoi, dès lors que la virulence du virus était similaire à celle de la grippe saisonnière, une double injection, sur le modèle du schéma retenu pour la vaccination contre le virus H5N1, avait été jugée nécessaire.
est convenu que la source de l'ambiguïté venait sans doute du fait que le plan grippe avait été conçu et préparé sur le modèle d'H5N1. Il y a sans doute eu une certaine confusion dans les esprits, dans l'organisation de la prise en charge aussi bien que dans la recherche, entre ce plan qu'on avait préparé et l'actualité de la pandémie, en particulier dès que des formes graves ont été connues, à partir de la mi-juillet 2009.
On s'est dit alors que le taux de pénétration serait important et que le virus, tout en étant bénin en général, développerait des formes graves, dans des proportions qui faisaient débat. Il a noté, à propos de la pénétration du virus, que l'on estime que 6 à 7 millions de personnes ont contracté la grippe A en France, mais que, compte tenu des formes asymptomatiques - dont l'importance constitue un phénomène nouveau -, il faudrait multiplier ce nombre par deux ou trois, soit un total de 15 à 20 millions de Français touchés, ce qui est important.
revenant sur la question de la double injection, a indiqué qu'un expert entendu par la commission d'enquête avait indiqué que, dès juillet 2009, on savait qu'elle était inutile.
a regretté qu'il ne l'ait pas dit à l'époque. Car le modèle d'H5N1 était dans les esprits : le vaccin contre ce virus était peu immunogène, donc par analogie, la recommandation était, pour le virus H1N1, celle d'une double vaccination avec un vaccin adjuvanté.
Il a précisé que, n'étant pas membre des comités d'experts sur la vaccination, il n'avait pas pris part à cette recommandation, notant que des essais comparatifs sur des groupes considérés comme plus fragiles semblaient indiquer que l'adjuvant n'était pas indispensable pour assurer une protection.
a voulu savoir sur quelles données se fondait l'estimation que le vaccin antigrippal saisonnier réduit de 80 % les cas de grippe prouvée virologiquement, estimation qui figure dans un document d'information sur la grippe de l'INSERM daté du 11 septembre 2009.
Notant que les études sur l'efficacité du vaccin antigrippal saisonnier sont très rares et qu'en fait, une seule étude complète a porté sur une cohorte de personnes de plus de 75 ans accueillies en établissement, M. Jean-François Delfraissy a indiqué que c'était cette étude qu'avait citée l'INSERM.
a relevé que des experts qui avaient été interrogés par la commission d'enquête s'étaient montrés beaucoup plus réservés sur l'efficacité de la vaccination saisonnière.
a rappelé que les recommandations de vaccination contre la grippe saisonnière visent les populations considérées à risque, comme les personnes âgées, le personnel soignant, les patients immunodéprimés. Contre la grippe A, la recommandation était très différente puisqu'elle visait toute la population.
a demandé à M. Jean-François Delfraissy s'il pensait qu'une mutation d'H1N1 pourrait provoquer bientôt une deuxième vague d'épidémie, plus grave que celle de l'an passé.
s'est dit incapable de répondre à cette question. Un des projets de recherche a pour objet de déterminer si les formes graves de la maladie étaient imputables à des mutations du virus. Les études sont en cours mais il semble que c'est plutôt une réaction immunitaire de l'hôte, c'est-à-dire une hyper activation immunitaire, qui est à l'origine des formes graves que l'on a constatées.
On s'est également posé la question de savoir si H1N1 muterait pour devenir résistant au Tamiflu. Il semble, en l'état, que la réponse soit négative.
a noté qu'à propos de l'efficacité du Tamiflu, on avait dit tout et son contraire, ce qui n'est guère rassurant.
a répondu que l'on disposait d'éléments tendant à montrer une certaine efficacité du Tamiflu pour prévenir les cas graves, éléments qui n'ont cependant pas été confirmés par des essais randomisés.
Il a relevé qu'en France, la grossesse n'est pas apparue comme un facteur de risque de forme grave alors qu'elle l'était très clairement aux Etats-Unis, ce qui a été une source d'angoisse très forte dans la population. En fait, il semble qu'en France, où les femmes enceintes ont beaucoup refusé la vaccination, le Tamiflu ait été prescrit très rapidement, à la moindre suspicion de contamination. Inversement, dans toutes les formes graves développées par des patients jeunes et en bonne santé, on constate que le Tamiflu n'avait été prescrit dans aucun cas. Ces données d'observation sont à considérer. M. François Autain, président, notant qu'elles ne constituent pas des preuves, M. Jean-François Delfraissy a souligné que les études observationnelles fournissent des indices qui sont importants quand ils convergent, et qu'il n'y a pas d'étude randomisée. Ainsi, on avait observé en France, par exemple, que la circoncision diminuait le risque de transmission du VIH. Cette découverte fondée sur l'observation a été confirmée par une étude randomisée conduite en Afrique du Sud.
