Intervention de Michel Massoni

Mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver — Réunion du 1er février 2007 : 1ère réunion
Audition de Mm. Philippe de laDoucette président de la commission de régulation de l'énergie cre et michel massoni directeur de l'accès aux réseaux électriques de la cre

Michel Massoni, directeur de l'accès aux réseaux de la CRE :

a ensuite détaillé le fonctionnement des gestionnaires de réseaux européens.

Il a tout d'abord rappelé que, pendant de nombreuses années, les électriciens européens avaient utilisé un concept de « chemin contractuel » adapté aux échanges transfrontaliers stables à long terme entre opérateurs intégrés, pour lesquels l'analyse de la physique des échanges et le recouvrement précis des coûts de transport ne constituaient pas une priorité. Il a constaté que, dans de telles conditions, la gestion économique rationnelle des interconnexions, en tenant compte de la physique des échanges, n'était pas possible et que cela pouvait même engendrer des situations dangereuses. Il a cité, pour illustration, le quasi-incident du réseau belge du 14 juillet 1999, durant lequel les gestionnaires belge et français avaient dû faire face à des flux transfrontaliers non identifiés, dont l'analyse avait révélé ultérieurement qu'ils provenaient de modifications inopinées intervenues sur les réseaux allemands.

Il a déclaré que la prise en compte précise de la physique des échanges supposait une forte coordination du pilotage du réseau de la zone donnée et de ceux des réseaux voisins. Il a relevé que tel était le cas en France, citant l'exemple de la Bretagne, région déficitaire en production d'électricité, dont la sécurité d'approvisionnement dépendait largement de la fiabilité du réseau coordonné par RTE. Il a constaté, en revanche, que cela était moins vrai à l'échelle européenne, même si la sécurité de l'approvisionnement d'un pays comme l'Italie était dépendante de la disponibilité d'électricité dans les pays voisins.

a ensuite estimé que la sécurité globale pouvait être améliorée par la mise en commun des moyens des différents gestionnaires de réseau si cinq conditions étaient remplies :

- que les différentes zones soient interconnectées par des infrastructures de capacité suffisante ;

- que les règles de marchés soient homogènes pour assurer une répartition équitable entre zones de l'énergie produite sur l'ensemble du réseau interconnecté ;

- que le niveau d'information soit élevé et homogène entre les zones pour donner une visibilité suffisante aux investisseurs sur les besoins de chaque zone et leur évolution ; à cet égard, il a estimé que si la France remplissait à ce jour cette condition fondamentale, tel n'était pas le cas de ses partenaires, et ajouté que la Commission européenne envisageait de prendre des mesures contraignantes en la matière ;

- que les règles de mobilisation des réserves soient compatibles entre les zones ;

- que la coopération et la coordination entre les gestionnaires de réseau responsables du contrôle de chaque zone soient efficaces en termes de prévision des flux d'énergie, de gestion de ces flux et de définition de mesures d'urgence.

a ensuite abordé l'incident du 4 novembre 2006 et ses conséquences. Il a relevé que, compte tenu des conséquences subies par les consommateurs français, la CRE avait été largement à l'origine de la décision du Groupe des régulateurs européens dans le domaine de l'électricité et du gaz (ERGEG) d'entreprendre une analyse détaillée de cet incident. Il a indiqué que l'analyse de l'ERGEG s'était fondée sur des faits rapportés par les gestionnaires de réseau de transport d'électricité (GRT) soit directement aux autorités de réglementation nationales, soit par l'intermédiaire de documents qu'ils avaient publiés. Il a précisé que l'ERGEG avait aussi examiné les analogies de cet incident avec d'autres incidents et pannes à grande échelle récents, en particulier le « black out » italien de septembre 2003.

Il a déclaré que les recommandations présentées dans le rapport provisoire du 20 décembre 2006 s'articulaient autour de deux grands axes :

- la nécessité d'améliorer le cadre législatif et réglementaire à l'échelle de l'Europe pour minimiser les risques de pannes. Il a ainsi estimé qu'un réseau européen intégré requérait un cadre juridiquement contraignant fondé sur la mise en place effective du respect des règles, du contrôle de leur mise en oeuvre et de la coordination entre les GRT. Il a jugé qu'un tel cadre ne pouvait être que partiellement obtenu à partir du règlement européen 1228/2003, notant que la coopération et la collaboration entre GRT reposaient principalement sur des accords volontaires conclus sur des bases minimales, et donc insuffisantes. Il a jugé que, faute d'un tel renforcement, le choix serait entre la restriction des échanges ou une interconnexion par des moyens surabondants, ce qui se traduirait, dans les deux cas, par des surcoûts ;

- la nécessité que des mesures soient prises par les GRT eux-mêmes, avec une surveillance stricte des régulateurs, pour assurer une coordination et une coopération effectives entre eux. Il a ainsi estimé que des échanges d'informations plus efficaces entre les GRT étaient nécessaires à l'amélioration de leur appréciation de l'état du système, précisant que ces échanges devaient porter sur les informations pertinentes la veille pour le lendemain, à savoir les prévisions précises de production, de consommation, d'échanges transfrontaliers et la topologie du réseau, et viser tous les GRT susceptibles d'être concernés par les flux physiques engendrés par les échanges.

Se félicitant de la convergence des différentes analyses menées par l'Union de la coordination de la transmission de l'électricité (UCTE), l'ERGEG et la Commission européenne, M. Michel Massoni, directeur de l'accès aux réseaux de la CRE, a jugé que la prochaine étape devrait consister à en tirer toutes les conséquences.

Un débat s'est ensuite instauré.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion