Intervention de Muguette Dini

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 avril 2011 : 1ère réunion
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Présentation des principales dispositions et Audition de Mme Nora Berra secrétaire d'etat chargée de la santé

Photo de Muguette DiniMuguette Dini, présidente, rapporteure :

Avant l'arrivée de Nora Berra, retenue au Conseil des ministres, et pour préparer le débat que nous aurons avec elle sur ce projet de loi, j'ai souhaité vous en présenter les grandes lignes pour que chacun ait à l'esprit les changements importants qu'il pourrait apporter au droit actuel.

Aujourd'hui, lorsqu'une personne souffre de troubles mentaux et n'est plus en mesure de consentir à une hospitalisation éventuelle, des procédures permettent de l'hospitaliser sans son consentement : l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) et l'hospitalisation d'office (HO).

L'HDT est possible en cas de nécessité de soins immédiats et d'une surveillance constante en milieu hospitalier. Comme son nom l'indique, elle repose sur la demande d'un tiers qui doit avoir un lien personnel avec la personne malade et nécessite la production de deux certificats médicaux concordants, le premier ne pouvant pas être établi par un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil du patient. A titre exceptionnel, en cas de péril imminent pour le patient, le directeur peut prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant d'un médecin exerçant dans l'établissement. Par la suite, la nécessité de l'hospitalisation doit être confirmée par un psychiatre dans les vingt-quatre heures de l'admission, puis dans les trois jours précédant les quinze premiers jours d'hospitalisation, puis chaque mois.

De son côté, l'HO peut être prononcée en cas d'atteinte à la sûreté des personnes ou, de façon grave, à l'ordre public. Un seul certificat est nécessaire, qui ne peut pas émaner d'un psychiatre de l'établissement d'accueil.

En HDT comme en HO, l'hospitalisation peut être interrompue par des sorties d'essai, qui sont décidées par un psychiatre de l'établissement dans le cadre d'une HDT ou par le préfet, sur proposition du psychiatre, dans le cadre d'une HO. La durée est limitée à trois mois mais le renouvellement est possible.

Enfin, la levée d'hospitalisation relève du psychiatre en cas d'HDT, mais est automatique si le tiers à l'origine de l'hospitalisation demande sa mainlevée. En cas d'hospitalisation d'office, la levée relève du préfet sur proposition du psychiatre.

Tel est le droit actuel. Qu'en sera-t-il si le projet de loi est adopté ?

Tout d'abord, on ne parlera plus d'hospitalisation, mais de soins sans consentement, ceux-ci pouvant être dispensés en dehors de l'hôpital.

L'entrée dans la procédure de soins sans consentement passera obligatoirement par une période d'observation de soixante-douze heures en hospitalisation complète.

Comme aujourd'hui, le placement en soins sans consentement pourra être fait à la demande d'un tiers ou sur décision préfectorale. Toutefois, le texte prévoit aussi la possibilité d'admettre une personne en l'absence de l'intervention d'un tiers, sur la base d'un seul certificat médical, en cas de péril imminent. Selon l'exposé des motifs du projet, il s'agit de permettre de délivrer des soins à des personnes isolées pour lesquelles il n'existe pas de tiers susceptible de faire la demande.

Pendant la période d'observation, deux certificats successifs devront être établis, vingt-quatre heures et soixante-douze heures après l'admission, pour confirmer, ou non, la nécessité de poursuivre les soins. A l'issue de la période d'observation, un psychiatre établira un « avis motivé » pour proposer soit une hospitalisation complète, soit des soins sans consentement sous une autre forme, comportant des soins en ambulatoire et, éventuellement, des soins à domicile, sur la base d'un protocole de soins.

Dans le cas de soins sans consentement à la demande d'un tiers, la forme de prise en charge sera prononcée par le directeur de l'établissement, qui sera lié par la proposition du psychiatre. En cas de soins sur demande préfectorale, le préfet décidera de la forme de la prise en charge sur proposition du psychiatre. La forme de prise en charge pourra être modifiée à tout moment sur décision préfectorale, lorsque le préfet est à l'origine de la mesure, ou sur décision du psychiatre dans les autres cas.

Une autre nouveauté, imposée par une décision du Conseil constitutionnel, est l'intervention d'un contrôle judiciaire obligatoire. Aujourd'hui, des recours sont possibles mais il n'existe aucun contrôle systématique des décisions d'HO ou d'HDT. Désormais, le juge des libertés et de la détention devra se prononcer sur les mesures d'hospitalisation complète après un délai de quinze jours puis tous les six mois. Il pourra solliciter des expertises et se prononcera après une audience, qui pourra éventuellement se tenir par voie de visioconférence.

En ce qui concerne la sortie des soins sans consentement, une procédure renforcée d'examen est prévue pour certaines catégories de patients, à savoir ceux qui ont fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité ou qui ont déjà été placés en unité pour malades difficiles. La décision de sortie de soins sans consentement ne pourra être prise par le préfet ou par le juge des libertés qu'après avis d'un collège de soignants et présentation de deux expertises.

J'ai mené plusieurs auditions sur ce texte depuis deux semaines et d'autres sont encore prévues jusqu'à la présentation du rapport en commission. Il en ressort que l'idée de soins sans consentement en dehors de l'hôpital est plutôt bien perçue par les familles de patients qui espèrent ainsi que leur malade sera toujours suivi de près, même lorsqu'il quittera l'hôpital.

En revanche, le texte suscite une opposition assez forte des psychiatres. Ils considèrent notamment que la réforme de la loi de 1990 sur l'hospitalisation sans consentement aurait dû s'inscrire dans le cadre d'une loi plus large sur la santé mentale et que ce texte, si l'on excepte les dispositions imposées par le Conseil constitutionnel, est inspiré par une logique exclusivement sécuritaire.

Par ailleurs, le projet de loi multiplie les certificats, les règles de procédure, les transmissions de documents et sa complexité laisse augurer des difficultés de mise en oeuvre. Ainsi, le nombre de certificats et d'expertises pendant une période d'hospitalisation pourra être très élevé, alors que le nombre de psychiatres publics et d'experts judiciaires disponibles est limité.

La question des moyens risque d'être cruciale dans la mise en oeuvre de cette réforme. L'entrée en vigueur du contrôle du juge des libertés et de la détention dès le 1er août prochain suscite de très fortes inquiétudes, le risque de nullités de procédures étant élevé.

A ce stade, il m'est difficile d'en dire plus avant d'avoir procédé aux dernières auditions qui restent à faire, aujourd'hui même et à nouveau le 26 avril. Je n'ai pas encore entendu les représentants des patients ni ceux des infirmiers, qui jouent un rôle important dans ce domaine. J'ai fait préparer à votre intention des tableaux comparatifs très complets présentant le droit actuel et, en regard, la procédure qui s'appliquerait avec l'adoption de ce projet de loi.

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