Intervention de Christine Lagarde

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er juin 2010 : 1ère réunion
Troisième loi de finances rectificative pour 2010 — Audition de Mme Christine Lagarde ministre de l'économie de l'industrie et de l'emploi

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Les prémices de ce texte datent du 7 mai, jour où se sont réunis à Bruxelles les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro -non ceux de l'Union européenne, comme cela aurait dû être le cas- pour la troisième fois depuis que l'euro existe. La tenue de cette réunion, qui se déroule ordinairement entre les ministres des finances, s'est imposée devant une situation extraordinairement difficile : des marchés très agités, les problèmes rencontrés par la Grèce, le plan de soutien à la Grèce, des pays de la zone menacés tels que le Portugal, l'Italie et l'Espagne. Dans la nuit du 7 mai, les chefs d'État et de gouvernement, largement entraînés par le Président de la République, ont décidé la création d'un mécanisme pour faciliter la mise en oeuvre de plans de sauvetage des pays de la zone euro en difficulté. Celui-ci a été mis au point dans la nuit du 9 au 10 mai. Son premier étage comprend la possibilité, pour la Commission, de mobiliser 60 milliards d'euros de prêts en vertu du second alinéa de l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ce chiffre paraissant bien faible au regard de l'appétit des marchés et des difficultés du marché interbancaire, il a été imaginé un mécanisme intergouvernemental entre les États de la zone euro, et non un mécanisme communautaire, de 440 milliards de prêts et garanties au sein d'un Fonds européen de stabilité financière, le FESF. Enfin, le troisième étage du plan est l'engagement du FMI à apporter son concours à concurrence de 50% de toutes les sommes engagées -les 60 milliards de la Commission et les 440 milliards du FESF-, soit 250 milliards. Nous sommes parvenus à annoncer ce plan, non avant l'ouverture des marchés australien et japonais, mais avant celle des marchés européens.

Le volet français de ce plan de soutien se compose de la garantie de la France à l'aune de sa participation au capital de la Banque centrale européenne, soit 90 milliards, majorée de 20 %, à l'instar de l'Allemagne qui a déjà adopté un projet de loi. De fait, il faut prévoir l'hypothèse où il serait fait appel à la garantie du Fonds et où un État défaillant ne pourrait pas contribuer. Il s'agit de renforcer le mécanisme afin que les agences de notation considèrent le Fonds comme un bon emprunteur en tant qu'institution, mais également pour chacune de ses émissions. Le Fonds, dont les modalités ont été négociées dans la nuit du 9 au 10 mai, aura une durée d'existence de trois ans. Les prêts courront sur une période maximale de cinq ans, avec une période de grâce de trois ans au terme de laquelle interviendront les premiers remboursements. En somme, le régime est celui appliqué à la Grèce. Le taux d'intérêt sera également aligné, le plus possible, sur celui du FMI et le prêt subordonné à des conditionnalités fortes pour engager le pays en difficulté sur le chemin d'une meilleure orthodoxie budgétaire et fiscale. Le Fonds sera de droit luxembourgeois comme la Banque européenne d'investissement qui lui apportera services et soutien administratif. Certains de nos partenaires, en particulier l'Allemagne, voulaient éviter que ce Fonds ne devienne un « machin », une bureaucratie, une institution bancaire... D'où ce parti pris de la légèreté et l'utilisation de la Banque européenne d'investissement comme prestataire de services. Ce Fonds sera un rempart contre l'incertitude, la défiance et la spéculation, quoique aujourd'hui, j'y insiste, l'heure est plutôt à un mouvement de défiance des investisseurs, des établissements bancaires à l'égard du risque euro, qu'à la spéculation. Deuxième élément de ce projet de loi de finances rectificatives : respecter nos engagements envers le FMI dans le cadre du G20. En effet, les chefs d'État ont décidé de renforcer les moyens d'intervention du FMI de 500 milliards de dollars sous la forme d'une contribution additionnelle aux nouveaux accords d'emprunt. Augmenter les capacités de financement du FMI est souhaitable à l'heure où il s'est engagé à apporter un complément de 50 % aux sommes engagées pour la stabilisation de la zone euro. Pour la France, cette contribution additionnelle s'élèverait à 18,7 milliards de droits de tirage spéciaux, soit 21 milliards d'euros. La France doit rapidement traduire cet engagement, a rappelé le directeur du FMI lors d'une récente conférence téléphonique. Soit. Reste aux autres partenaires à souscrire également à ces nouveaux accords d'emprunt ; mais, au moins, pour la France, ce sera chose faite. Pour terminer, j'ajoute que la garantie apportée par la France au Fonds n'aura pas d'impact budgétaire.

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