Soulignant le caractère nécessairement tardif de l'arrivée des vaccins contre un virus émergent, M. François Autain, président, a demandé si la vaccination de l'ensemble de la population pour créer un « effet barrière » était une solution réaliste.
a indiqué que cette question avait été très débattue dès le mois de septembre 2009. Ainsi avait-on craint, lors d'une réunion organisée à l'Institut Pasteur sur les formes graves, que le vaccin n'arrive qu'en novembre, alors que l'épidémie paraissait imminente. Cependant, au mois d'octobre, il y a eu un « été indien », qui a heureusement retardé la pandémie et l'on a pensé que la vaccination pourrait arriver à temps, d'autant que les vaccins paraissaient pouvoir être livrés plus tôt.
L'effet barrière du vaccin contre une épidémie en développement a été observé dans certains cas, par exemple contre une épidémie de méningite en Argentine, il y a une trentaine d'années. Ce n'est donc pas une construction de l'esprit. Toutefois, dans le cas de la pandémie H1N1, le débat a porté sur la date d'arrivée du vaccin, étant donné le taux de pénétration déjà constaté.
a évoqué les propos tenus devant la commission d'enquête par M. Michel Setbon, directeur de recherche au CNRS et sociologue, qui a souligné que la vaccination n'était pas toujours la meilleure protection contre les maladies virales et que, par exemple, contre le sida et la grippe, le plus efficace était encore, respectivement, de mettre un préservatif et de se laver les mains.
a rappelé que le sida est une maladie sexuellement transmissible, qui contamine 2,7 millions de personnes chaque année dans le monde, pour 36 millions de séropositifs. On compte en France 7 000 à 8 000 cas nouveaux par an de séropositivité. On ne dispose pas encore de vaccin contre le VIH, et la meilleure parade consiste donc, effectivement, à se protéger par le préservatif, quoiqu'en dise le Vatican. Cependant, alors que le VIH est connu depuis 25 ans, il contamine encore 2,7 millions de personnes par an dans le monde et on a constaté que le taux de prévalence était même de 17 % dans le milieu des jeunes homosexuels en région parisienne. On doit donc constater un relatif échec de la prévention par le port du préservatif.
Quant à la prévention d'H1N1, il est vrai que le geste de se laver les mains est très important pour prévenir la contamination, c'est bien pourquoi la population a été massivement incitée à le faire, et c'est peut-être l'une des raisons du caractère limité de la pandémie.
Revenant sur les propos de M. Jean-François Delfraissy sur la difficulté d'organiser la recherche dans l'urgence, M. François Autain, président, a demandé quels enseignements il fallait en retirer pour la recherche sur la grippe en général. Ne faudrait-il pas développer la recherche sur l'efficacité de la vaccination saisonnière, sur la mesure de la mortalité liée à la grippe, sur la prévalence de la grippe par rapport à d'autres affections présentant les mêmes symptômes ?
a estimé l'épisode que nous avons connu très riche d'enseignements pour la recherche. Les questions sont très nombreuses. On ne connaît pas, c'est vrai, l'efficacité de la vaccination saisonnière, faute d'études. De même, on ne sait pas si l'immunité après vaccin est différente de l'immunité après infection : c'est l'objet d'une étude sur H1N1.
Cependant, il ne faut pas cacher que les financements font défaut : les problèmes budgétaires sont très difficiles. C'est pourquoi les chercheurs ont besoin d'une vision à plus long terme. Le Parlement pourrait peut-être les aider en ce domaine. Mais le problème du financement de la recherche est récurrent dans notre pays.
s'est étonné des propos de M. François Delfraissy, rapportés par le Quotidien du médecin, selon lesquels un coût de 700 millions pour la vaccination contre la grippe A lui paraissait « raisonnable », notant que le Plan cancer, par comparaison, représente 300 millions.
a répondu que la France consacre 45 millions d'euros par an à la recherche sur le VIH, alors qu'elle est à la deuxième place mondiale sur ce secteur. Il est donc bien placé pour savoir ce que représentent 700 millions d'euros même s'il faut relativiser cette comparaison en fonction du contexte. Cependant, une dépense de 700 millions, c'est beaucoup dans le domaine de la santé, mais c'est peu par comparaison aux dépenses liées à la crise financière. La protection de nos compatriotes a un prix. Le montant des dépenses consenties pour lutter contre la grippe est peu de chose par rapport à celui qui a résulté de l'absence de régulation du secteur financier. C'est ce qu'il a voulu dire en l'occurrence, et il a dit assumer cette prise de position.